Réforme du droit d’établissement: la Chambre de Commerce juge les efforts de modernisation insuffisants

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La Chambre de Commerce a rendu son avis sur les derniers amendements au projet de loi n°7989 modifiant la loi existante en matière d’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales. Si la digitalisation de certaines procédures liées à l’établissement des entreprises au Luxembourg reste le point fort de cette réforme, elle considère que l’objectif de modernisation initialement affiché n’est pas pleinement atteint. Par son caractère encore trop rigide, tant au niveau du cadre limitant apporté à la nouvelle chance entrepreneuriale que dans certains principes régissant la gestion journalière de l’entreprise, ou encore dans la mise en place de nouvelles catégories d’autorisations, cette nouvelle mouture du droit d’établissement ne semble pas complètement en phase avec l’évolution actuelle et prévisible du cadre entrepreneurial, qui s’inscrit dans un monde résolument digital, résilient, ouvert et international.

En particulier, la Chambre de Commerce relève l’apparition dans le texte de loi d’une nouvelle condition, consistant en la « présence physique dans l’établissement » du dirigeant afin d’assurer effectivement et en permanence la gestion journalière de son entreprise. Il est difficilement concevable aux yeux de la Chambre de Commerce qu’à l’époque actuelle, la gestion permanente et effective d’une entreprise ne puisse se prouver que par la présence physique du dirigeant dans l’établissement, en particulier au vu des enjeux actuels de digitalisation et de la situation particulière des entreprises luxembourgeoises qui doivent souvent très naturellement développer les activités au-delà des frontières. Elle estime que cette condition supplémentaire, qui n’est ni réaliste, ni nécessaire (alors que le projet de loi prévoit déjà une condition de « présence régulière » du dirigeant dans l’établissement), risque par ailleurs de porter une atteinte grave à l’attractivité du Luxembourg.

La Chambre de Commerce a également souligné les points suivants, qui risquent, en l’état actuel du projet de loi, de constituer un frein au développement des activités entrepreneuriales au Luxembourg :

  • la nécessité de supprimer ou, à défaut, d’adapter la nouvelle liste C, constituée de « métiers » qui ne requièrent pourtant aucune qualification professionnelle spécifique;
  • la notion d’établissement fixe, qui devrait être clarifiée et aurait pu être assouplie afin de prendre en compte l’exercice d’activités essentiellement intellectuelles et/ou technologiques et la réalité du marché immobilier luxembourgeois;
  • l’absence de communication en temps réel à l’entrepreneur des informations concernant sa situation, alors qu’il est prévu que le Ministre communique régulièrement avec les administrations pour identifier des manquements de l’entrepreneur pouvant notamment impacter son honorabilité professionnelle et donc son autorisation d’établissement. La Chambre de Commerce réitère sa proposition de la création d'un bulletin d'alerte téléchargeable dans un espace numérique, regroupant toutes les informations liées à l'entreprise, y compris notamment, les dettes envers les créanciers publics;
  • la démultiplication des autorisations spécifiques, aussi bien commerciales qu’artisanales qui ne vont pas dans le sens d’une simplification administrative. En témoignent par exemple, les activités de vente de véhicules automoteurs ou encore les activités de commerce alimentaire;
  • la liste limitative des cas de figure jugés comme recevables pour se voir octroyer une « nouvelle chance » d’obtenir une autorisation d’établissement suite à une faillite ; et
  • le pouvoir étendu du Ministre quant à la détermination de ce qu’est une « dette importante » envers les créanciers publics dans le cadre de l’appréciation de l’honorabilité professionnelle qui continuera de restreindre, en pratique, l’accès réel à cette nouvelle chance.

La Chambre de Commerce aurait, de manière générale, souhaité que cette réforme du droit d’établissement, initiative qu’elle salue, soit l’occasion d’effectuer les modernisations profondes et nécessaires qui prennent en compte les réalités du monde entrepreneurial actuel et les évolutions technologiques, afin que le Luxembourg reste une place privilégiée et attractive pour l’établissement des entreprises.

L’avis complémentaire de la Chambre de Commerce sur le projet de loi amendé est consultable via ce lien.