Affaires économiques
Economie et Finances

Alors que l’année 2022 devait marquer la fin des inquiétudes liées à la crise du Covid-19, ou du moins les voir se réduire fortement, les résultats de la nouvelle édition du Baromètre de l’Economie, menée entre le 12 et le 30 septembre 2022 auprès de 611 entreprises de 6 salariés et plus, révèle un climat des affaires assombri par une série de chocs auxquels l’économie doit à nouveau faire face. Dans un contexte de flambée des prix des matières premières, et particulièrement de l’énergie, qui affaiblit la rentabilité des entreprises, la maîtrise de l’inflation apparaît capitale. Cette édition se distingue des précédentes sur le volet thématique. En cette période pré-électorale, la Chambre de Commerce a sondé les dirigeants d’entreprises luxembourgeois sur leur vision de la compétitivité du modèle socio-économique luxembourgeois et leurs priorités pour la prochaine législature. La table ronde, organisée le 25 octobre, réunissant entreprises et partis politiques, a permis d’approfondir le débat.  

Le climat des affaires luxembourgeois s’assombrit

Les résultats de la 8e édition du Baromètre de l’Economie reflètent un climat des affaires mis à mal par des pressions inflationnistes et une grande incertitude. La reprise économique de 2021, suite à l’allégement des mesures sanitaires, aura été de courte durée. Le score global fléchit pour la deuxième fois consécutive, reculant de 2,9 points par rapport au semestre précédent, et de 9,8 points par rapport à l’automne 2021, pour se positionner à 52,3. La plupart des indicateurs de conjoncture sont impactés par cette dégradation, tant l’activité que l’emploi, la rentabilité ou la confiance.  De manière générale, les secteurs de l’industrie, du commerce et de l’Horeca, très affectés par la hausse des coûts de l’énergie, sont particulièrement inquiets.

L’enquête menée au mois de septembre révèle une activité plus faible qu’escomptée au premier semestre 2022. Si les résultats varient fortement d’un secteur à l’autre, le climat général s’est toutefois fortement dégradé par rapport au printemps dernier. Au cours des six derniers mois, le secteur de l’industrie a subi le plus fort ralentissement de son activité (un tiers des dirigeants font état d’une baisse). Dans une moindre mesure, l’activité des entreprises de commerce a également reculé. A l’opposé, les services financiers ont enregistré une progression, toutefois moins dynamique qu’au premier semestre 2021 (et en baisse continue depuis). Cette baisse de régime générale se traduit également au niveau des exportations, pilier économique important d’une petite économie très ouverte comme le Luxembourg. La part des entreprises exportatrices est passé de 24% au second semestre 2021, à 17% à l’automne 2022 et les perspectives pour 2023 ne sont pas réjouissantes (29% des dirigeants interrogés s’attendent à une baisse de leur chiffre d’affaires à l’exportation, comparé à 10% à l’automne 2021). Le nombre de chefs d’entreprises craignant des effets négatifs de l’environnement économique sur leur activité en 2023 a été multiplié par cinq en une année, passant de 9% à 45%.

Dans ce contexte, l’envolée des prix de l’énergie, et des matières premières en général, fait craindre à plus d’un tiers des entreprises interrogées une dégradation de leur rentabilité au cours des six prochains moins. La dynamique est déjà visible, un risque d’aggravation à mesure que les tensions géopolitiques mondiales se renforcent ne pouvant être exclu. Dans le secteur industriel, des lignes de production sont mises à l’arrêt à certaines périodes de la journée pour cause de pics du prix de l’énergie. La baisse de la rentabilité des entreprises, conjuguée à la hausse rapide des taux d’intérêt, risquent d’impacter fortement leurs projets d’investissement. Si la majorité des entreprises sondées comptent stabiliser leurs investissements, l’industrie et la construction affichent les niveaux de crainte les plus élevés (respectivement 39% et 21% des personnes interrogées prédisent un recul de leurs investissements). Ainsi, à l’heure où l’accélération et l’amplification de l’investissement des entreprises dans la transition écologique pour préserver leur compétitivité est un enjeu central, nombre d’entre elles ne sont pas en mesure d’assurer les coûts qui en découlent. Cela étant, la confiance des dirigeants dans leur entreprise à 2-3 ans demeure relativement élevée, notamment dans les secteurs financiers et des services non financiers. En revanche, la confiance à moyen terme dans l’économie luxembourgeoise accuse un recul de 8 points par rapport à l’édition précédente, seulement 70% des sondés se disant confiants ou très confiants (niveau inférieur à celui enregistré en période de pandémie).

Malgré ce climat des affaires dégradé, l’emploi devrait rester stable au cours des six prochains mois (deux tiers des entreprises interrogées prévoient de maintenir leurs effectifs). Les secteurs dont les effectifs devraient croître le plus au cours des six prochains mois sont les services financiers et le secteur des transports. Inversement, les entreprises de l’Horeca et de l’industrie prédisent une contraction nette d’emploi, due en partie à une moindre attractivité de ces secteurs du fait des nouvelles aspirations des travailleurs. Tout secteur confondu, le besoin en main-d’œuvre est donc très élevé et les difficultés de recrutement se renforcent, dans un contexte de concurrence européenne et mondiale pour attirer les profils nécessaires au bon fonctionnement de l’économie du pays. De fait, tout comme les années précédentes, le manque de main-d’œuvre figure en première place des principaux défis des dirigeants d’entreprises pour l’année 2023.

3 priorités pour le prochain gouvernement : maîtriser les coûts de l’énergie, simplifier les procédures administratives, accroître la flexibilité sur le marché du travail

En écho à la situation conjoncturelle qui transparaît dans la première section du Baromètre, les grandes tendances qui se dégagent de la partie thématique font état d’une inquiétude grandissante des entreprises quant à la compétitivité de l’économie du Luxembourg sur le moyen terme. Les dirigeants d’entreprises jugent que la compétitivité du site économique luxembourgeois se distingue davantage concernant le système de sécurité sociale et de pensions (en ce qui concerne notamment les cotisations sociales, bien que le système ne soit pas viable sur le long terme), sa qualité de vie, ses infrastructures de transport et numériques. En revanche, l’accessibilité au logement, la disponibilité de travailleurs, la disponibilité et les coûts des espaces commerciaux et des zones d’activités économiques, l’approvisionnement et les coûts de l’énergie, ainsi que le coût de la main-d’œuvre constituent des défis importants à relever.

Au niveau des entreprises, la rentabilité, les compétences et le coût de l’énergie constituent, sans surprise, les enjeux stratégiques phares. A la question « quelles devront être les priorités du Gouvernement pour la prochaine législature », près de 60% des répondants mettent en avant la maîtrise des coûts de l’énergie, la simplification et l’accélération des procédures administratives et une plus grande flexibilité du marché du travail. Les priorités pour le Gouvernement identifiées par les répondants sont, quant à elle, liées à la maîtrise des coûts de l’énergie, la simplification administrative, la flexibilité de l’organisation du travail, l’attractivité d’une main-d’œuvre étrangère et l’orientation des jeunes. Les entreprises ont également pu valider trois maîtres-mots pour la prochaine législature : la maîtrise de l’inflation, la réduction des coûts pour les entreprises et la lutte contre le changement climatique et le développement durable, et ce, malgré les nombreux autres « foyers d’incendie » à traiter en cette période d’imprévisibilité.