ExaMotive propose de s’attaquer à l’immense marché de la mobilité 2.0, en plein boom avec la révolution technologique. Fondée au Luxembourg en février 2016 par Mauro Mariani, la jeune pousse mise sur un changement fondamental de l’utilisation de la voiture. Oply, l’application de partage de véhicules en milieu urbain développée par ExaMotive, fonctionne déjà dans plusieurs villes européennes. En 2017, le constructeur automobile chinois SAIC a investi 25 millions d’euros dans la startup..
Pour quelles raisons avoir créé ExaMotive ?
« Les embouteillages, le manque de places de stationnement ou encore les préoccupations environnementales sont autant de raisons aujourd’hui pour pouvoir affirmer que le fait de posséder une voiture personnelle n’est plus une solution viable. De plus en plus d’initiatives sont prises en matière de mobilité urbaine, pour changer les habitudes. Aujourd’hui, les personnes résidant en zone urbaine sont toujours plus nombreuses à ne plus investir dans l’acquisition d’une voiture.
Néanmoins, malgré le choix de ne pas posséder de véhicule, le spectre d’être mal desservi est bien réel. La voiture reste souvent la seule solution dans bien des scénarios. Vous pouvez être amené à devoir aller chercher un ami à la gare ou à l’aéroport, ou vous allez faire vos courses, ou bien encore vous souhaitez partir quelques jours à la campagne.
Dans toutes ces situations, la voiture reste le moyen de transport privilégié. ExaMotive a développé une solution qui offre la meilleure alternative pour répondre aux différents besoins des utilisateurs, qu’il s’agisse d’un trajet rapide en ville ou d’une escapade de plusieurs jours au vert. Nous sommes au début d’une révolution de la mobilité, rendue possible grâce aux nouvelles technologies.
Quelle solution proposez-vous concrètement et comment ça marche ?
« ExaMotive a conçu une solution qui propose à ses adhérents de partager un parc de véhicules. Notre équipe informatique basée au Luxembourg a développé une solution que nous avons baptisée ‘Oply’. Les clients téléchargent l’application et s’inscrivent en ligne avec leur téléphone portable. Les données de leur permis de conduire et de leur carte de crédit sont validées instantanément et l’application est immédiatement opérationnelle. Oply localise votre position et vous indique en temps réel où se trouve la voiture la plus proche. Nous opérons par quartier, avec une flotte de deux à six voitures par zone. Notre parc automobile comprend quatre types de voitures : les petites citadines, les voitures familiales équipées de sièges-autos, les sportives et les fourgonnettes. Nous couvrons tous les goûts, toutes les envies et nous nous adaptons à toutes les situations.
Quelles sont les différentes options disponibles ?
« Nous proposons deux formules intégrées dans la même application. Le mode ‘Flex’ permet de prendre une voiture spontanément sans devoir spécifier la durée de la réservation (avec un maximum de 12 heures). L’utilisateur dispose de 30 minutes pour prendre possession du véhicule, qu’il déverrouille avec l’application. Chaque heure entamée sera facturée. Il est également possible de réserver une voiture en mode ‘Plan’ et de la garder une demi-journée, à 27 jours maximum. Le tarif est de 6 € à 9 € de l’heure et de 45 € à 75 € la journée, selon le type de voiture empruntée. Le forfait inclut 150 kilomètres que l’utilisateur est libre de parcourir ou non. Chaque kilomètre au-delà du forfait est facturé 19 cents.
Les petites rayures ou impacts mineurs sont tolérés et signalés au moyen d’un état des lieux transmis sur le portable de l’utilisateur avant chaque prise en charge du véhicule. Comme pour un contrat classique de location de voiture, l’état du véhicule est vérifié, puis validé numériquement. Avec cette méthode, impossible de faire les frais d’un accrochage plus sérieux survenu avant vous. Si un client omet de déclarer une collision, le prochain utilisateur sera amené à conclure de sa responsabilité par déduction et à la signaler sur Oply. Mais ces cas sont extrêmement rares et les personnes sont généralement respectueuses des véhicules.
Qui sont vos concurrents et comment vous déployez-vous à l’international ?
« Nous concurrençons surtout la voiture personnelle et nous ciblons les résidents urbains et la clientèle d’affaires des grandes villes. Nous couvrons à la fois le marché des sociétés d’autopartage et celui de a
location de véhicules traditionnelle, mais nous offrons une expérience utilisateur unique et agréable : pas de guichet, pas de file d’attente, pas de remise de clefs, ni de documents à remplir.
ExaMotive emploie 15 personnes au Luxembourg et 20 autres en Allemagne. Nous venons d’acquérir une société d’autopartage au Royaume Uni, où nous avons une trentaine de personnes et un parc automobile de quelque 600 voitures, réparties dans une quarantaine de villes.
L’Allemagne est le marché de l’auto-partage le plus grand et le plus mûr d’Europe. ExaMotive a lancé Oply à Munich en mars 2018 et le parc initial de 100 voitures a dû être rapidement agrandi après un succès immédiat. L’aventure a continué à Hambourg en octobre 2018, puis à Berlin, où une équipe de 20 personnes est en place avec pour mission de gérer l’ensemble des opérations en Allemagne. Aujourd’hui, nous avons plus de 500 véhicules dans ce pays. La personne en charge du marché allemand vient de Car2go, une filiale de Daimler spécialisée dans les services de carsharing. La force denotre société tient à une parfaite connaissance du marché de l’autopartage combinée à une dimension nationale et internationale. ExaMotive sous-traite l’assurance et l’entretien de son parc automobile avec des partenaires locaux, pour être plus flexible dans son parcours de croissance.
Pourquoi avoir choisi de vous implanter au Luxembourg si ExaMotive ne propose pas Oply au Grand-Duché ?
« Italien d’origine, je suis de nationalité luxembourgeoise et j’ai grandi dans ce pays. Le Luxembourg est très cosmopolite et c’est un environnement idéal pour constituer une équipe internationale. Notre solution est adaptée aux villes de taille moyenne ou grande et le marché luxembourgeois de l’autopartage est trop petit pour être intéressant, mais le siège de la société restera ici. ExaMotive est un acteur très actif au Luxembourg : nous y gérons la technologie, mais aussi toute la recherche et le développement. Notre objectif est d’être multimarchés, et le fait de ne pas avoir de flotte automobile au Luxembourg nous aide à ne pas nous focaliser sur un seul pays. L’équipe du Luxembourg compte actuellement sept nationalités. Nous avons également plus de neutralité commerciale quand nous prospectons un nouveau marché en tant que société étrangère.
Avez-vous reçu des aides ou conclu des partenariats ?
« La société est membre du Luxembourg Automobility Cluster, géré par Luxinnovation, l’agence nationale de l’innovation. Consciente de nos ambitions et de nos besoins en capitaux, Luxinnovation a présenté ExaMotive au géant chinois SAIC, septième constructeur automobile mondial. En 2016, il employait près de 150.000 salariés à travers le monde et affichait 98 milliards d’euros de chiffre d’affaires, avec près de 6,5 millions de véhicules vendus. Ce groupe, dont la représentation uropéenne est basée au Grand-Duché, souhaitait investir dans la mobilité intelligente. En 2017, SAIC a investi 25 millions d’euros dans ExaMotive, ce qui est exceptionnel pour un premier tour de financement.
ExaMotive collabore également avec l’Institut luxembourgeois des sciences et technologies (LIST) et le SnT (Interdisciplinary Centre for Security, Reliability and Trust), le centre de recherche de l’Université du Luxembourg dédié aux technologies de l’information et de la communication. À ce titre, nous sommes impliqués avec le LIST et différents acteurs dans plusieurs projets, dont Horizon 2020, un grand projet européen qui étudie l’impact de la conduite connectée et autonome. Notre objectif est de continuer à faire partie d’une communauté impliquée dans la recherche et l’élaboration des solutions de mobilité de demain.
Nous avons également entamé des démarches auprès du ministère de l’Économie et des aides étatiques ont été validées. Pour toutes ces démarches, nous avons engagé un ingénieur dédié à l’innovation et aux partenariats pour l’accès aux fonds publics. Il est issu du domaine académique et est affecté à temps plein à ce poste qui demande beaucoup de temps et d’énergie.
Quel est votre meilleur souvenir professionnel et où voyez-vous ExaMotive dans quelques années ?
« De 2000 à 2011, j’étais investisseur auprès de Mangrove Capital Partners. En 2003, je faisais partie de l’équipe des premiers investisseurs de Skype. Nous avons eu l’audace de croire en eux et d’être visionnaires. En 2005, Skype est devenu un succès planétaire et a été vendu à eBay pour 4,1 milliards de dollars. Cette expérience exceptionnelle m’a ouvert l’appétit pour tenter la même chose, mais de l’autre côté de la table ! Aujourd’hui, notre croissance s’établit au-delà des prévisions. Notre vision est de devenir la solution de mobilité urbaine leader en Europe et de pouvoir, à terme, implémenter notre solution aux États-Unis et en Asie. SAIC nous a fait confiance et a investi 25 millions d’euros.
Avez-vous un message à faire passer aux personnes qui veulent se lancer dans une aventure « startup » ?
« Le plus important est d’y croire et d’oser. Je reste persuadé qu’il y a plus d’argent que de projets éligibles, mais il faut construire le bon projet avec les bonnes personnes. Une douzaine d’ingénieurs aux profils très pointus ont contribué à faire décoller ExaMotive. Nous avons la méthodologie, les compétences et les outils de service client. C’est très valorisant pour nos équipes et j’espère que nous emboîterons bientôt le pas à Skype ! »
Texte : Marie-Hélène Trouillez - Photos : Matthieu Freund