Situation macro-économique : Coûts sur coûts

De gauche à droite: Franz Fayot, ministre de l'Economie, Christel Chatelain, Directrice des Affaires Economiques et Carlo Thelen, Directeur Général de la Chambre de Commerce

« Coûts sur coûts », ceci résume parfaitement l’environnement dans lequel évoluent les entreprises depuis plus de 2 ans. Les résultats du « Baromètre de l’Economie » (1er semestre 2022) de la Chambre de Commerce confirment le climat d’incertitude qui règne et la hausse des coûts que doivent supporter les entreprises.

Un climat mondial mouvementé …

Alors que l’économie mondiale a essuyé un choc économique majeur en 2020 du fait de la crise sanitaire, une reprise mécanique se confirmait courant 2021, qui aurait dû se renforcer en 2022. Le redressement rapide de la demande à partir de la mi-2020, déjà soutenu par une politique monétaire accommodante au cours des années ayant précédé la crise sanitaire, a entraîné des ruptures dans certaines chaînes d’approvisionnement et des pénuries de matériaux, avec pour conséquence le retour de l’inflation dans la plupart des économies. Le choc économique qu’a entrainé la crise géopolitique entre l’Ukraine et la Russie n’a fait qu’accentuer cette tendance haussière des prix, en raison de l’envolée des coûts de l’énergie et de la raréfaction de certaines matières premières. De plus, les confinements sévères liés à la Covid-19 en Chine ajoutent une pression supplémentaire sur la logistique mondiale.

Ces chocs économiques successifs bouleversent toutes les économies et les perspectives macroéconomiques s’en voient bousculées et incertaines. Selon les prévisions d’avril du Fonds monétaire international (FMI), la croissance mondiale devrait s’établir à 3,6% en 2022 et 2023, tandis que le taux d’inflation atteindrait un pic de 7,4% en 2022, pour se stabiliser à 4,8% en 2023. Si le climat des affaires se dégrade de façon générale, c’est en Chine que le décrochage du niveau d’activité est de loin le plus brutal, que cela soit au niveau de l’industrie manufacturière, des services, ou pour des indicateurs composites.

L’Europe subit également une dégradation marquée du climat des affaires, industrie en tête, qui est confrontée à une multitude de défis et d’incertitudes, parmi lesquels les problèmes d’approvisionnement et les coûts énergétiques occupent le haut du classement. Les tensions sur les prix de l’énergie et des matières premières, nées pendant la phase de reprise, puis accrues par les répercussions du conflit en Ukraine, impactent progressivement l’ensemble des prix de production, avec une répercussion sur l’activité : la croissance de la zone euro devrait se situer entre 2 et 3% en 2022 et 2023, le taux d’inflation atteindre 6% en 2022 et le taux de chômage s’établir à un peu plus de 7% pour ces deux années.

Quant au Luxembourg, la croissance devrait quand même y flirter avec les 3% en 2023 et 2024, mais atteindre seulement la moitié de ces prévisions cette année. En 2021, lors de sa traditionnelle conférence de presse de fin d’année, la Chambre de Commerce posait la question « En 2022, les entreprises tiendront-elles le coût ? » Il semble malheureusement que la réponse soit négative, au vu de la persistance des défis déjà identifiés à cette période, et de la survenance de nouveaux chocs.

 

… corroboré par les résultats du Baromètre de l’Économie

« Un pas en avant, deux en arrière », c’est ainsi que le score de la 1ère édition 2022 du Baromètre de l’Économie pourrait être résumé. En effet, les résultats de cette enquête ne font que corroborer les constats internationaux. Après une fragile reprise économique, les tensions géopolitiques en cours depuis le début de l’année impactent le score global de cette nouvelle édition, qui recule ainsi de 6,9 points pour se positionner à 55,2, retrouvant donc son niveau de début 2021. Aucun indicateur de conjoncture n’est épargné par ce recul : activité, confiance, emploi, rentabilité ou investissements. Les entreprises restent toutefois plus optimistes qu’au semestre précédent quant à l’évolution de leur activité dans les 6 prochains mois.

L’enquête menée en avril montre une activité moins florissante qu’espérée et des secteurs qui souffrent plus que d’autres. Si, au cours des six derniers mois, pour la moitié des secteurs, la part des entreprises avec des activités en hausse est supérieure à celle avec des activités en baisse, les entreprises dont les activités diminuent reste légèrement prédominantes dans le secteur des transports, un constat similaire à l’enquête du semestre précédent. Par ailleurs, la baisse des activités s’est fortement intensifiée dans les secteurs du commerce et de l’HORECA, qui est dans le rouge depuis le début de la crise sanitaire de 2020, et a le plus de difficultés à accéder à des crédits. La proportion d’activités en hausse est aussi en chute pour le secteur financier par rapport au semestre dernier. Toutefois, le maintien de l’emploi se confirme, ce qui valide le constat d’une création d’emploi dynamique malgré un manque de main-d'œuvre de plus en plus prononcé. La rentabilité des entreprises est, elle, ébranlée par les chocs à répétition, quand les investissements restent stables pour le moment…tout en étant peu disruptifs. En effet, les investissements environnementaux (économie d’énergie, recyclage, etc.) n’occupent que la 6ème position des investissements prévus par les entreprises en 2022 et 2023. Comme a pu le relever Christel Chatelain, Directrice des Affaires Economiques, pendant la conférence de presse, « Certaines entreprises ont déjà perdu 2 ans, puisque près de 20% des entreprises sondées affirment ne pas avoir d’investissement prévu en 2022 et en 2023. » Le secteur du commerce prédit, quant à lui, une chute de ses investissements de manière générale, et l’industrie voit rouge quant à l’évolution de sa rentabilité. Et si 77% des dirigeants d’entreprises déclarent ne pas avoir eu de difficultés d’accès au crédit - un niveau similaire à l’année dernière - cela pourrait se dégrader durant les prochains mois dans un contexte de crise et de rehaussement probable des taux d’intérêts. Malgré le climat empreint d’incertitudes, la très grande majorité des entreprises reste confiante quant à son avenir et celui de l’économie du pays dans les 2 à 3 ans. Certains secteurs se retrouvent toutefois plus impactés que d’autres par l’enchaînement des crises, tels l’Horeca, encore fragilisée par les conséquences de la crise sanitaire, les transports et le commerce. Le retour de l’inquiétude des entreprises est cependant lisible dans les indicateurs de confiance, puisque la proportion des entreprises qui ne sont pas du tout confiantes ou peu confiantes a doublé par rapport au dernier semestre. Ces indicateurs retrouvent d’ailleurs leur niveau du plus fort de la crise sanitaire.

Inflation & énergie : une thématique au cœur des difficultés

La problématique des coûts énergétiques des entreprises, thématique retenue pour ce premier Baromètre de 2022 s’est imposée comme une évidence au vu du contexte actuel.  La nouvelle édition du Baromètre de l’Économie met notamment en lumière, qu’au Luxembourg, près de 4 entreprises sur 5 ont constaté une hausse importante des coûts liés à l’électricité.

Parmi les messages clés, celui d’une utilisation toujours très importante du mazout émerge. Ainsi, tous secteurs et toutes tailles d’entreprises confondus, l’énergie la plus utilisée dans leurs activités est le carburant/mazout, tandis que l’électricité n’est utilisée que par un petit quart des entreprises. Néanmoins, l’évolution flagrante des coûts énergétiques pour les entreprises concerne toutes les énergies, avec un impact particulier des coûts du gaz pour l’HORECA et l’industrie.

Du fait de la hausse des coûts, les impacts sont multiples et les mesures prises tout autant. Les entreprises ont dû s’adapter. Parmi les solutions trouvées, 37% des entreprises ont été contraintes de baisser leurs marges, en particulier celles de l’HORECA, de l’industrie et de la construction. Malgré tout, si plus de 4 entreprises sur 10 ont dû répercuter sur le prix de vente de leurs produits et services la hausse des coûts liés à l’énergie, il est à noter qu’elles ne l’ont fait que partiellement. Pour certains secteurs, cette solution n’est d’ailleurs tout simplement pas possible, par exemple en raison de contrats fixes, ou pour des raisons de compétitivité. Dans les faits, les entreprises semblent avoir agi de manière responsable, sans répercussion totale (moins d’1 entreprise sur 10) sur leurs prix de vente, ce qui aurait été au détriment du pouvoir d’achat des consommateurs et aurait pour conséquence d’accroitre les tensions inflationnistes. Il faut toutefois s’attendre à une hausse des prix de certains produits et services dans les 6 prochains mois, étant donné qu’un quart des entreprises déclare devoir répercuter la hausse des prix énergétiques sur leurs prix de vente à cet horizon. Enfin, tout secteur confondu, une plus grande part des entreprises envisage de diminuer sa consommation d’électricité (20,5%), comparé au mazout (9,4%) ou au gaz (9,3%), pour lesquelles les marges de manœuvre sont moindres, et plus d’un quart des entreprises a tout simplement décidé de réduire ses déplacements, et cela concerne tous les secteurs.

Pour répondre à ces constats, Carlo Thelen, Directeur Général a rappelé les quatre besoins vitaux pour l’économie luxembourgeoise « Il faut compenser la perte du pouvoir d’achat des ménages de manière ciblée, veiller à maintenir les finances publiques à l’équilibre afin de conserver des marges de manœuvre, renforcer la diversification économique et favoriser un cadre « pro business » et « pro industrie »​ et enfin sauvegarder et soutenir la capacité des entreprises à investir dans la transition digitale et énergétique. »

Le ministre de l’Economie Franz Fayot, qui assistait également à la présentation des résultats du baromètre a commenté : « En ces temps troubles que nous vivons en raison de la guerre en Ukraine, avec une inflation et des prix de l’énergie élevés, il est essentiel de donner une certaine sécurité et prévisibilité aux entreprises. C’est pour cette raison que le gouvernement a proposé différentes mesures dans le cadre du Solidaritéitspak. Nous sommes également en train de mettre en place les aides et instruments nécessaires pour accompagner au mieux la double transition écologique et digitale des entreprises. ».

Consultez la 1ère édition 2022 du Baromètre de l’Économie

De gauche à droite: Christel Chatelain, Directrice des Affaires Economiques, Carlo Thelen, Directeur Général de la Chambre de Commerce et Franz Fayot, ministre de l'Economie
Carlo Thelen, Directeur Général de la Chambre de Commerce
Franz Fayot, ministre de l'Economie
Christel Chatelain, Directrice des Affaires Economiques de la Chambre de Commerce