Le Luxembourg perd en un an les timides progrès de ces trois dernières années en matière de compétitivité

Affaires économiques

Global Competitiveness Report 20011-2012

En 2011, le Luxembourg voit d’un seul coup la timide amélioration de sa position compétitive observée depuis trois ans réduite à néant, en atteignant la 23e place du classement international « Global Competitiveness Report 2011-2012 » du Forum Economique Mondial, très en-deçà de ses principaux partenaires économiques. Si ses qualités compétitives s’affirment au regard de certains indicateurs institutionnels et de fonctionnement de marchés des biens et services, les champs d’action liés à l’équilibre des finances publiques, à l’éducation et à la formation ainsi qu’au fonctionnement du marché du travail doivent rapidement donner lieu à des actions concrètes et correctrices de la part des pouvoirs publics pour redonner de la vigueur à la compétitivité du Grand-Duché.

Le rapport « Global Competitiveness Report » 2011/2012 du World Economic Forum réalise un classement international annuel en matière de compétitivité des pays, et ce sur base d’indicateurs statistiques et de l’opinion des décideurs économiques et des dirigeants d’entreprises. Ce rapport est l’un des principaux du genre à l’échelle mondiale[1].

L’édition 2011-2012 est un mauvais cru pour le Grand-Duché de Luxembourg puisque ce dernier recule de trois places dans le classement international des économies les plus compétitives pour se placer à la 23e position de ce classement. Si l’édition de l’année dernière soulignait un piétinement du pays en termes de compétitivité[2] de son économie (progression de la 21e à la 20e position au niveau mondial), le présent rapport ne peut que décevoir quant à la perte de vitesse manifeste que le Luxembourg subit dans la compétition mondiale et en comparaison européenne. La dégradation cette année, de la 20e à la 23e place mondiale, prend une signification particulière dans le contexte d’extrême incertitude et de crise de confiance qui prévaut depuis des mois, que ce soit en Europe et au niveau international.

Une fois de plus, c’est la Suisse qui se positionne sur la première marche du podium, suivie de Singapour et de la Suède. Les pays européens sont particulièrement présents sur les dix premières places du classement international (Finlande en 4e position, Allemagne en 6e, Danemark en 8e), ce qui rend le 23e rang du Luxembourg pour le moins très décevant. Cette année encore, le Grand-Duché se retrouve très mal placé en comparaison de ses partenaires économiques et commerciaux de la Grande Région.

Le bilan « compétitivité » de l’économie luxembourgeoise

La position compétitive relative du Luxembourg s’est dégradée (de la 20e à la 23e place) dans un classement international qui compte désormais 142 pays. Il convient notamment de souligner, par rapport à l’édition 2010-2011 du GCI (Global Competitiveness Index), un recul apparent et marqué de 8 des 12 piliers pris en compte dans l’étude, piliers ayant trait aux infrastructures, à l’environnement macroéconomique, à l’efficacité du marché du travail, au développement du marché financier, à l’utilisation des nouvelles technologies, à la taille du marché, au degré de sophistication de l’environnement des affaires et à l’innovation. Il ne reste donc a priori que 4 motifs de satisfaction au regard de l’amélioration affichée des 4 piliers suivants : les institutions, la qualité du système de santé et d’éducation primaire, l’enseignement supérieur et la formation supérieure et l’efficacité des marchés de biens.

La catégorie d’indicateurs dédiée aux fondamentaux de la compétitivitéBasic requirements ») est la seule à évoluer favorablement, à la fois en termes de position relative du pays dans le classement (amélioration de 4 places à la 6e position) et du point de vue du score atteint par le Grand-Duché (de 5.80 sur 7.00 l’an passé à 5.90 dans la présente édition). La position relative en la matière est même meilleure que pour l’édition 2009 de l’étude (7e place). Le Luxembourg renforce également son pilier « institutionnel », malgré une baisse de son score. Mais à y regarder de près, les performances luxembourgeoises apparaissent très différentes selon les indicateurs (très bons en matière de droits de propriété et de protection de la propriété intellectuelle, médiocres pour ce qui, par exemple, du critère de poids administratif de la part des pouvoirs publics – l’indicateur « burden of government regulation » passe de la 22e à la 40e place). Le rapport ne peut que pousser le Gouvernement à renforcer les initiatives prises en vue d’une plus grande simplification et efficience administrative.

Le Luxembourg a chuté en matière de performances macro-économiques (de la 9e à la 15e place), alors qu’il avait déjà reculé fortement l’année dernière (-3 marches) et qu’il s’agit habituellement d’un pilier phare de la compétitivité luxembourgeoise. L’important délitement de ce dernier met en relief une situation qui se fragilise clairement pour le pays empreint, depuis le début des années 2000, à une lente et inexorable dégradation de la compétitivité-coût et prix des entreprises nationales, et ce dans un contexte de ralentissement économique mondial doublé d’une crise de confiance des marchés et d’une mise sous pression forte des finances publiques dans la plupart des pays riches, en particulier les principaux partenaires commerciaux du Luxembourg. De fait, les indicateurs d’équilibre budgétaire et d’épargne nationale ne sont pas bons (respectivement 38e et 41e places au classement international). Pour contrecarrer cette tendance, le Luxembourg doit en particulier compter sur la capacité, notamment des Européens, à insuffler de la stabilité et de la sérénité à l’environnement global économique. Il doit également, plus que jamais, renforcer ses propres efforts à équilibrer ses finances publiques en vue de conserver sa capacité à mener des politiques proactives en faveur du développement socio-économique et du bien-être de ses citoyens. C’est d’ailleurs ce qui peut sembler faire défaut vu le déclassement du pays pour l’indicateur lié aux infrastructures. Il est à souligner que le Luxembourg atteint un piètre positionnement en matière d’infrastructures de transport aérien et d’infrastructures portuaires. Les indicateurs en question ne pourront s’améliorer que si le Luxembourg parvient à garantir des investissements publics ciblés et efficaces pour renforcer la capacité productive, y compris qualitative, du territoire. Pour ce faire, il est essentiel que le Grand-Duché puisse s’assurer des marges de manœuvre financières.

La deuxième catégorie d’indicateurs analysés dans le GCI 2011-2012 a trait aux améliorateurs d’efficacitéEfficiency enhancers »), pour lesquels la dégradation compétitive relative est nette et particulièrement inquiétante (perte de 3 places). Le graphique 3 montre, hormis le cas irlandais grandement conditionné par la crise de la dette souveraine dans ce pays, que le Luxembourg est déclassé en comparaison avec nombre de ses principaux partenaires économiques (il retrouve la 23e place du classement qu’il avait déjà connue en 2009). Il est à noter une relative stabilité de la position compétitive luxembourgeoise pour ce qui est des piliers enseignement supérieur et formation continue (+1 place) et efficacité des marchés de biens et services (+1 place également). Le premier demeure visiblement une des faiblesses structurelles du pays les plus fortes vu le positionnement relatif très défavorable (40e rang). De manière générale, les piliers 4 et 5, qui ont trait globalement aux thématiques d’éducation et de formation, figurent parmi les performances les plus mauvaises du Grand-Duché : 30e selon le critère de qualité de l’éducation primaire, 35e selon le critère de qualité du système d’éducation, 58e selon le critère de qualité des écoles de management. Il y a donc, dans ce champ d’action des pouvoirs publics et des acteurs luxembourgeois, matière à conduire des réformes et à améliorer la capacité compétitive du pays. Toutefois, la mesure et l’interprétation de plusieurs autres indicateurs se doit d’être très prudente : la prise en compte, par exemple, du taux d’inscription en études supérieures est par nature faussée dans la mesure où nombre d’étudiants luxembourgeois partent à l’étranger boucler leur formation supérieure. Le second pilier, en lien avec le fonctionnement des marchés de biens, demeure apparemment un point fort du Luxembourg. Selon le World Economic Forum, il renvoie à la capacité d’un pays à développer des marchés ouverts, avec des conditions de concurrence transparente, un système fiscal et réglementaire équilibré qui ne contraint pas l’attrait des investissements étrangers. Au Luxembourg de maintenir, voire de renforcer, l’un de ces rares points forts au regard du présent benchmark international.

Les piliers 7 à 10 ont, par ailleurs, tous connu une détérioration du classement national : le marché du travail apparaît clairement comme le principal chantier à conduire en vue d’améliorer la compétitivité, particulièrement au regard de la dégradation de la position compétitive luxembourgeoise, de la 37e à la 41e place du classement afférent. C’est vraisemblablement en ce qui concerne l’efficience et le fonctionnement du marché du travail que les marges de progression sont les plus importantes et les plus souhaitables. Trop de critères se sont en effet fortement dégradés et positionnent le Luxembourg en queue de peloton mondial (131e place au vu de l’indicateur « rigidity of employment », 51e position pour ce qui est de l’indicateur, « pay and productivity »). La prise en compte de ces deux critères prend une signification particulière à l’approche des réunions tripartites prévues au niveau national, eu égard principalement à la problématique de l’indexation des salaires et dans le contexte de forte dégradation de la compétitivité ainsi caractérisé. L’occasion pour la Chambre de Commerce de plaider pour une refonte du système en la matière.

Le Luxembourg, au regard de sa taille de population, dispose a priori de peu de marges de manœuvre pour faire évoluer favorablement l’indicateur de la taille de marché. Cependant, l’existence d’un marché de la Grande Région et du marché européen doit pouvoir lui permettre d’exploiter à plein les dynamiques d’économies d’échelle et de compenser la faiblesse de son marché domestique par la vitalité d’un marché allant au-delà de ses frontières et du marché extérieur plus généralement.

S’agissant de la capacité du pays à exploiter les nouvelles technologies, le Luxembourg connait un recul très net de son rang international, de la 2e à la 9e place. Demeurer dans le top 10 est certes flatteur, mais cette dégradation, assortie d’une diminution du score y relatif, en dit long sur la capacité de plusieurs concurrents du Luxembourg à remettre en cause l’ordre mondial. Cette observation vaut surtout pour des pays comme le Danemark, Hong Kong, l’Islande, les Pays-Bas ou la Norvège. Dans le cadre des nouveaux modèles de croissance (endogène, qualitative, intelligente, durable), la capacité des pays à améliorer leur position compétitive dépendra crucialement de capacités et savoir-faire technologiques. De ce point de vue, le Grand-Duché doit poursuivre ses efforts en matière de développement des TIC, de la fibre optique et des centres de données, pour ne citer que ces exemples.

Concernant la troisième catégorie de déterminants de la compétitivité, portée vers l’innovation et les facteurs dits de sophisticationInnovation and sophistication factors »), le Luxembourg perd une place sur l’échiquier international de l’innovation (du 19e au 20e rang), ce qui, vu l’incertitude qui prévaut, s’apparente clairement à un piétinement. Tandis que se jouent autour de cette thématique structurelle vraisemblablement les enjeux et défis les plus cruciaux, le Grand-Duché ne parvient pas à améliorer sa capacité de sophistication du business et son pouvoir d’innovation. Loin d’être une condition suffisante, les investissements et la mise à disposition de moyens financiers importants en faveur de l’innovation, de l’université et des centres de recherche publics doivent s’accompagner de logique de ciblage des moyens, d’évaluation des résultats et de valorisation de la recherche.

En conclusion, la Chambre de Commerce ne peut qu’inviter les pouvoirs publics et la société luxembourgeoise dans son ensemble à s’intéresser au présent rapport du World Economic Forum qui a le mérite d’identifier un certains nombre d’aspects difficiles, voire de dysfonctionnements structurels de l’économie nationale qui se doivent de capter l’attention et la réflexion en vue de porter des actions concrètes correctrices et pertinentes.

Pour tout renseignement complémentaire, vous pouvez contacter :
Département Economique
Tél. : (+352) 42 39 39 - 350
eco@cc.lu 


[1] Au Grand-Duché, la Chambre de Commerce est en charge du volet “Enquête auprès des décideurs et chefs d’entreprise » du rapport WEF.

[2] La compétitivité, au sens du World Economic Forum, désigne « l’ensemble des institutions, des politiques et des facteurs qui déterminent le niveau de productivité d’un pays », lequel niveau de productivité détermine le niveau de prospérité qu’une économie est susceptible d’atteindre ainsi que les taux de rendement auxquels peuvent prétendre les investissements dans l’économie nationale, c'est-à-dire les moteurs de la croissance économique. Elle est une notion multidimensionnelle qui s’appuie sur l’analyse de composantes statistiques et dynamiques pour apprécier le potentiel de croissance des pays. La présente étude de compétitivité est fondée sur l’analyse de l’évolution d’un grand nombre d’indicateurs, eux-mêmes divisés en 12 piliers et regroupés en 3 grandes catégories : les « exigences fondamentales en matière de compétitivité » (institutions publiques, infrastructures, performance macro-économique, santé et enseignement primaire), les « facteurs améliorant l’efficacité » (enseignement supérieur et formation continue, efficacité des marchés de biens et du travail, sophistication du marché financier, utilisation des nouvelles technologies, taille du marché) et les « facteurs dits de sophistication » (innovation et degré de sophistication des entreprises).