No Nail Boxes - La boîte qui fabrique des caisses

Success stories
Michèle Detaille - Managing Director, No Nail Boxes

Il y a 60 ans, une société britannique fabriquant des caisses en bois pour le stockage et le transport de marchandises, selon un procédé inventé au tout début du 20e siècle, a ouvert un bureau à Ettelbruck, sans doute conquise par la localisation du Luxembourg au coeur de plusieurs grands marchés. Après avoir d’abord été femme politique en Belgique, Michèle Detaille a racheté No Nail Boxes en 1996 avec un associé. La PME, transférée en 2006 à Wiltz, dans ses murs actuels, produit 450.000 caisses de bois chaque année, dont près de 95 % sont fabriquées sur mesure pour  s’adapter aux besoins variés des clients. La plupart du temps, ces caisses se retrouvent ensuite à l’autre bout du monde, où elles entament souvent une nouvelle vie, parfois bien éloignée de leur fonction d’origine.
Entretien avec la dirigeante de No Nail Boxes, Michèle Detaille.

Michèle Detaille, vous avez fait des études qui vous préparaient plutôt au monde politique. Vous avez d’ailleurs fait un début de carrière dans des rôles publics (bourgmestre, députée). À quelle occasion avez-vous attrapé le virus de l’entrepreneuriat ?
En fait, je crois que j’ai toujours eu cette envie et je ne m’en suis jamais cachée, même quand j’étais parlementaire. Cela correspond à un désir de liberté et d’indépendance, même si dans les faits, ce n’est pas toujours le cas. Lorsque l’on est indépendant, on n’a pas de patron « hiérarchique » mais on a des clients qu’il ne faut pas décevoir. Je me suis assez vite rendu compte que la politique n’était pas faite pour moi, en tout cas la fonction de parlementaire. Bourgmestre, c’est différent, car il y a beaucoup de similitudes entre la gestion d’une commune et celle d’une entreprise et c’est assez passionnant.

Qu’avez-vous appris dans le monde politique pouvant servir dans celui de l’entreprise ?
Beaucoup. À commencer par le sens de la négociation. Dans une assemblée politique, chaque voix compte. Il faut donc être capable de convaincre, mais aussi de trouver des compromis. Dans l’entreprise, ces capacités sont précieuses pour le dialogue avec les fournisseurs et les clients mais aussi en interne. Pour qu’une décision soit bonne, il faut qu’il y ait débat. Ensuite, en politique, on rencontre des gens de toutes sortes et de tous milieux, notamment parmi les plus défavorisés moralement ou financièrement. Et cela ouvre l’esprit et le coeur, ce qui est utile dans le monde économique. On apprend à parler à tout le monde en s’adaptant à chacun. C’est une nécessité en politique et un gros atout dans la vie.

Comment s’est passé votre passage vers l’entrepreneuriat ? Pourquoi avoir choisi No Nail Boxes ?
Après ma vie politique, j’ai d’abord travaillé dans un grand groupe privé. C’était mon choix car dans les entreprises d’une certaine taille, les processus de travail sont intéressants et l’expérience est très formatrice. En parallèle, j’avais toujours mon idée de reprendre une entreprise. Avec un associé ayant une formation en finance, nous avons étudié beaucoup de dossiers d’entreprises à reprendre. Il se trouve que nous n’avions pas les moyens pour reprendre une industrie lourde et que nous n’avions ni l’un ni l’autre de connaissances techniques pointues. Nous cherchions donc une entreprise utilisant une technologie relativement simple et surtout une entreprise en bonne santé, de préférence en Belgique francophone.
De fil en aiguille, par notre réseau et nos rencontres, nous avons eu connaissance de No Nail Boxes qui correspondait à nos critères et qui était à vendre. Nous avons saisi cette opportunité. Le fait que l’entreprise était située au Luxembourg ne nous est pas apparu comme un frein mais plutôt comme un avantage. Et puis, comme je le raconte souvent, cela sentait bon le bois, ce qui a terminé de nous séduire !

Quelle est la part des exportations dans votre activité ?
Nous exportons principalement en France, en Allemagne et au sein du Benelux. Nos produits sont assez volumineux, même si nous les livrons à plat. Les coûts de transport sont relativement élevés. Ils représentent environ 8 % du prix total. On ne peut donc aller beaucoup plus loin que les marchés limitrophes pour être compétitifs.

Vous êtes présents sur de nombreux salons, principalement en France et en Allemagne. Est-ce un bon outil de promotion ?
Les salons sont un outil de promotion assez cher mais qui est intéressant pour nous car nous avons des choses à montrer. Nos produits sont faciles à transporter et à installer sur un salon, ce qui nous permet de démontrer leur praticité. Les visiteurs peuvent voir, expérimenter et poser des questions.
Certains salons s’avèrent très rentables pour la prospection, d’autres sont importants pour la fidélisation des clients et pour suivre le marché de l’emballage. L’important est surtout de bien préparer sa présence et d’assurer le suivi une fois le salon terminé. Il vaut mieux faire moins de salons, très bien cibler ceux que l’on choisit et prendre le temps nécessaire pour ces étapes, plutôt que de multiplier les présences et de ne pas faire un suivi correct. Nous participons à deux types de salons : ceux consacrés à l’emballage et d’autres, sectoriels (sécurité, machines-outils …) où nos clients sont exposants et où nos commerciaux peuvent les rencontrer. Nous faisons systématiquement deux bilans après chaque participation : une fois à chaud, dans les 3 jours suivant la fin du salon, pour les premiers constats et réactions des commerciaux et une fois un an après, lorsque l’on connaît les retombées en termes de commandes, pour décider de nos futures participations, car il s’agit souvent de salons bisannuels. L’expérience montre qu’il faut souvent au moins deux participations pour juger pleinement le potentiel d’un salon.

Comment est la concurrence dans votre secteur d’activité ?
Si l’on considère les emballages en carton et en plastique, la concurrence est assez dense. Mais si l’on regarde les entreprises qui font le même métier que nous, c’est-à-dire la fabrication de caisses pliantes en bois contreplaqué, nous ne sommes que quelques-uns dans un rayon de 300 km, les concurrents étant en France et en Allemagne. Les firmes situées plus loin ne peuvent pas véritablement être considérées comme concurrentes car, comme je l’évoquais en parlant du coût du transport, nos marchés sont des marchés de proximité. Outre le prix du transport, on se rend compte que de plus en plus, les clients privilégient le « juste à temps » plutôt que le stockage de réserves sur une longue période. Nous livrons donc de plus en plus des petites quantités, plutôt que des camions entiers. Dans ces conditions, il faut que le lieu de production soit proche des clients.

Comment votre activité a-t-elle évolué au cours de la crise Covid ?
Nous avons perdu un peu de chiffre d’affaires en 2020 à cause du confinement strict de mars/avril, qui a empêché nos clients de poursuivre leurs activités normalement. De notre côté, au début, il  a fallu rassurer nos employés qui avaient peur de la contamination sur le lieu de travail. Nous avons donc eu un peu d’absentéisme mais tout est rentré dans l’ordre rapidement grâce à une communication sereine et à quelques mesures strictes. Notre activité n’a jamais cessé car nous avions les matières premières et le personnel nécessaires. Notre entreprise, comme toute l’industrie luxembourgeoise, a été autorisée à fonctionner, y compris pendant le confinement. C’est très important car du coup, nous n’avons pas eu à faire de remise en route.
En 2021, l’activité a explosé car ça a été une année de reprise dans tous les domaines, ce qui a généré beaucoup de commandes. Le chiffre d’affaires a augmenté aussi, mécaniquement, car nous avons dû augmenter nos tarifs, en réponse aux hausses de prix que nous avons subies sur les matières premières et le transport. Nos clients ont accepté ces hausses car ils se sont aperçus que nos concurrents étaient également contraints d’augmenter leurs prix ou que certains avaient même dû stopper leur fabrication devenue trop chère. Malgré les difficultés actuelles sur des marchés tendus, nous continuons à être approvisionnés en matières premières car nous avons une très bonne équipe d’acheteurs, qui fait le point chaque lundi avec les commerciaux pour anticiper les besoins. Chaque équipe fait des adaptations pour tenir compte des contraintes de l’autre. Ce qui nous permet aussi de surmonter les difficultés actuelles d’approvisionnement est la très bonne relation que nous entretenons avec nos fournisseurs, en les payant à temps et en les considérant comme une source de progrès pour nous. Il s’agit d’une relation professionnelle et humaine de qualité, et de long terme.

Est-ce qu’il vous arrive de penser qu’un jour, le monde pourrait ne plus avoir besoin de vos produits ?
Sur le long terme, on voit que le carton a remplacé une partie des caisses en bois utilisées pour le commerce. L’utilisation de containers, qui assurent la protection des marchandises, a aussi permis le recours à des emballages moins robustes. La part de l’emballage bois a donc diminué dans le total des emballages mais le besoin d’emballage, qui est très ancien, va perdurer encore longtemps. Nous emballons aujourd’hui des marchandises qui n’existaient pas il y a 60 ans quand la société a été créée, comme des cartes à puces ou des produits électroniques. Notre produit, qui a peu évolué en 60 ans, devrait garder sa pertinence. Il est simple, efficace, car léger tout en étant très protecteur, et surtout, il est recyclable, propriété très appréciée aujourd’hui et fabriqué à partir de ressources renouvelables car le bois que nous utilisons est cultivé à cette fin. Le produit a donc toute sa légitimité à une époque où l’écologie gagne en importance. Cela lui assure un bel avenir. Nos débouchés sont très liés au succès des produits européens en grande exportation et celui-ci ne se dément pas, donc je crois que nos caisses seront encore très demandées à l’avenir.

Un bon produit serait donc le secret de la longévité d’une entreprise ?
Le produit est très important mais il n’est pas suffisant. No Nail Boxes a traversé des turbulences par le passé et changé plusieurs fois de mains. Le produit n’est donc pas une garantie absolue de réussite. D’autres entreprises ont survécu alors que leur produit d’origine était devenu obsolète. Parfois, des facteurs externes ont raison d’une entreprise. Je pense que la longévité dépend beaucoup de l’équipe en place. Mais cela non plus n’est pas suffisant. Il faut se remettre en question régulièrement et avoir l’esprit PME, fait de prudence, d’anticipation et d’adaptation. Il ne faut pas, par exemple, accepter des marchés qui peuvent mettre en péril l’équilibre de l’entreprise.

Votre activité est très concernée par les tensions sur les prix des matières premières et du transport. Où en est-on à l’heure actuelle et quels autres risques voyez-vous se profiler ?
La tension sur les prix n’est plus vraiment un risque pour nous, car ceux-ci se sont stabilisés. Mais si la flambée épidémique repartait fortement à la hausse, cela pourrait redevenir un problème. Nous allons maintenant devoir être attentifs à la santé financière de nos clients, à mesure que les aides d’État vont prendre fin. Nous avons souscrit une assurance-crédit contre les défaillances de paiement, peu avant la crise de 2008, auprès de l’Office du Ducroire. Nous ne l’avons jamais regretté.
Par ailleurs, beaucoup de secteurs vont se transformer profondément à l’avenir, à l’instar de celui de l’automobile. Ces transformations vont avoir d’énormes conséquences sur la chaîne logistique donc sur les métiers de l’emballage. Enfin, la transition écologique sera aussi porteuse de défis. Certaines décisions européennes, par exemple, qui sont incontestablement bonnes pour l’environnement, vont pousser certains acteurs industriels à se relocaliser sur d’autres continents et cela pourrait nous faire perdre certains clients. Or, cela prend du temps de trouver des bons clients. Je pourrais encore citer le risque cyber, contre lequel nous essayons de nous prémunir.
En fait, les risques ont toujours existé mais de nos jours, tout change beaucoup plus vite, donc les risques aussi évoluent plus vite.

Est-il possible de les anticiper malgré tout ?
Les risques font partie de la vie des entreprises. Pour les anticiper, on se met à l’écoute de l’environnement en parlant avec les clients par l’intermédiaire des commerciaux et avec les fournisseurs grâce aux acheteurs. Ce sont de très bonnes sources. Nous nous informons aussi auprès des syndicats professionnels – par exemple le SEILA (Syndicat de l’emballage Industriel et de la Logistique Associée) qui est un syndicat français qui accepte des membres des pays voisins – et grâce aux instances représentatives des entreprises et du patronat comme la Fedil ou la Chambre de Commerce. Pour le risque cyber, nous utilisons un outil de diagnostic développé par la Fedil et nous organisons des formations en interne. Mais il faut surtout garder à l’esprit que le risque fait partie de la vie.

Est-ce que l’économie circulaire est la solution pour sécuriser les approvisionnements et stabiliser les prix ?
Certaines de nos caisses sont prévues pour effectuer des navettes et nous revenir mais la plupart du temps, il est compliqué et coûteux de les rapatrier. Il faut l’accord du client pour stocker ces caisses jusqu’à avoir une quantité suffisante qui justifie un transport retour. Ce n’est pas évident. Cela pourrait fonctionner si nous étions un grand groupe avec des bureaux partout dans le monde pour coordonner la collecte, ce qui n’est pas le cas. Nos caisses ne sont pas à usage unique malgré tout. Elles connaissent bien souvent une deuxième vie, mais pas toujours dans leur utilisation d’origine. À Caracas, par exemple, leur bois est réutilisé dans la construction. Il est très rare que les caisses soient détruites car les matériaux qui les constituent sont de qualité et représentent des ressources utiles dans les destinations lointaines.

Y a-t-il d’autres façons d’épargner les ressources ?
Oui, bien sûr. Quand nous recevons une commande, nous faisons des calculs à l’aide d’un logiciel pour optimiser l’utilisation de la matière. Cela signifie que nous combinons les fabrications de plusieurs commandes pour avoir le moins de chutes possibles et nous rapprocher d’une utilisation à 100% de la matière. Ainsi, il n’y a quasi pas de déchet. L’acier qui sert aux fermetures est aussi découpé sur mesure et les chutes d’acier sont récupérées par un intermédiaire qui fournit des aciéries dont ArcelorMittal.
Tous nos produits sont éco-conçus donc dans le souci de l’économie de matière. Nous n’utilisons des plaques de 9 mm d’épaisseur que là où c’est indispensable ; partout ailleurs, nous utilisons des plaques de 4 mm. Les clients sont contents car ils ont ainsi un produit plus léger et un gain de place dans les camions.
Nos caisses sont composées de trois parties (base, côtés et couvercle). Celles-ci peuvent être remplacées indépendamment les unes des autres. Nous avons différentes hauteurs de caisse s’adaptant sur les mêmes bases. Ainsi, le client peut acheter un stock de bases et interchanger les parois. Les clients industriels sont sensibles à cela, à l’économie de matière, c’est comme cela qu’ils procèdent en général avec leurs propres fabrications. C’est un langage qu’ils comprennent.

Les risques pesant sur le climat et l’environnement sont nombreux. Comment voyez-vous votre responsabilité de cheffe d’entreprise ?
C’est plus qu’une responsabilité. On ne peut pas ne pas se sentir cconcerné. Je suis convaincue que la transition passera par les entreprises industrielles. Mais nous sommes confrontés à un principe de réalité qui fait que l’on ne peut pas toujours faire aussi vite que ce que l’on voudrait. C’est la différence entre le « dire » et le « faire ». Pour passer au « faire », il faut soit nous laisser du temps pour nous adapter, soit nous aider financièrement pour accélérer la transformation. Il faut assurer des gains normaux aux industriels pour qu’ils puissent activer la transition, sinon, ce n’est pas viable.

Plus d'informations : https://no-nailboxes.com

 

TEXTE Catherine Moisy - PHOTOS Emmanuel Claude / Focalize

La PME No Nail Boxes, installée dans ses locaux de Wiltz depuis 2006, emploie un peu plus de 90 personnes.
La PME No Nail Boxes, installée dans ses locaux de Wiltz depuis 2006, emploie un peu plus de 90 personnes.
Les équipes fabriquent environ 450.000 caisses par an dont la grande majorité sur mesure.
Les équipes fabriquent environ 450.000 caisses par an dont la grande majorité sur mesure.
Les équipes fabriquent environ 450.000 caisses par an dont la grande majorité sur mesure.
Les équipes fabriquent environ 450.000 caisses par an dont la grande majorité sur mesure.
Le contreplaqué de bouleau utilisé pour la fabrication des caisses provient de Russie. Il est léger et souple. Chaque plaque est constituée de feuilles de bois collées ensemble en alternant le sens du bois, ce qui produit une sorte de canevas très résistant.
Le contreplaqué de bouleau utilisé pour la fabrication des caisses provient de Russie. Il est léger et souple. Chaque plaque est constituée de feuilles de bois collées ensemble en alternant le sens du bois, ce qui produit une sorte de canevas très résistant.