Bail commercial et fermeture obligatoire des commerces : la jurisprudence fait application de la théorie des risques

COVID-19
Actualités juridiques

Affaires Juridiques - Baux commerciaux

Voilà deux jugements de la justice de Paix de Luxembourg qui pourraient faire grand bruit[1].

En effet, la jurisprudence vient d’apporter ses premières réponses à l’épineuse question du sort des loyers commerciaux lorsque les commerces exploités dans les locaux ont dû fermer en raison des mesures législatives prises dans le cadre de la crise sanitaire liée au Covid-19.

En pareille situation, la fermeture du commerce ne peut pas être reprochée au propriétaire, lequel peut donc légitimement escompter toucher ses loyers, alors qu’en parallèle le locataire n’a pas pu exploiter son commerce dans ledit local, pouvant ainsi de son côté espérer être déchargé de son obligation de payer le loyer. On comprend dès lors que la solution à apporter à une telle situation n’est guère évidente.

Il convient de rappeler tout d’abord que le contrat de bail est un contrat synallagmatique impliquant des obligations réciproques dans le chef du propriétaire et du locataire : l’obligation essentielle du propriétaire consiste dans la fourniture paisible de la pleine et entière jouissance des lieux, et celle du locataire consiste dans le paiement du loyer aux termes convenus.

Comme relevé par les premiers juges dans les deux jugements concernés, l’article 1722 du code civil, qui dispose que : « Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement », vise non seulement la destruction matérielle de la chose louée, mais également sa perte juridique.

L’accueil de public dans certains locaux ayant été interdit par le législateur, ces mesures de fermeture frappaient l’immeuble même dans lequel devait se dérouler l’activité commerciale en question et rendaient celui-ci impropre à sa destination. Les juges ont donc considéré qu’une telle situation constituait une perte juridique, certes temporaire, de la chose louée.

En faisant application de la théorie des risques, laquelle fait peser sur le propriétaire le risque en cas de perte de la chose louée, les juges ont retenu en pareille hypothèse que (i) le bailleur était dans l’impossibilité de procurer au locataire la jouissance paisible de la chose louée et que (ii) le locataire se trouvait par conséquent temporairement délié de ses propres obligations envers le propriétaire, dont notamment son obligation de paiement du loyer et autres charges inhérentes à l’exploitation des lieux.

Ainsi, dans le cadre de ces décisions, les locataires ont été exemptés, partiellement[2] sinon entièrement selon les circonstances, de leur obligation de paiement des loyers pendant les périodes de fermeture des commerces concernés .

La Chambre de Commerce rappelle que sur base de ce raisonnement et comme par ailleurs indiqué dans les décisions citées, dès la fin des mesures de fermeture imposées par le législateur, aucune perte de jouissance ne saurait plus être invoquée par le locataire, qui doit dès lors reprendre l’exécution de son obligation de payer le loyer et les charges au propriétaire.

Ces décisions, qui ont été rendues en première instance ne sont, à la connaissance de la Chambre de Commerce, pas encore définitives et susceptibles de réformation en cas d’appel.


[1] JP Lux. 13/01/2021 n°94/21 et JP Lux. 14/01/2021 n°124/21

[2] En effet en présence d’un bail mixte concernant un local commercial et un local destiné à l’habitation, seule la partie du loyer correspondant au loyer du local commercial pourra être exemptée.