Success stories
Ce que Stéphanie Jauquet préfère dans son métier : imaginer un nouveau concept ou « relooker » un lieu et bien sûr être bien entourée pour faire fonctionner ces différentes enseignes. Stéphanie Jauquet apprécie particulièrement le fait de po

Stéphanie Jauquet, propriétaire du restaurant Um plateau (Clausen), de la brasserie A table (Cloche d’Or) et des magasins traiteurs Cocottes (Glacis, centre-ville, Cloche d’Or), se définit elle-même comme chef d’orchestre, qui souligne volontiers le talent de ses musiciens, les équipes des différentes adresses.

De quand date votre vocation pour la restauration ?
Mes deux grands-mères faisaient une très bonne cuisine. On allait peu au restaurant mais on aimait les bons repas. L’une des deux faisait une cuisine très généreuse, riche en beurre. L’autre, à la tête d’une famille nombreuse, privilégiait les plats simples et savoureux. Cependant je ne peux pas dire qu’elles m’ont transmis leur savoir-faire et mes parents m’ont poussée dans des études assez traditionnelles. J’ai étudié les Sciences commerciales à HEC Liège. Pendant mes études je passais mes weekends à garder les enfants d’un couple d’hôteliers-restaurateurs. Ma meilleure amie y faisait la plonge et je l’aie rejointe au restaurant pour augmenter mon argent de poche. Les propriétaires m’ont ensuite formée pour que je puisse travailler en salle pendant les vacances. Je me suis tellement amusée pendant ces années que j’ai fini par rater mon année de gestion au grand dam de mes parents. Alors j’ai vraiment bifurqué et je suis entrée dans une école hôtelière à Namur, car entre temps la restauration et la pâtisserie étaient devenues une passion. Tout de suite après mes études, j’ai trouvé un poste au Luxembourg. Ça m’a paru être le bout du monde à l’époque. Mais ensuite j’ai rencontré mon mari et ensemble nous avons ouvert le restaurant Wengé. Puis nous avons repris le restaurant Um Plateau et à ce moment-là, j’ai souhaité devenir indépendante et je lui ai racheté les parts avec l’aide d’investisseurs. C’était une grosse machine. Il a fallu 5 ou 6 ans avant de rentabiliser les investissements.

Cette première expérience seule vous a demandé un énorme investissement et pas seulement d’un point de vue financier. Pourquoi cela ne vous a pas suffi ?
Comme souvent, la suite a été le résultat d’une opportunité, d’un bon feeling pour un projet. Mon meilleur ami avait ouvert le restaurant Red Beef à Thionville, pour lequel il m’a demandé conseil pour l’aménagement et la décoration. De là est née l’idée d’en faire un ensemble à Luxembourg. Avec enthousiasme, je me suis embarquée dans cette affaire en tant qu’associée. Cela correspondait à un moment où j’avais envie de renouveau, de voir autre chose. Du coup, tous les midis j’allais au Red Beef à la Cloche d’Or et le soir je revenais à Um Plateau. Ensuite, pour rentabiliser la cuisine du Red Beef qui était très grande et qui ne tournait que le midi, j’ai eu l’idée de développer une offre traiteur, avec l’ex-équipe du Wengé, dont mon ex-mari. Le premier magasin Cocottes a donc ouvert en mai 2014, à la Cloche d’Or, dans un petit espace annexe du restaurant Red Beef. Cela a très bien démarré. Quelques mois plus tard je suis tombée sur l’annonce pour le local de la rue Beaumont et nous avons ouvert ce nouvel emplacement, en décembre de la même année, juste pour les fêtes. Enfin, j’ai décidé de renoncer à la franchise Red Beef  pour développer à la place un concept de brasserie qui offrait une meilleure synergie pour la cuisine de la Cloche d’Or.

De quelles aides avez-vous bénéficié dans ce parcours ?
Une partie des investissements d’Um Plateau ont été faits avec l’aide de la SNCI (Société Nationale de Crédit et d’Investissement). J’ai aussi introduit des dossiers d’aide à l’investissement auprès du ministère de l’Economie. Les subsides peuvent atteindre 10 à 40% des montants d’investissements envisagés, selon leur nature (traçabilité, hygiène, informatique, décoration…). C’est une aide très précieuse.

Et si c’était à refaire ?
Je ne commencerais sans doute pas par un projet de l’envergure d’Um Plateau. C’était trop lourd pour un début et la mise de départ était trop importante. Je démarrerais par un projet moins couteux. Ceci dit, cela a été une très bonne école. J’ai appris à surmonter les difficultés et je connais maintenant les erreurs à éviter.

Et de quoi êtes-vous la plus fière ? 
Etant jeune, au moment de ma réorientation, j’avais bravement lancé à ma famille « Un jour j’aurai un restaurant ». Cela me rend fière d’avoir tenu parole, d’avoir prouvé que j’en étais capable.  Je suis fière aussi de pouvoir accueillir des personnalités luxembourgeoises au Um Plateau. C’est un peu comme si je les recevais chez moi.

A quoi ressemblent vos journées ?
Je me lève à 7h00 et à peine plus d’une demi-heure plus tard, je suis derrière mon bureau. Je consacre le matin à l’administratif. Vers 11h je pars faire le tour des points de vente pour voir les équipes, régler quelques questions, valider des idées ou discuter de la carte. Je déjeune très rapidement, parfois juste d’un sandwich, puis je reviens au Um plateau où se trouve mon bureau et où je passe 60 % de mon temps. Vers 17h, je m’accorde une pause d’une heure trente chez moi et je suis de retour au restaurant pour le service du soir. J’aime particulièrement accueillir les clients à leur arrivée. Dans la soirée je passe de table en table pour échanger avec chacun.

L’aspect « développement durable » semble important pour vous ?
Absolument. Cela se traduit par le choix de producteurs locaux et  le choix des emballages pour Cocottes, qui sont consignés ou recyclables. Et partout nous luttons contre le gaspillage alimentaire. Un exemple tout simple, les chutes des légumes utilisés pour la confection des sandwichs et salades sont utilisées pour préparer des potages. Je sens que les clients apprécient ces efforts en faveur de l’environnement. Ils font attention à la qualité, aux aliments sains, à l’aspect local.

Quelles sont les tendances qui impactent le plus votre métier ?
Il y a des modes qui nous forcent à inventer de nouvelles propositions. C’est le cas des super-aliments ou des Buddha Bowl par exemple. Ces tendances se diffusent par internet. Elles sont présentes dans toutes les grandes villes du monde. Alors il faut les adopter également. Ce sont en général de bons moteurs pour les affaires. Par exemple, au Um Plateau, depuis que j’ai lancé le concept de « bar où manger » qui correspond à la tendance du grignotage chic, le chiffre d’affaires a augmenté de 30%.

Par contre, en parlant de tendances, je trouve que celle qui consiste à vouloir aseptiser de plus en plus nos environnements de travail par des normes de plus en plus contraignantes finit par provoquer l’inverse de l’effet escompté et à engendrer justement de plus en plus d’allergies et d’intolérances. On nous impose par exemple de ne pas entreposer les œufs avec le reste des marchandises, de travailler les produits à base de farine dans un endroit isolé. Cela va trop loin à mon sens. Autre exemple, les mentions obligatoires sur les étiquettes qui engendrent des coûts qu’il est impossible de répercuter sur les prix. Il me semble que la course à toujours plus de prudence est exagérée.

Quelle est l’importance du décor dans le succès d’un restaurant ?
Je parlerais d’ambiance, d’atmosphère, plus que de décor. Le personnel, la musique, la lumière, la température. Tout cela constitue l’âme d’un restaurant. Ce sont ces éléments qui peuvent contribuer à assurer la pérennité d’un lieu.

Quel est votre style de management ?
Je délègue beaucoup. J’aide beaucoup. Les plus jeunes de l’équipe m’appellent maman !  L’aspect humain est très important. Il faut de la compréhension mutuelle, de la souplesse car nous passons 10 heures par jour ensemble. Le résultat, c’est un très faible taux d’absentéisme.

Est-ce que vous trouvez facilement les compétences dont vous avez besoin ?
Pendant 10 ans cela a été très difficile. Les horaires coupés décourageaient beaucoup de monde. Mais depuis quelques années, le succès des émissions culinaires a renouvelé l'intérêt pour le métier et beaucoup de jeunes arrivent maintenant sur le marché du travail.

Est-ce que vous pouvez nous dévoiler vos projets d'avenir ?
Tous mes projets concernent le développement de Cocottes. J’envisage l’ouverture d’un 4ème magasin, dans le quartier gare, d’ici l’été. Ensuite, mon projet le plus important concerne la construction d’une cuisine autonome ultra moderne, car la cuisine du restaurant A table n’est plus adaptée à cette activité. Nous allons donc avoir un grand laboratoire et un point de vente sur la ZARO (Zone d’Activité de la Région Ouest) à Steinfort. Ce projet vient d’être validé auprès du ministère de l’Economie.  Cela va représenter un investissement de 3 millions d’euros. Je souhaite ouvrir à l’été 2018. A la fin de cette même année, nous allons ouvrir un nouveau point de vente Cocottes dans l’extension du centre commercial City Concorde. Ensuite, en 2019, nous ouvrirons au sein du projet Infinity au Kirchberg.

Quelques chiffres :

Cocottes, c’est :

  • 1150 clients par jour
  • 43.000 Œufs par an
  • 10.000 litres de crème fraiche (du Luxembourg)
  • 2 tonnes de beurre

A Table, c’est :

  • 250 couverts par jour
  • 900m² de restaurant et cuisine
  • 5km parcourus chaque midi par les runners qui apportent les assiettes à table
  • 5.000kg de viande de bœuf par an

Um Plateau, c’est :

  • 32.000 clients par an
  • 12.000 bouteilles de vin

Les trois enseignent emploient 80 personnes et réalisent 6,5 millions d’euros de chiffre d’affaires.

 

Texte : Catherine Moisy - Photos : Emmanuel Claude/Focalize