Projet de loi modifiant différentes dispositions du Code des assurances sociales en matière d’assurance dépendance (2709TCA)

17.12.2003

Avis & législation

Projet de loi modifiant différentes dispositions du Code des assurances sociales en matière d’assurance dépendance (2709TCA)

 

Par sa lettre du 21 mai 2003, Monsieur le Ministre de la Sécurité Sociale a bien voulu saisir la Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers pour avis du projet de loi sous rubrique.

 

Au regard des positions communes relatives au présent projet de loi, les deux chambres professionnelles ont estimé utile de répondre par un avis commun à la saisine gouvernementale.

 

Le projet sous avis a pour objet d’amender la loi du 19 juin 1998 portant introduction d’une assurance dépendance et de réaliser un certain nombre d’adaptations ponctuelles.

 

Le régime de l'assurance obligatoire couvrant le risque de dépendance, institutionnalisé en 1998, vise à régler la prise en charge d'aides et de soins de personnes dépendantes au moyen de prestations en nature et subsidiairement de prestations en espèce. Il a été créé ainsi un droit inconditionnel à ces prestations au profit des personnes protégées.

 

La Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers tiennent à rappeler que la dépendance est définie par la loi de 1998 comme étant « l'état d'une personne qui par suite d'une maladie physique, mentale, psychologique ou d'une déficience de même nature a un besoin important et régulier d'assistance d'une tierce personne pour les actes essentiels de la vie », dans les domaines de l'hygiène corporelle, de la nutrition et de la mobilité.

 

Le régime prévoit, que pour avoir droit aux prestations de l'assurance dépendance, le demandeur doit prouver d’un besoin de soins pour au moins 3,5 heures par semaine dans l'un au moins des trois domaines (hygiène corporelle, nutrition ou mobilité). Ce besoin doit subsister pendant au moins six mois.

 

Le bilan sur l'application et l'exécution de l'assurance dépendance effectué en 2001 a mis en évidence la nécessité d’adapter un certain nombre de dispositions de la loi de 1998 et d’intégrer par ailleurs de façon plus explicite le thème de la promotion de la qualité des aides et soins.

 

Il va sans dire que le projet de loi sous rubrique n'entraînera pas une réforme d'envergure du texte actuel. Il s’agira plutôt d’améliorer en des points bien spécifiques les dispositions existantes, afin de répondre aux besoins existants en matière de dépendance et en vue de satisfaire au mieux la finalité du texte.

 

La Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers, dans leur avis commun du 27 octobre 1997 relatif au projet de loi portant introduction d’une assurance dépendance, avaient exprimé un certain nombre de craintes notamment en rapport avec la définition et l’évaluation de la dépendance, les prestations, le financement tout comme l’organisation de l’assurance dépendance.

 

Par ailleurs le CES avait à plusieurs reprises fait des remarques substantielles, dans le cadre des avis annuels sur l’évolution économique, sociale et financière du pays, en rapport avec le fonctionnement et la situation financière de l’assurance dépendance.

 

Ainsi dans son avis du 9 avril 2002, le CES avait fait l’analyse de l’évolution de l’assurance dépendance en vigueur depuis le 1er janvier 1999, en mettant en exergue l’évolution des demandes de prestations et les aspects financiers.

 

Dans son avis du 25 avril 2003, le CES avait estimé dans le chapitre « La situation financière de l’assurance dépendance » :

 

« Si dans son avis 2001, le CES avait regretté que l’assurance dépendance n’eût pas encore atteint son régime de croisière, cette  remarque n’est plus de mise en 2003 ; l’assurance a pu traiter les stocks de demandes et n’a plus de passé à épurer.

 

Quant à l’aspect financier, le niveau de la réserve légale, qui doit se situer entre 10% et 20% des dépenses courantes prévisibles sur un exercice, est largement dépassé depuis deux ans. Aussi le CES demande-t-il au législateur d’adapter le taux de la contribution dépendance au niveau du taux d’équilibre de 0,83%. »

 

La Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers soutiennent la demande du CES et insistent dans le cadre du présent avis à ce que le Gouvernement adapte le taux de la contribution dépendance, actuellement situé à 1%, au niveau du taux d’équilibre de 0,83%.

 

Pour ce qui est des points spécifiques traités dans le projet de loi sous avis, les deux chambres professionnelles tiennent à détailler un certain nombre de considérations générales dans les chapitres suivants.

 

1. L’objet de la dépendance et l’accès aux prestations

 

 

L’article 347 du Code des assurances sociales (CAS) définissant l’objet de l’assurance dépendance subit une modification de sa formulation initiale, en établissant une distinction claire entre prestations en nature et prestations en espèces, tout en mettant l’accent sur la priorité des prestations en nature.

 

En définissant la dépendance par quatre éléments indissociables, à savoir une cause médicale, une finalité, un seuil et une durée, la combinaison de ces éléments a pour résultat d'écarter du bénéfice de certaines prestations de l'assurance, des personnes ou groupes de personnes pour lesquelles ces prestations pourraient être indiquées. Dès lors, le projet de loi sous avis prévoit un assouplissement, et, dans certains cas, une suppression du seuil, afin de permettre l’accès à des mesures de prévention de la dépendance.

 

Ainsi plusieurs adaptations des dispositions de la loi de 1998 sont prévues, à savoir :

 

  • Introduction d’une dérogation au seuil pour les adaptations du logement ;

     

  • Précision de la définition pour une meilleure attention aux besoins des personnes atteintes de troubles cognitifs ;

     

  •  Adaptation de la mesure de la dépendance chez l’enfant ;

     

  • Suppression de la possibilité de définir le temps requis de manière forfaitaire pour certaines maladies ou déficiences.

     

La Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers approuvent les modifications proposées.

 

2. La détermination des prestations requises

 

 

Le projet de loi sous rubrique prévoit de modifier l’article 350 du CAS, qui vise à définir les étapes de la détermination des prestations requise. Ainsi les modifications introduites intègrent dans la disposition afférente le déroulement de la procédure de détermination des prestations requises, telle qu’elle est actuellement pratiquée.

 

Les éléments suivants doivent être mis en évidence :

 

  • Evaluation des besoins ;

     

  • Détermination des prestations requises dans le relevé-type ;

     

  • Elaboration d’un plan de partage ;

     

  • Elaboration d’un plan de prise en charge.

     

La Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers approuvent les modifications proposées.

 

3. Politique face aux prestations de soins et élaboration de trois conventions-cadres

 

 

Actuellement les organismes de prestataires de soins sont liés individuellement par un contrat d'aides et de soins à l'Union des Caisses de Maladie, contrat portant sur les droits et devoirs des deux parties signataires. Etant donné que le contenu de ces conventions peut être très variable, l'égalité de traitement n'est pas garantie.

 

De ce fait le projet de loi sous avis prévoit la création de trois conventions-cadres à négocier par l'Union des Caisses de Maladies avec l'organisme représentant les prestataires, conventions contenant chacune des dispositions communes à tous les prestataires du genre. Chaque prestataire adhérerait ensuite individuellement à la convention-cadre par un contrat d'aides et de soins qui se limiterait à préciser des points d'engagements spécifiques au prestataire.

 

La Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers approuvent les modifications proposées.

 

4. Politique en matière de prestations

 

 

Dans certains cas, il a été constaté que le plafond des prestations était insuffisant pour garantir un maintien à domicile de la personne dépendante. Dès lors le projet de loi sous rubrique prévoit que dans des cas de gravité exceptionnelle, le plafond actuel de 24,5 heures pour les actes essentiels de la vie pourra être porté à 38,5 heures par semaine. Pour ce qui est des activités de soutien, il est également prévu d’augmenter le plafond de 12 heures à 14 heures par semaine.

 

La Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers jugent appropriée l’augmentation du plafond pour les actes essentiels de la vie, dans des cas de gravité exceptionnelle, et pour les activités de soutien.

 

Par ailleurs le projet de loi prévoit de créer la possibilité pour les prestataires de soins d'adapter les prestations aux besoins fluctuants des bénéficiaires, sans devoir recourir à une nouvelle évaluation par la Cellule d'évaluation et d'orientation.

 

La Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers considèrent que, même si les modifications prévues en matière d’adaptation du plan de prise en charge permettront de diminuer sensiblement le nombre de demandes de changements de partage et de réévaluation formelles, il importe d’attirer l’attention des auteurs du présent projet de loi sur les risques d’abus qui pourraient naître du côté des prestataires de soins, qui, guidés par un raisonnement économique, seront tentés d’augmenter la durée totale des prestations d’actes essentiels de la vie et d’activités de soutien à facturer plutôt que de la réduire. Même si un règlement grand-ducal devait fixer les limites dans le cadre desquelles l’adaptation de la durée totale des prestations serait possible, l’approche adoptée par les auteurs du présent projet semble peu claire.

 

Dès lors la Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers s’opposent à une flexibilité accrue en matière de politique de prestations.

 

5. Organisation de l’assurance dépendance

 

 

Pour ce qui est de la Commission consultative, sa composition actuelle sera complétée par deux délégués de la Cellule d’évaluation et d’orientation. Par ailleurs le projet de loi sous rubrique prévoit que la Commission consultative puisse désigner des sous-commissions pour la réflexion sur des thèmes spécifiques.

 

Les deux chambres professionnelles approuvent ces modifications. Toutefois elles tiennent à mettre en garde les auteurs du présent texte de ne pas surcharger la Commission consultative de missions voyant leur prolongement dans des sous-commissions spécifiques.

 

Par ailleurs le projet sous avis met l'accent sur l'amélioration de la qualité des soins prestés, tout en distinguant entre « promotion de la qualité avec la définition de normes » et « contrôle de l’application de ces normes ».

 

Dès lors le projet prévoit, de prime abord, l'instauration d'une Commission de qualité des prestations, chargée d'émettre des lignes directrices et des standards de référence en matière de qualité des soins à fournir.

 

En deuxième lieu, la Cellule d'évaluation et d'orientation se voit octroyée une nouvelle mission en matière de contrôle de la qualité des prestations. Ainsi le personnel de la Cellule sera désormais autorisé à consulter la documentation des aides et soins établie par les prestataires pour chaque personne dépendante.

 

La Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers approuvent cette politique vers une amélioration en matière de qualité des soins à fournir.

 

Finalement, alors qu'il n'existe à ce jour aucune instance susceptible d'arbitrer les différends qui opposent les prestataires de soins à l'organisme gestionnaire de I'assurance dépendance, le projet de loi sous avis prévoit de soumettre ces différends à la Commission de surveillance instaurée dans le cadre de l'assurance maladie et de l'assurance accidents. L’action concertée, prévue dans les textes actuels, s’avère alors superfétatoire et est supprimée.

 

La Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers approuvent également l’instauration d’une instance d’arbitrage de conflit.

 

6. Autres modifications de la loi de 1998

 

 

Outre les éléments ci-dessus, qui ont fait l’objet d’un commentaire plus détaillé, la Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers peuvent approuver les modifications suivantes :

 

  • Définition des aides techniques, ainsi que des modalités et conditions de leur mise à disposition ;

     

  • Suppression de la prise en charge des produits nécessaires aux aides et soins dans les établissements et leur intégration dans le calcul de la valeur monétaire tout comme l’augmentation du montant forfaitaire accordé, dans le cadre du maintien à domicile, pour produits nécessaires aux aides et soins ;

     

  • Modifications de la loi de 1998 relatives aux exigences et mesures à l’égard de l’aidant informel dans une perspective de qualité des soins ;

     

  • Fixation du début du droit aux prestations, du droit aux prestations des personnes décédées avant évaluation et à la rétroactivité des prestations ainsi que réglementation de la représentation du demandeur ;

     

  • Possibilité de la Cellule d’évaluation et d’orientation d’effectuer des expertises à la demande d’autres services publics ;

     

  • Inclusion du domaine de la prévention de la dépendance dans la définition d’un projet d’action expérimentale et révision des principes quant au financement d’un tel projet.

     

La Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers, après consultation de leurs ressortissants, peuvent marquer leur accord au présent projet de loi sous réserve des remarques formulées dans le présent avis.


Textes de projet

2709TCA

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