Les restructurations transfrontalières de sociétés à l'aune de la transposition de la directive mobilité

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Lumière sur les futures règles

La Directive (UE) 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières, dite la Directive Mobilité, atteste dans son ensemble de la volonté du législateur européen de consolider une meilleure protection des travailleurs, des créanciers et des associés minoritaires, avec l’atténuation des obstacles à l’exercice de la liberté d’établissement des sociétés de l’Union Or, et malgré les objectifs louables du législateur européen, il se peut que les dispositions de la Directive Mobilité créent des entraves plus importantes encore à la mobilité intracommunautaire. Ainsi, nombreux sont ceux qui considèrent que la Directive Mobilité ajoute à la complexité procédurale et à la durée de ces opérations.

Lors de sa conférence qui a eu lieu le jeudi 8 juin 2023 sous forme de webinaire, la Chambre de Commerce a eu l’honneur de recevoir, et échanger avec, ses ressortissants et plus généralement un public intéressé par la thématique des fusions, scissions et transformations transfrontalières. Ce webinaire, animé par Evgenia Kyriakaki, Senior Legal Advisor (Chambre de Commerce) et Me Catherine Cathiard, Avocat à la Cour (Etude Catherine Cathiard), visait à dresser le panorama des règles issues du travail de transposition de la Directive Mobilité en droit national, avec comme objectif principal de permettre aux sociétés luxembourgeoises et aux autres opérateurs concernés par les opérations transfrontalières en question, de prendre connaissance des enjeux posés par cette transposition pour les restructurations transfrontalières en cours ou envisagées et de jauger des changements à venir dans un domaine de grand intérêt pratique pour les sociétés luxembourgeoises.

La mobilité des sociétés de l’union et les origines de la Directive Mobilité

Les intervenantes ont entamé leur présentation avec un rappel historique de la mobilité des sociétés de l’Union, en exposant le cadre juridique européen et les grands arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne. La Directive Mobilité vient modifier la Directive (UE) 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés (« Directive Sociétés ») en opérant les changements suivants :

  • introduction d’un régime relatif aux scissions transfrontalières entre sociétés de l’Union européenne, lesquelles n’étaient pas, jusqu’alors, régies par les dispositions du droit européen,
  • introduction d’un régime relatif aux transformations transfrontalières entre sociétés de l’Union européenne, lesquelles n’étaient pas régies non plus par les dispositions du droit européen et, enfin
  • changements apportés au régime des fusions transfrontalières de la Directive Sociétés, rectifiant par ce biais certaines imperfections du cadre juridique issu de la 10e Directive.

Les travaux de transposition de la Directive Mobilité en droit national

La majeure partie des dispositions de la Directive Mobilité est transposée en droit luxembourgeois par le biais du projet de loi n°8053[1] ayant pour objet de modifier la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales (« Loi de 1915 ») ainsi que la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises.

Un projet de règlement grand-ducal[2] ayant pour objet de modifier le règlement grand-ducal modifié du 23 janvier 2003 portant exécution de la loi du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises aux fins de la transposition de la Mobilité prévoit les modalités techniques nécessaires à l’achèvement de la transposition de la Directive Mobilité. Dernièrement, la Chambre de Commerce a été saisie du projet de loi n° 8225[3] portant modification du Code du Travail aux fins de transposer la Directive Mobilité, pièce qui complète le travail national de transposition.

Méthode de transposition et champ d’application de la reforme

Les auteurs du projet de loi n°8053 précité ont choisi de cantonner les nouveaux régimes des opérations transfrontalières européennes aux seules hypothèses tombant directement dans le champ d’application de la Directive Mobilité et de ne pas exercer un certain nombre d’options laissées aux Etats membres. Comme expliqué par Evgenia Kyriakaki, ce choix a le grand mérite de préserver la souplesse du droit luxembourgeois en la matière. Il n’en reste pas moins que cette approche crée ipso facto une disparité de régimes applicables aux opérations transfrontalières, de bons réflexes sont alors à développer pour une mise en œuvre adéquate.

Les principes communs aux trois opérations transfrontalières européennes & le calendrier des opérations

Les principes communs aux trois opérations transfrontalières européennes, à savoir les mécanismes de protection des créanciers, des associés et des salariés, ont été présentés en détail en insistant sur les caractéristiques de ces mécanismes et les conséquences pour les sociétés et les parties concernées. Me Cathiard a également présenté le nouveau mécanisme de double contrôle de légalité des opérations transfrontalières avant de parcourir le calendrier simplifié pour chacune des opérations visées par la Directive Mobilité. Les participants ont eu l’opportunité de découvrir le déroulement de la procédure de vérification de la légalité de l’opération dans l’Etat Membre de départ, les différentes hypothèses de blocage de l’opération en cas d’abus ou de fraude dans l’Etat Membre de départ, ainsi que les prémisses du contrôle de légalité dans l’Etat Membre de destination.

Entrée en vigueur et problèmes de transposition : à quoi s’attendre

Par souci de sécurité juridique, une période transitoire pour les opérations en cours, a été prévue par les auteurs du projet de loi. Néanmoins, la transposition non concomitante par les différents Etats membres et ses conséquences sur les opérations transfrontalières reste une réalité bien inquiétante pour les sociétés, la majorité des Etats Membres n’ayant pas encore pris de mesures nationales de transposition concernant la Directive Mobilité. L’événement a été clôturé par un recensement des points saillants des avis de la Chambre de Commerce et de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, ainsi que des enseignements tirés de cette première conférence de sensibilisation, à la suite duquel les participants ont eu l’opportunité de poser leurs questions.

 

La Chambre de Commerce entend poursuivre cette démarche de sensibilisation, en renouvelant cette rencontre avec les sociétés luxembourgeoises et tout opérateur économique impacté, et invite ses ressortissants à suivre l’évolution de cet important travail de transposition.

Pour des questions ou commentaires, merci de bien vouloir contacter :

Evgenia Kyriakaki

Senior Legal Advisor, Legal & Tax

T. +352 42 39 39 365

M. +352 621 435 406

E. evgenia.kyriakaki@cc.lu