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Avis sur le budget 2026 : la fin du modèle luxembourgeois ?

Affaires économiques
de g. à d. : Carlo Thelen, directeur général de la Chambre de Commerce, Christel Chatelain, directrice des Affaires Economiques, Anthony Villeneuve, Senior economist. ©Laurent Antonelli, Blitz

Face à un ralentissement économique persistant, la Chambre de Commerce alerte sur une trajectoire budgétaire de plus en plus fragile. Dans son avis sur le projet de budget 2025-2029 1, elle met en garde contre un déséquilibre durable entre la progression des dépenses publiques — désormais supérieures à 48% du PIB — et celle de l’économie réelle. Alors que la taille de l’État continue de croître plus vite que la richesse nationale, dans un contexte marqué par les défis démographique, technologique et environnemental, la Chambre de Commerce appelle à restaurer une discipline budgétaire crédible, fondée sur une hiérarchisation rigoureuse des priorités de l’action publique, afin de préserver la soutenabilité des finances du pays. 

Dans un contexte international marqué par un certain essoufflement économique, une montée des tensions géopolitiques et un climat d’incertitude prolongé, le Luxembourg voit sa croissance ralentir tandis que les dépenses publiques continuent de croître à un rythme soutenu. L’écart entre la progression de l’économie réelle et celle des dépenses publiques atteint aujourd’hui un niveau préoccupant et record. En 2026, les dépenses publiques atteindraient 45,5 milliards d’euros en 2026, soit une hausse de 5,6% par rapport à 2025, un rythme supérieur à la croissance économique. En proportion du PIB, les dépenses des Administrations publiques représentent désormais plus de 48%, un niveau inédit, jamais atteint même au plus fort de la crise sanitaire. Ce ratio n’était que de 38% en 2000 et 42% en 2010. Le rythme de recrutement de l’Etat ne ralentit pas non plus. 

« Le Luxembourg est confronté à un dérèglement structurel préoccupant : les dépenses augmentent beaucoup plus vite que la richesse nationale, analyse Carlo Thelen, Directeur Général de la Chambre de Commerce. Cette situation ne peut pas durer sans compromettre notre crédibilité financière et notre notation AAA. Si nous voulons préserver notre capacité d’action à long terme, nous devons impérativement renouer avec une discipline budgétaire crédible et agir sur nos dépenses rigides. » 

Malgré la panne de croissance que subit le pays, la taille de l’État continue de s’étendre, alimentée par la progression de la masse salariale publique — +347 millions d’euros en 2026 — et par l’addition constante de nouvelles politiques publiques sans hiérarchisation claire. 

Pour Christel Chatelain, Directrice des Affaires économiques, le constat est sans appel : « Le Luxembourg doit changer de culture budgétaire. Nous devons passer d’une logique d’accumulation à une logique de hiérarchisation. Chaque euro dépensé doit être justifié par son efficacité et son impact mesurable sur la compétitivité, la croissance ou la cohésion sociale. Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons restaurer la confiance et préserver la soutenabilité de nos finances publiques. » 

Sur le plan économique, le budget 2026 traduit un tournant politique : la compétitivité reste un objectif central, mais s’accompagne désormais d’une volonté affirmée de préserver la cohésion sociale. « Soutenir le pouvoir d’achat des ménages et la cohésion sociale est légitime et sain, mais cela ne peut se faire au détriment de la compétitivité et de la productivité. La prospérité de demain dépendra de notre capacité à créer de la valeur et à attirer les talents et les investissements », rappelle Carlo Thelen. 

La Chambre de Commerce constate que le modèle luxembourgeois est sous pression croissante. Les prestations sociales représentent désormais plus de 41% des dépenses publiques, un poids qui ne cesse d’augmenter puisqu’elles atteindront 42,6% dès 2029, sous l’effet du vieillissement de la population. Si le récent ajustement du financement du système des pensions décidé dans le cadre de la « Sozialronn » permet de gagner quelques années, la tendance de fond reste défavorable : la part des dépenses liées au vieillissement augmentera de plus de dix points de PIB d’ici 2070, soit la progression la plus importante de l’Union européenne. À politique inchangée, les branches maladie et dépendance enregistreront des déficits croissants dès 2026, nécessitant des transferts publics supplémentaires. La Chambre de Commerce appelle à une véritable prise de conscience de l’urgence à agir face aux conséquences budgétaires du vieillissement de la population. 

Dans le domaine de l’investissement public, la Chambre de Commerce salue les efforts engagés pour accompagner la transition technologique, à travers un soutien ambitieux à la recherche, à l’innovation et à l’intelligence artificielle. Les crédits du Fonds de l’innovation augmentent de 52%, traduisant une orientation pro-active vers les technologies d’avenir. De même, les moyens importants sont alloués à la transition énergétique. Ces choix vont dans la bonne direction, mais ils nécessitent un pilotage rigoureux et une évaluation systématique de leur impact sur la productivité et la croissance potentielle. 

De manière plus large, si le Gouvernement se montre très ambitieux en matière d’investissements, la Chambre de Commerce observe que l’exécution budgétaire des engagements reste un point faible : les retards et écarts entre crédits votés et dépenses réelles persistent, notamment dans le logement et les grands projets d’infrastructure. Elle appelle donc à un renforcement de la planification, à une simplification des procédures administratives et à une meilleure coopération avec le secteur privé pour améliorer le rendement économique et social des investissements. 

En conclusion, la Chambre de Commerce considère que la soutenabilité budgétaire du Luxembourg dépendra de sa capacité à relever trois défis structurels majeurs : le vieillissement démographique, la stagnation de la productivité et le retour à une discipline budgétaire crédible. Les marges de manœuvre existent encore, mais elles se réduisent rapidement sous l’effet conjugué des dépenses rigides, de recettes volatiles et non-pérennes, d’une croissance affaiblie et d’une dette en légère mais continue progression, qui atteindrait 27% du PIB en 2026. La Chambre de Commerce s’étonne d’ailleurs que la projection financière pluriannuelle présentée dans le projet de budget fasse abstraction de deux engagements politiques qui seront particulièrement coûteux : l’individualisation de l’impôt (dont le coût est estimé entre 800 et 900 millions d’euros par an) et la progression de l’effort de Défense pour atteindre 3,5% du RNB en 2035. 

« Le Luxembourg ne peut durablement financer son modèle social sur la seule prospérité passée, alors que les défis qui sont devant lui sont immenses. Il doit renouer avec une culture de l’efficience pour préserver à la fois son bien-être collectif, sa stabilité financière et sa crédibilité internationale », conclut Christel Chatelain. 

1 Projet de loi n°8600 concernant le budget des recettes et des dépenses de l'Etat pour l'exercice 2026 (6965CCH/VAN) et projet de loi n°8601 relative à la programmation financière pluriannuelle pour la période 2025-2029 (6966CCH/VAN)
 

Carlo Thelen, directeur général de la Chambre de Commerce ©Laurent Antonelli, Blitz
©Laurent Antonelli, Blitz
Christel Chatelain, directrice des Affaires Economiques, ©Laurent Antonelli, Blitz
Anthony Villeneuve, Senior economist. ©Laurent Antonelli, Blitz
©Laurent Antonelli, Blitz