Résultats du Baromètre de l’Economie du premier semestre 2023 : Crise de confiance

Affaires économiques
Economie et Finances
(de gauche à droite) : Christel Chatelain, Directrice des Affaires Economiques - Carlo Thelen, Directeur Général - Bérengère Beffort, Public Relations Senior Advisor

Capacité d’investissements des entreprises, accès aux crédits et prévisions d’emplois, mais également forces et faiblesses du modèle luxembourgeois : la neuvième édition de l’enquête semestrielle du Baromètre de l’Economie de la Chambre de Commerce, menée du 4 au 25 avril 2023 auprès des entreprises d’au moins 6 salariés, fait un état des lieux de la conjoncture luxembourgeoise et livre de précieuses informations pour construire l’économie de demain et pour renforcer l’attractivité du pays. Les réponses de 611 entreprises sur des indicateurs d’attractivité, de rentabilité et de compétitivité révèlent des priorités et défis qui doivent être au cœur des discussions en vue des élections législatives du mois d’octobre.   

Après les crises de ces dernières années, un double risque demeure pour les entreprises. D’un côté, celui pesant sur leur activité, leur rentabilité et donc leur capacité d’investissements, alors qu’il s’agit d’aborder une double transition énergétique et digitale. De l’autre, une baisse, lente mais continue, des indicateurs d’attractivité et de compétitivité de l’économie luxembourgeoise, traduisant une difficulté à attirer de nouveaux investisseurs et une main-d’œuvre qualifiée.   

L’indicateur prenant le pouls du climat des affaires traduit ces tendances : il connait un lent déclin continu depuis 18 mois sur fond de hausse des prix des matériaux et de l’énergie, de poussées inflationnistes ainsi que de pénuries dans les chaînes d’approvisionnement, bien que ces dernières se détendent peu à peu. En corollaire, la confiance dans l’économie décline et n’atteint plus que 66% contre un taux de confiance de 74% en leur propre entreprise selon les dirigeants interrogés, un décalage inédit entre ces deux indicateurs. 

« Ces messages corroborent les alertes que je reçois du terrain : certaines grandes entreprises internationales, mais aussi des structures de taille moyenne et des entités de type family offices réfléchissent à délocaliser leur siège, filiale ou site de production, si l’environnement économique continu à se détériorer au Luxembourg ou si la position compétitive par rapport à d’autres pays devait s’affaiblir davantage. Si de tels signaux se concrétisaient, les effets d’entraînement sur une multitude d’autres prestataires de services seraient néfastes pour notre économie dans son ensemble », a souligné le Directeur Général, Carlo Thelen, lors de la présentation des résultats du Baromètre de l’Economie. 

Recul d’activité conséquent pour l’industrie, le commerce et la construction 

Une entreprise sur quatre a vu son activité baisser au cours des six derniers mois. En analysant le différentiel entre les entreprises ayant connu une hausse de leur activité et celles ayant constaté une baisse, ce sont en particulier les secteurs de l’industrie (-17%), du commerce (-8%) et de la construction (-10%) qui ont vu leurs activités dévisser. Pour cette dernière, les voyants sont particulièrement au rouge. Les craintes soulevées par ses acteurs se confirment, notamment en raison de la hausse des taux d’intérêts qui freinent la demande et par extension la construction de nouveaux logements. D’une situation déjà difficile en ce qui concerne l’offre de logements à des prix abordables, le marché est passé à une situation très préoccupante de manière généralisée. 

Malheureusement, pour le second semestre 2023, les perspectives ne sont guère plus optimistes. Les entreprises qui anticipent une baisse de leur activité dans les 6 prochains mois (25%) sont plus nombreuses que celles qui s’attendent à une progression (23%), et 52% estiment que leur situation restera stable, mais sans perspective d’amélioration. Les secteurs de l’industrie, de l’HORECA, de la construction et du commerce se montrent particulièrement circonspects.  

Tous les secteurs (excepté celui des services financiers) voient leur rentabilité chuter. Or, cette dernière est essentielle pour mettre en œuvre les plans d’affaire, recruter, et investir. 43% des entreprises interrogées du secteur de l’HORECA et 35% dans l’industrie (contre 60% au semestre précédent) prévoient une baisse de leur rentabilité dans les 6 mois à venir. Les mesures tripartites notamment pour contenir les prix de l’énergie ont certes absorbé une partie des chocs, mais des difficultés demeurent. 

L’accès au crédit, quant à lui, s’avère plus difficile, surtout pour les TPE et PME. Le pourcentage d’entreprises déclarant avoir eu quelques, voire beaucoup, de difficultés d’accès au crédit au cours des 12 derniers mois pour assurer le financement de leur exploitation courante ou de leurs investissements est passé de 12% en 2019 à 27% en 2023. Cette dégradation reste à surveiller.  

Signal d’un marché attentiste, les emplois devraient rester stables ces prochains mois selon les déclarations de 68% des entreprises. In fine, ceci montre que le rythme de création d’emplois est moins fort que par le passé. Différents facteurs sont en cause : le ralentissement des activités, la difficulté à recruter des talents adaptés aux besoins et les répercussions de l’indexation des salaires. D’ici la fin de l’année, uniquement 19% des entreprises prévoient d’augmenter leurs effectifs, contre 34% au 1er semestre 2019.  

Pour répondre aux besoins en compétences, 62% des entreprises soulignent avoir lancé ou poursuivi un programme de formation ces 12 derniers mois. Pour pouvoir continuer à embaucher et renforcer les équipes, les entreprises disent espérer de nouveaux incitatifs fiscaux, avec en tête une défiscalisation des bonus et une baisse de l’imposition pour les célibataires.  

Un effondrement des investissements 

Les prévisions d’investissements pâtissent fortement du climat d’incertitude. 27% des entreprises interrogées prévoient de réduire leurs investissements au cours des six prochains mois (contre 17% au deuxième semestre 2022). Globalement, le Baromètre de l’Economie reflète une chute généralisée des investissements de la part des entreprises dans l’HORECA (-25%), la construction (-24%) et l’industrie (-20%). Seuls les services financiers (+19%) prévoient plus d’investissements dans les 6 prochains mois. 

Les enjeux de transition environnementale et digitale pour assurer à la fois l’attractivité des entreprises et leur compétitivité, nécessiteraient en revanche que les entreprises investissent davantage. Or, seulement 21% des entreprises prévoient d’investir dans des mesures environnementales, et 37% parlent de moderniser leurs équipements. 

Les futures performances socio-économiques du pays dépendent pourtant essentiellement de sa capacité à savoir se moderniser et à rester compétitif et attractif face à une compétition internationale de plus en plus intense. En période de poussée inflationniste, le coût du travail reste un vif sujet de préoccupation, d’autant qu’il a été alourdi par le déclenchement de quatre indexations en 18 mois. La Chambre de Commerce a ainsi sondé les entreprises sur la manière dont elles ont répercuté ces indexations, et malheureusement elles ont été amenées à opérer des choix stratégiques majeurs en matière de prix, d’emploi et d’investissements, lesquels pèsent sur leur compétitivité à court, moyen et long termes. Côté prix, 60% des entreprises interrogées disent avoir répercuté partiellement les indexations sur leurs prix et 27% affirment les avoir répercutées intégralement. Sur le front de l’emploi, 45% des entreprises annoncent avoir retardé certaines créations d’emplois et 40% y ont même renoncé. Enfin, les conséquences sur l’investissement sont tout aussi préoccupantes. 52% des entreprises disent avoir retardé des investissements et 44% y ont renoncé en raison des surcoûts générés par les indexations salariales. 

En matière d’attractivité, le coût du travail n’est pas la seule faiblesse identifiée par les chefs d’entreprises. Ils évoquent aussi la difficulté du pays à attirer et à retenir des talents. C’est le cas concernant la Place financière qui exprime un besoin fort en matière d’évolution du cadre réglementaire pour attirer des talents étrangers et souhaite un recours accru au télétravail. 

Selon les résultats du Baromètre, les acteurs économiques du Luxembourg considèrent le levier fiscal comme un instrument puissant pour attirer des entreprises, encourager les entrepreneurs et conforter les positions de la Place financière. Ils réclament également une simplification administrative accrue, par la digitalisation des procédures. Enfin, ils expriment le besoin d’une meilleure planification territoriale pour relâcher la pression sur les prix du foncier et ainsi faire émerger de nouvelles opportunités d’implantations industrielles. 

Les propositions de la Chambre de Commerce en vue des élections législatives font écho aux préoccupations qui apparaissent dans le Baromètre de l’Economie et rappellent la nécessité de : 

  • Moduler le système d’indexation selon 3 piliers cumulatifs : une seule indexation maximum par an, une indexation plafonnée à partir de 1,5 fois le salaire mensuel médian et dégressive à partir de 4 fois ce salaire médian, et une indexation basée sur un « panier durable ». 

  • Faire converger le taux global d’affiche de l’impôt des sociétés (25%) vers la médiane européenne (21%). 

  • Soutenir la transition écologique en introduisant une super-déduction fiscale pour les entreprises qui entreprennent des investissements « verts » et digitaux. 

  • Adopter une stratégie nationale « talents » et assouplir la législation sur l’organisation du temps de travail pour permettre une gestion au cas par cas dans le cadre du dialogue social en entreprise, en fonction des spécificités de chaque entreprise, et exclure toute réduction généralisée du temps de travail. 

  • Poursuivre les efforts de digitalisation et de simplification des procédures administratives.  

Lors d’une table ronde, en date du 15 mai 2023, la Chambre de Commerce a rassemblé des candidats de partis en lice pour les élections législatives pour aborder les solutions permettant de stimuler l’attractivité et la compétitivité du modèle économique. La soirée de débats est disponible en intégralité sur le site en ligne : www.cc.lu/toute-linformation/videos 

Retrouvez l’ensemble des propositions phares de Chambre de Commerce sur le site en ligne :  www.cc.lu/dossiers-thematiques/elections-2023 

Carlo Thelen, Directeur Général
Christel Chatelain, Directrice des Affaires Economiques