Visites d'entreprises
(De g. à dr.) Patrick Carlier, directeur Stoll Hydraulics; Robert Stoll, gérant Stoll Group; Carlo Thelen, directeur général de la Chambre de Commerce; Denis Garijo, directeur Stoll Trucks; Jean-Marc Bauler, directeur Stoll maître Matelassier; Nicole

L'histoire débute en 1920, lorsque René Stoll crée sa première entreprise en nom personnel, rue des Etats-Unis à Luxembourg. Spécialisée dans la vente et la distribution des premiers carburants, la société propose à sa clientèle la vente de pneumatiques et d'extincteurs de la marque "Pyrène".

Fernand Stoll, fils du fondateur, rejoint son père à la direction de la société au sortir de la Deuxième Guerre mondiale (guerre qu'il a passée d'abord dans la Résistance belge, puis en tant qu'officier de l'armée luxembourgeoise, détaché à la BBC à Londres). La société se lance alors dans la fabrication des premiers matelas en latex.

Dans les années 1960, Stoll ajoute une nouvelle corde à son arc en collaborant avec O&K, afin de proposer à sa clientèle la vente et l'entretien des engins de génie civil. Diplômé en Philosophie et en Economie d'Oxford et armé d'un MBA de l'INSEAD, Robert Stoll, reprend la direction de la société au décès de son père en 1974.

La société investit : elle achète un terrain sur le nouveau zoning industriel de Leudelange et en 1979 elle s'installe dans son nouveau bâtiment. Jamais à court de projets, en 1985, l'entreprise offre à sa clientèle industrielle la gamme complète d'élévateurs Hyster. Elle continue la vente d'extincteurs, bientôt sous sa propre marque " STOLL ". De l'extincteur à la formation " safety ", il n'y a qu'un pas que la société franchit. Elle devient ainsi numéro 1 au Luxembourg en matière de protection-incendie.

En 1990, STOLL devient importateur officiel de la gamme RENAULT TRUCKS. Depuis la société n'a cessé de s'agrandir et de s'étendre. En 1993, Nicole Stoll reprend la direction de STOLL MAÎTRE MATELASSIER. Elle ouvre alors un nouveau point de vente à la route d'Arlon dans un ancien relais de diligences.(en face de la Maternité). En 2001, elle ouvre le département Collectivités, qui propose des produits de literie et de soins médicaux aux hôpitaux, maisons de retraite, maisons pour jeunes, auberges, hôtels... En 2002, afin de développer davantage sa diversité, les ETABLISSEMENTS RENE STOLL deviennent STOLL GROUP SA, société mère, avec quatre filiales qui sont STOLL SAFETY SARL, STOLL HYDRAULICS SARL, STOLL TRUCKS SARL, et STOLL MAÎTRE MATELASSIER SARL. Les sociétés vont alors suivre différentes étapes de développement.

En 2004, STOLL TRUCKS est nommé KEY DEALER FIAT pour le Luxembourg. En 2006, STOLL MAÎTRE MATELASSIER déplace sa production de matelas dans des ateliers de fabrication dans le zoning du ZARE près d'Ehlerange et y ouvre un nouveau Showroom. La même année, STOLL SAFETY déménage également au ZARE. En 2009 STOLL SAFETY reprend le personnel ainsi que l'activité de vente et de maintenance des extincteurs et des RIA d'une société concurrente. Egalement en 2009, STOLL SAFETY redéveloppe son centre de formation en Sécurité et Santé au Travail, avec quatre salles d'écolage supplémentaires, un véritable simulateur de feu, des ateliers permettant des exercices sur feux réels, une Unité Mobile de Formation, constituée en fait d'un tracteur semi-remorque qui se déplace chez les clients pour former les stagiaires sur place. Puis en 2010, STOLL HYDRAULICS devient concessionnaire exclusif de MECALAC. Il s'agit d'engins de TP d'une conception radicalement novatrice. En 2013, pour pouvoir s'agrandir, STOLL HYDRAULICS acquiert un nouveau site au Scheleck à Bettembourg, c'est-à-dire à l'épicentre logistique et industriel du Grand-Duché. En 2014, elle défend les couleurs de CUMMINS et DOOSAN, puis celles de BOBCAT et AUSA, et maintenant celles de DEUTZ. En 2015, STOLL MAÎTRE MATELASSIER déplace son point de vente situé route d'Arlon pour s'implanter au centre-ville, 32 avenue de la Porte-Neuve dans un City Shop moderne. La même année, STOLL MAÎTRE MATELASSIER ajoute à son catalogue des marques prestigieuses comme Ralph Lauren ou Yves Delorme.

Entretien avec Robert Stoll, gérant.

Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez actuellement ?

J'ai la chance d'être entouré de collaborateurs dynamiques, et ceci me permet de regarder le futur avec optimisme. Il y a toute une série de projets en cours ou à venir pour le groupe. D'abord, continuer la très forte croissance organique actuelle de nos différentes entreprises, ainsi que chercher une croissance externe par fusion/acquisition (surtout pour STOLL SAFETY et STOLL MAÎTRE MATELASSIER). Ces deux types de croissance sont et seront possibles, entre autres, parce que nous n'avons jamais distribué des dividendes, de sorte que nous disposons d'une trésorerie saine. Nous travaillons aussi à intégrer les collaborateurs et le parc de machines de MANULOC au Luxembourg dans l'équipe STOLL HYDRAULICS à Scheleck, Bettembourg.

A moyen terme, au nombre des projets, figurent le passage de flambeau pour STOLL TRUCKS et STOLL HYDRAULICS ; ce n'est pas urgent, tant que ma santé tient le coup et la construction d'un bâtiment administratif de près de 10.000 m2 sur l'ancien site de STOLL MAÎTRE MATELASSIER à la route d'Arlon à Luxembourg, et enfin, la vente à l'étranger des matelas de Maître Matelassier sur une plateforme Internet interactive...

Quels sont les grands défis auxquels vous devez faire face dans votre secteur d'activité ?

Je n'ai qu'un seul enfant, une fille, qui a " mal tourné ", elle est devenue médecin-pédiatre, et son mari est " tout aussi mal parti ", il est médecin-chirurgien ! Impossible de compter sur l'un d'eux pour me succéder. Ah, les jeunes d'aujourd'hui ! Il est vrai que ma petite-fille, Clara, pourrait assurer la relève. Mais il faudra attendre un petit peu : elle vient d'avoir deux ans et puis avec des parents médecins et avec une une belle-famille de médecins...

Quant à moi, je souhaite prendre ma retraite, et, d'ailleurs, j'ai déjà fixé irrévocablement la date de mon départ : ce sera le 18 juillet 2048 (mon 100e anniversaire). En effet, je suis conscient qu'il ne faut pas s'incruster et savoir passer le flambeau aux générations futures... Et je souhaite profiter de ma retraite : retourner au banc de l'école et recommencer peut-être la thèse en économie que j'ai été obligé d'abandonner au décès de mon père. Mais, comme nous ne sommes jamais à l'abri d'une mauvaise surprise, tout en continuant à travailler moi-même, j'essaie depuis un certain temps pérenniser ces entreprises et leurs 160 emplois en les rendant moins dépendantes de moi. C'est absolument indispensable ! J'ai donc décidé il y a longtemps de chercher des successeurs prêts à reprendre une partie, voire toutes les parts sociales de chacune des filiales. Ainsi, l'un de mes grands défis est d'en assurer la transmission dans d'excellentes conditions pour tous, que ce soit pour les collaborateurs, les clients, les fournisseurs, ...

Depuis début 2016, la situation se présente bien, puisque une excellente société française, MANULOC, a repris 100% des parts de STOLL HYDRAULICS, et un groupe de particuliers détient maintenant la majorité des parts de STOLL SAFETY. D'ailleurs, je reste gérant de ces quatre entreprises et de la société-mère. Les personnels de nos filiales et la délégation du personnel, les clients, les banques, les fournisseurs, les instances gouvernementales ont tous été très bien informés et bien à l'avance. Tout se passe " comme sur des roulettes ". Un autre grand défi perpétuel est le recrutement d'excellents collaborateurs pour assurer l'avenir et maintenir une bonne pyramide des âges. Surtout chez STOLL TRUCKS et STOLL HYDRAULICS, il est très difficile de trouver les excellents mécatroniciens qu'il nous faut. Ces métiers fascinants méritent le respect ; mais ils ne sont pas considérés à leur juste valeur par les luxembourgeois. Heureusement, nous avons d'excellents collaborateurs étrangers ; ce sont surtout des français qui parlent tous couramment le ... français.

Ensuite, le relationnel, interne et externe constitue un challenge permanent et excitant. Par ailleurs, je m'efforce de me concentrer sur la stratégie, bien que qu'il ne faille pas se tromper sur ce que signifie ce concept dans une PME ; en effet, il ne faut surtout pas s'isoler dans une tour d'ivoire, mais, bien au contraire " lead from the front " et souvent mettre la main dans le cambouis - donc un compromis parfois acrobatique ! Enfin, il faut se réinventer tous les jours ! Chercher à être un " Heinzdampf in allen Gassen !" Je pense qu'il est parfaitement indispensable de prendre des risques, ceci malgré ... les risques. Bien sûr, on se prend des claques et j'ai eu droit à ma dose !

Quelle est la réalisation dont vous êtes le plus fier ?

Du succès de chacune de nos entreprises, mais celui-ci est essentiellement dû à l'excellent travail d'équipe réalisé par les directeurs des filiales et par leurs collaborateurs. Je n'ai donc pas le droit d'en être fier moi-même, puisque c'est à eux que revient le mérite. Chez nous, " Team work " ou " team spirit ", ces expressions si souvent galvaudées, reflètent bien notre réalité vécue. Mon rôle à moi se limite essentiellement à celui d'un coach ou de paratonnerre.

Grâce à ce travail d'équipe, chacune de nos entreprises est un des leaders, sinon le leader dans son segment : STOLL TRUCKS pour la location et ventes de camions et camionnettes avec sa propre carrosserie, STOLL SAFETY est le leader incontesté dans la formation et la protection incendie, STOLL MAÎTRE MATELASSIER est le seul fabricant de matelas au Luxembourg et STOLL HYDRAULICS est leader en location et vente de machines de manutention et de travaux publics. Travail de fourmis de tous les matins, nous employons de gros efforts - ceci dans chacun de nos quatre métiers - pour assurer une véritable culture de l'excellence de nos services après-vente. Pas toujours facile ! Je crois pouvoir dire que nous avons une excellente notoriété nationale, une réputation d'honnêteté sans faille, des litiges rarissimes et qui finissent par se régler presque toujours à l'amiable.

Malgré les différentes crises conjoncturelles auxquelles nous avons dû faire front, nous n'avons jamais réduit notre personnel - bien au contraire ! Pour chacune des quatre entreprises, nous continuons à investir chaque année pour assurer non pas le statu quo, mais au contraire une croissance dynamique, permettant l'embauche de personnels supplémentaires.

Si vous pouviez changer une chose dans votre secteur d'activité, quelle serait-elle ? Que pourrait faire la Chambre de Commerce en ce sens ?

En fait, plusieurs choses. Tout d'abord, je fais quelques constats : le chômage des résidents/luxembourgeois, souvent peu qualifiés est malheureusement important. De nombreuses PME luxembourgeoises cherchent désespérément des sites (d'un hectare ou plus) pour s'agrandir : mais les terrains sont rarissimes, très chers et les autorisations (commodo-incommodo, etc...) sont interminables à obtenir. Or, l'Etat dispose d'un grand portefeuille de terrains, souvent gardés en réserve très longtemps dans des zones dites " nationales " pour d'hypothétiques sociétés internationales qui viendraient embaucher du personnel résident. Mais ces entreprises ne viennent guère s'installer au Luxembourg, car notre main-d'œuvre est trop chère. Au contraire, le personnel net de ces grandes entreprises étrangères est en diminution depuis une bonne dizaine d'années. Ces sociétés s'expatrient dans des pays moins chers, une fois que les " passerelles " offertes par l'Etat s'effondrent. Ne faut-il donc pas plutôt permettre aux PME luxembourgeoises d'obtenir ces terrains, qui, elles, ne s'expatrieront guère et assureront donc une embauche durable de travailleurs luxembourgeois ?

L'investissement le plus rentable - macro et microéconomique - est réellement, dans le capital humain. Ce n'est vraiment pas une découverte, mais cela vaut la peine de le répéter.Nos écoles publiques, bonnes peut-être pour les 10 % des élèves les meilleurs, ne se focalisent pas suffisamment sur les 90 % restants. Trop souvent, elles sont incapables de se hisser au-dessus de certains intérêts personnels. Heureusement, il existe un nombre impressionnant d'institutions (souvent privées : IFSB, Chambre des Salariés, Chambres de Commerce et des Métiers, ...) qui cherchent à combler ce déficit. N'empêche, notre enseignement public mérite un grand coup de balai.

Comment expliquer ce paradoxe : nous recevons très souvent des candidatures spontanées de personnes résidentes en France, Allemagne, Belgique, ... (où, pourtant, nos entreprises sont moins bien connues), alors que nous n'en recevons guère de résidents luxembourgeois ? La réponse est-elle réellement si mystérieuse ? Ou bien, la connaissons-nous parfaitement, mais il n'est pas politiquement correct de la donner ?

Autre regret. Est-il réellement impossible de substituer une relation gagnant-gagnant à la guerre de tranchées (d'une autre époque) entre les syndicats et les patrons ! Est-ce qu'une philosophie trop souvent inspirée de la lutte des classes d'un autre siècle et la défense des fameux avantages acquis ne devrait pas céder la place à une réflexion sur les axes prometteurs pour l'ensemble des acteurs ? En réalité, Il faudrait vraiment agir encore davantage sur tous ces points.

Photos: Pierre Guersing et Stoll Group