Eden Rose - Une nouvelle étoile brille

Start-Up
Caroline Esch et Valérian Prade, Chefs, Pavillon Eden Rose

À tout juste 27 et 26 ans, les jeunes chefs Caroline Esch et Valérian Prade ont décroché leur première étoile Michelin le 13 mars dernier et intègrent ainsi le groupe très fermé des établissements du Luxembourg à avoir obtenu la récompense suprême. Leur restaurant, le Pavillon Eden Rose, a ouvert en 2019 au cœur du parc de Kayl. Il est également le premier restaurant national à proposer uniquement des produits sans gluten. En 2022, le restaurant s’était vu décerner le prix de «Découverte de l’année» par le guide Gault&Millau et en 2023, Valérian Prade avait été désigné « Jeune chef de l’année» par le guide jaune.

Racontez-nous vos parcours. Comment êtes-vous devenus propriétaires et chefs du Pavillon Eden Rose?

Caroline Esch: J’ai toujours aimé aider ma maman à cuisiner et je faisais beaucoup de pâtisserie dès l’âge de 5 ans. Française d’origine, mais descendante d'ancêtres luxembourgeois, j’ai obtenu la nationalité luxembourgeoise par recouvrement en 2012. J’ai effectué mes études à l’École d'Hôtellerie et de Tourisme du Luxembourg, puis obtenu une licence en Arts culinaires et management de la restauration auprès de l’institut Paul Bocuse. Dans le cadre de ma formation, j’ai enchaîné divers stages en cuisine, notamment auprès des restaurants étoilés le Toit pour toi, Mosconi, et aux côtés du chef triplement étoilé, Jean-Georges Klein du restaurant L’Arnsbourg, en Moselle. En 2015, j’ai rencontré Valérian à l’Auberge de l’Ill, chez le chef Marc Haeberlin, alors 3 étoiles au guide Michelin, en Alsace, où nous avons travaillé ensemble. Valérian venait d’y être embauché, et j’y ai effectué un stage d’études, toujours en cuisine. En 2016, j’ai été commis de cuisine auprès du restaurant étoilé, Le Park 45 à Cannes, sur le boulevard de la Croisette avant d’occuper, un poste de Chef de rang à Ma Langue Sourit. En mars 2019, j’ai souhaité prendre mon envol et ai cherché un lieu pour ouvrir une pâtisserie sans gluten. Le prix élevé des loyers m’a découragée et je me suis donc tournée vers un local de restauration. J’avais le projet de me lancer depuis un certain temps déjà. Le jour de mes 24 ans, j’ai été choisie par le Conseil Communal de Kayl parmi 20 candidatures, pour reprendre le «Pavillon Madeleine» tenu pendant un peu plus de 8 ans par Léa Linster. En juin 2019, j’ai ouvert avec ma maman un restaurant bistronomique et proposé une cuisine raffinée et inventive à base de produits frais et de saison, comparable aux plats servis dans les bouchons lyonnais.

Valérian Prade: Je viens du sud de la France et je suis tombé dans la cuisine tout petit. Ma grand-mère adorait cuisiner et m’a transmis sa passion. J'ai eu la chance de travailler dans plusieurs restaurants étoilés, en France et au Luxembourg, notamment à la Villa Archange au Cannet en France, à l’Auberge de l’Ill, en Alsace, puis à Ma Langue Sourit et à l’Hôtel Le Place d’Armes, au Luxembourg, où j’étais Chef de partie. C. E.: En 2021, ma maman s’est retirée de la cuisine pour se consacrer principalement à la gestion administrative du restaurant. Valérian m’a rejointe et nous avons développé une nouvelle approche culinaire, pour nous réorienter vers la haute gastronomie.

Vous avez ouvert en 2019, juste avant l’éclatement de la pandémie. Comment avez-vous vécu la crise sanitaire?

C. E.: Nous l’avons très mal vécue et nous nous sommes posés beaucoup de questions. Heureusement, les restaurateurs ont perçu un soutien financier de la part du Gouvernement. Tous les vendredis, nous avons proposé des menus à emporter au tarif de 35 euros pour une entrée, un plat et un dessert.

V. P.: Nous avons profité du coup d’arrêt imposé par la pandémie pour améliorer notre concept et nous avons pu prendre le temps d’échanger avec toute l’équipe. C’est peut-être le seul aspect positif de la crise sanitaire.

Comment est né le nom «Eden Rose» que vous avez choisi ?

C. E.: Avant d’ouvrir mon restaurant avec ma maman, je rêvais d’ouvrir une pâtisserie qui se serait appelée «Rose Bonbon». Avec l’ouverture d’un restaurant, il fallait que je cherche un autre nom. J’étais chez des amis dans le Müllerthal, quand j’ai eu entre les mains un livre sur les roses. J’ai eu le coup de foudre pour une variété de rosier arbustif, donnant des roses d’une très belle couleur rose pâle, nommée «Eden Rose». J’ai décidé de nommer mon restaurant d’après cette découverte. Ce nom rappelle aussi qu’à la «Belle Époque», fin du 19e siècle, le Luxembourg était connu pour la culture des roses qu’il exportait dans le monde entier.

Pouvez-vous nous parler de votre approche culinaire? Pourquoi un restaurant sans gluten?

V. P.: Notre approche culinaire est centrée sur les produits frais et de saison, avec une forte inspiration française. Nous travaillons essentiellement avec des producteurs locaux et en circuit court. Nos légumes proviennent essentiellement du Luxembourg, de Belgique et de France. La viande provient d’éleveurs locaux et est labélisée.

C. E.: Notre but est d’offrir de la créativité et de proposer une cuisine sans gluten et sans allergènes et de faire en sorte que nos clients ne remarquent pas qu’ils mangent des plats sans gluten. Nous confectionnons notre propre pain et toutes nos pâtisseries sont sans gluten. Nous choisissons des mélanges de farines de riz, de sarrasin, de pomme de terre et de maïs, mais aussi de tapioca ou encore, de châtaigne. Cette spécificité a une explication: très jeune, j’ai développé une forte intolérance au gluten. Mes parents se sont donnés beaucoup de mal pour satisfaire ma frustration de ne pouvoir manger la même chose que les autres. Le concept du sans gluten est déjà développé en France et en Belgique. J’ai constaté que cela manquait au Luxembourg, alors qu’il y avait une forte demande. Aujourd’hui, Eden Rose est le seul restaurant 100% sans gluten au Luxembourg. À chaque service, nous avons au moins un client, voire plusieurs, qui sont intolérants au gluten ! Les autres clients ne présentent aucune intolérance au gluten et viennent pour la qualité gustative de nos créations.

Comment se passe l’organisation de vos journées et le travail avec vos équipes ?

C. E.: Nous sommes actuellement six sur le terrain. La journée commence à 9 heures avec la préparation de la salle, les réponses aux mails et la prise en compte des réservations. Je m’occupe de la pâtisserie, du nappage, du linge à plier, de la décoration et des fleurs. Nous programmons le service et l’accueil.

V. P.: Je briefe les cuisiniers et nous nous accordons sur les préparations. À 11h, nous déjeunons tous ensemble. Après le service, l’équipe part en pause et nous reprenons vers 17h30, pour préparer le service du soir. Quand les clients sont à table, chacun est à son poste et remplit sa mission. Nous ne nous parlons pas. Un regard suffit pour se comprendre.

C. E.: Entre les deux services du matin et du soir, il faut également satisfaire une autre clientèle composée de parents et d’enfants, entre 15h et 17h. Le Pavillon Eden Rose étant situé dans un parc, avec une aire de jeux à proximité, nous devons proposer, selon le cahier des charges de la commune, thé, café, jus de fruits, crémant, pâtisseries et glaces locales. Nous avons la tarte du jour faite maison et nous proposons une assiette de fromages pour les diabétiques. « Je veux montrer qu’un restaurant sans gluten peut fonctionner.» 

Le Pavillon Eden Rose a une réputation exceptionnelle quant à son service. Pouvez-vous nous expliquer ce qui le rend si spécial ?

V. P.: Pour nous, le service est tout aussi important que les plats que nous servons. Nous voulons que nos clients se sentent les bienvenus dès qu'ils franchissent la porte du restaurant. Nous fonctionnons à la manière d'une table d'hôte, et nous voulons que nos clients aient l'impression d'être invités chez des amis. Nous leur apportons les plats, nous prenons le temps de les connaître et nous nous assurons que chaque expérience est unique.

C. E.: Étant donné que nous nous trouvons au milieu d’un parc, nous avons remplacé le fond musical par des chants d’oiseaux et de cigales qui accompagnent nos clients dans leur voyage gastronomique. Dépaysement et détente garantis ! Tout le monde adore!

Vous venez de décrocher votre première étoile Michelin alors que vous êtes tous les deux très jeunes. Que représente cette récompense pour vous ? Une plus grande pression ou la consécration?

V. P.: Cette étoile représente l’une des plus belles récompenses pour nous. C’est le rêve de tous les chefs qui travaillent avec passion. Nous avons toujours donné de l’amour dans ce que nous faisons, sans jamais nous prendre au sérieux. Le plaisir et l’amour des bonnes choses, avant tout!

Est-ce plus facile de recruter lorsqu’on est un restaurant étoilé?

V. P.: C’est malheureusement toujours aussi compliqué de trouver des serveurs. Nous recherchons actuellement un cuisinier passionné et nous continuons d’assurer le service en salle pour être proches de nos clients.

Depuis l'obtention de votre étoile, qu’est-ce qui a changé pour vous ? Avez-vous remarqué une augmentation significative des réservations ?

V. P.: Cette distinction a forcé le respect et une certaine reconnaissance de nos confrères et clients. Nous faisons désormais partie des 9 restaurants étoilés du Luxembourg.

C. E.: Nous sommes très souvent complets et nous travaillons six jours sur sept. Nous avons 15 jours d’attente pour une table en semaine. Les week-ends, nous sommes complets jusque fin juillet (l’interview a été donnée en avril 2023, ndlr). Nous avons parfois des annulations et dans ce cas, nous rappelons les personnes sur liste d’attente. Il ne faut donc pas désespérer!

Quel est selon vous le point commun entre un chef cuisinier… et un chef d’entreprise?

V. P.: La rigueur, certainement.

Quel est votre prochain défi ?

V. P.: Continuer à se faire plaisir, explorer de nouvelles expériences culinaires pour progresser et rendre nos clients heureux. Oser explorer des terrains inconnus permet de se dépasser.

Plus d'informations : www.edenrose.lu

TEXTE Marie-Hélène Trouillez - PHOTOS Matthieu Freund-Priacel/ Primatt Photography

Valérian Prade officie aux fourneaux, tandis que Caroline Esch veille aux douceurs.
Valérian Prade officie aux fourneaux, tandis que Caroline Esch veille aux douceurs.
Le Pavillon Eden Rose en acier Corten, situé au milieu du joli parc de Kayl, a ouvert ses portes en 2019.
Le Pavillon Eden Rose en acier Corten, situé au milieu du joli parc de Kayl, a ouvert ses portes en 2019.
La salle du Pavillon Eden Rose peut accueillir 18 convives.
La salle du Pavillon Eden Rose peut accueillir 18 convives.
Persil, un bouvier bernois, est la mascotte du restaurant et accompagne les jeunes chefs depuis le début de leur aventure.
Persil, un bouvier bernois, est la mascotte du restaurant et accompagne les jeunes chefs depuis le début de leur aventure.
L’élégant Pavillon Eden Rose offre un service soigné, un accueil à la fois chaleureux et élégant, et une cuisine parfaitement exécutée.
L’élégant Pavillon Eden Rose offre un service soigné, un accueil à la fois chaleureux et élégant, et une cuisine parfaitement exécutée.