Motion-S - Mieux (se) conduire

Start-Up

En 2013, Raphael Frank, German Castignani et Guido von Scheffer ont fondé Motion-S, première spin-off du centre de recherche de l’Université du Luxembourg. La start-up a créé « Game of Roads », une application mobile ludique développée en collaboration avec Bâloise Assurances, qui analyse le comportement du  conducteur et l’aide à adopter une conduite responsable et économique.

Comment avez-vous lancé Motion-S ?
R. F. : « En 2012, German et moi avons travaillé sur un projet de recherche de nouveaux concepts de mobilité auprès de l’Université du Luxembourg. Une première application, Luxtraffic, a été conçue pour analyser les conditions de circulation, étudier les caractéristiques des flux automobiles et proposer, avec l’aide des nouvelles technologies de communication, un moyen de diminuer la congestion automobile, renforcer la sécurité routière et réduire les émissions de gaz d’échappement. Puis l’idée a germé d’étendre ces fonctionnalités à une utilisation sur smartphones… Motion-S a été créée en décembre 2014, dans le cadre d’un programme de coopération de l’Université pour la création de spin-off. Game of Roads est une application ludique et motivante développée avec Bâloise Assurances qui s’adresse en priorité aux jeunes conducteurs. L’innovation réside dans la combinaison des données fournies par les capteurs du smartphone avec celles du véhicule. Il en résulte une analyse du comportement du conducteur sur la route, dans les virages, les accélérations, le freinage. Ceci l’aide à adopter une conduite plus respectueuse de l’environnement et de la sécurité, et également moins coûteuse. L’application prend également en compte les conditions météorologiques.

Comment avez-vous commercialisé Game of Roads ?
G. v. S. : « Nous n’avions aucune idée de la manière dont nous devions nous y prendre. Motion-S a été la toute première entreprise à recevoir le soutien du programme POC (Proof of Concept) qui aide les start-up nées de la recherche à aboutir à un prototype commercialisable. C’est grâce au financement du Fonds national de la recherche (FNR) que nous avons pu développer ce prototype.

R. F. : « Nous nous sommes rendus à un événement organisé par Automotion (Farvest) et nous y avons rencontré Bâloise Assurances. Je leur ai décrit le projet et ils se sont intéressés à l’application. Bâloise Assurances était en pleine refonte de sa stratégie digitale et nous avions les solutions. Cela tombait bien ! Après un premier entretien, nous avons obtenu leur accord pour tester Game of Roads auprès de leurs clients.

Quel est le bénéfice pour l’assureur ?
R. F. : « La finalité de l’application est de devenir un conducteur responsable et d’acquérir les bons réflexes. Pour les assurances, l’objectif est de réduire les risques d’accidents, notamment pour les jeunes conducteurs qui n’ont pas encore l’expérience nécessaire pour bien anticiper la plupart des dangers.

G. v. S. : « L’application a été testée de mars à octobre 2015 dans le cadre d’une campagne Bâloise Assurances. Nous avons voulu savoir si les utilisateurs acceptaient de télécharger l’application pour avoir un retour sur leur performance. Pas moins de 6.000 utilisateurs ont téléchargé l’application, soit 1% de la population luxembourgeoise ! 4 millions de kilomètres ont ainsi été parcourus lors de 220.000 trajets pour lesquels nous avons pu recueillir les données. La majorité des utilisateurs avaient entre 18 et 24 ans.

La collecte de ces données n’est-elle pas une atteinte à la vie privée ?
R. F. : « Ce point est très important, en effet, et souvent mal perçu ! Nous ne communiquons pas de données confidentielles - qui, de surcroît, ne nous intéressent pas dans le cadre de notre mission. Nous ne connaissons pas non plus les destinations des conducteurs. Ce sont des données confidentielles que l’application ne nous livre pas. La vie privée est ainsi préservée. Il s’agit avant tout d’un jeu, mais un jeu responsable. D’ailleurs, si cela peut rassurer vos lecteurs, Game of Roads a été approuvé par l’autorité indépendante de la Commission nationale de la protection des données.

Comment fonctionne Game of Roads ?
G. v. S. : « Elle est très simple d’utilisation. Elle comporte un kit mains libres et une fois configurée avec votre voiture, elle s’enclenche d’elle-même, dès que vous prenez le volant. Quand vous conduisez en dehors du Grand-Duché, il n’y a pas de roaming : les données sont stockées sur le smartphone, jusqu’à ce qu’un réseau soit à nouveau accessible. En fin de journée, il vous suffit de consulter votre téléphone sur lequel s’affiche votre ‘timeline’ qui résume votre performance du jour. Un système de score permet de remporter un prix. En moyenne, les participants ont augmenté leur score de 10%. Autre point satisfaisant, les participants ont déclaré avoir réduit de manière significative leur consommation de carburant !

Les assurances sont-elles vos seuls clients ?
G. v. S. : « Les assurances sont nos clients principaux, mais ce ne sont pas nos seules cibles. Des moniteurs d’auto-école nous ont aussi approchés. L’application leur offre de nouvelles possibilités en matière d’apprentissage. Celles et ceux qui l’utiliseront pourront adopter rapidement une conduite responsable. La police se dit également intéressée. Une application mobile permet de communiquer plus facilement avec un public de jeunes conducteurs.

Comment comptez-vous faire évoluer l’app ?
R. F. : « Nous souhaitons étendre le concept en Belgique et en Allemagne au début de l’année prochaine et nous comptons bientôt proposer un système de points à échanger contre des goodies en nous associant avec des partenaires. Plus vous excellez dans la conduite et plus vous gagnez de points à échanger. Reste à trouver les partenaires intéressés !

Pourquoi avoir choisi le Luxembourg ?
G. v. S. : « Je viens d’Hambourg, en Allemagne, German est Argentin et Raphael est Luxembourgeois. Le Luxembourg est un petit marché, ce qui est très pratique pour tester un produit. Il fait office de laboratoire en quelque sorte. Le pays est également unique en matière de soutien apporté par les institutions, les pouvoirs publics ou encore l’université. Les contacts avec les entreprises sont excellents et les chemins sont généralement très courts. L’accès aux décideurs économiques est très direct et les prises de décision sont rapides, comme l’a illustré le temps très court entre le premier contact avec la direction de Bâloise Assurances et la signature du contrat.

R. F. : « Nous avons eu de bons contacts avec Luxinnovation, notamment avec l’Automative Cluster dont nous sommes membres. Nous avons aussi obtenu un cofinancement de la part du ministère de l’Économie, qui a pu couvrir une partie de nos frais.

Avez-vous rencontré des difficultés et comment les avez-vous surmontées ?
R. F. : « Le problème majeur pour une start-up reste le financement. Nous sommes en pleine croissance, mais nous ne sommes pas dans la Silicon Valley. La Société nationale de crédit et d’investissement (SNCI) n’est pas adaptée aux start-up. Vous devez fournir des garanties. Heureusement pour nous, il y a de plus en plus d’initiatives pour les start-up et le Luxembourg est sur la bonne voie pour devenir un hub dans le domaine de l’innovation.

Auriez-vous un conseil à donner à un jeune entrepreneur ?
G. v. S. : « ‘Winners never quit and quitters never win !’ J’ai entendu Philippe Bloch, multi-entrepreneur français et fondateur, entre autres, de la chaîne Columbus Café, reprendre cette célèbre phrase. Elle correspond pleinement à notre vision entrepreneuriale.

R. F. : « La nouvelle économie et l’économie traditionnelle sont amenées à collaborer : c’est ça l’avenir ! La coopération avec Bâloise Assurances est une superbe expérience. Nous avons mis en commun nos activités pour créer quelque chose de nouveau en apportant nos idées et en créant les interfaces. La gamification ajoute un impact important et positif. L’utilisation du jeu dans l’apprentissage ne date pas d’hier. Ce qui change, c’est la généralisation et l’extension du concept rendu possible par le web et les applications mobiles. »

www.motion-s.com

 

Texte : Marie-Hélène Trouillez - Photos : Laurent Antonelli / Agence Blitz