Projet de loi sur le recours collectif : copie à revoir !

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Avis commun de la Chambre de Commerce et de la Chambre des Métiers

La Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers viennent d’émettre un avis commun sur le projet de loi portant introduction d’un recours collectif ouvert aux consommateurs, un mécanisme jusqu’alors inconnu en droit de la consommation luxembourgeois. Si les chambres professionnelles ne s’opposent pas à l’objectif du projet de loi, qui est la défense des consommateurs, elles ne peuvent l’approuver en l’état. En effet, plusieurs dispositions, dont celles définissant le champ d’application de la future loi ainsi que les personnes habilitées à y avoir recours ou encore certains aspects du déroulement projeté de la procédure, sont de nature à faire peser un risque trop important sur les acteurs économiques ou à complexifier inutilement les futures procédures découlant de la mise en application de la nouvelle loi.

Le projet de loi n°7650 portant introduction d’un recours collectif en droit de la consommation envisage d’introduire un mécanisme de recours collectif ouvert aux consommateurs. Celui.ci comporterait trois phases : d’abord un jugement sur la recevabilité du recours, puis un possible règlement extrajudiciaire du litige collectif, et, à défaut d’accord entre les parties à l’issue de cette phase, un jugement statuant sur la responsabilité du professionnel. Si la Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers ne s’opposent pas à l’objectif du projet de loi, la défense des consommateurs, elles en critiquent fermement plusieurs dispositions.

Les chambres professionnelles regrettent également que le projet de loi ne limite pas les demandes à certains types de dommages, mais entend au contraire couvrir tous les types de dommages individuels réparables, tant matériels, que moraux et corporels. L’introduction des préjudices moraux et corporels, par essence inadaptés au mécanisme du recours collectif en raison de leur caractère individuel, ne rencontre pas l’approbation des chambres professionnelles, en raison notamment de l’allongement et de la complexification des procédures que cela impliquerait. Elles insistent par conséquent pour que seuls les dommages matériels subis par les consommateurs soient indemnisables dans le cadre d’un recours collectif.

Ne pas ternir abusivement la réputation des professionnels

Dans le cadre de la procédure instaurée par le projet de loi, les chambres professionnelles constatent également que le jugement sur la recevabilité du recours, intervenant à la fin de la première étape de la procédure, sera soumis à publication. Elles s’opposent vigoureusement à toute publication de ce jugement sur la recevabilité du recours et insistent pour qu’aucune publication ne soit ordonnée avant que le principe même de la responsabilité du professionnel ne soit constaté par une décision de justice devenue définitive, ceci afin de préserver la réputation des professionnels visés par un tel recours.

Pour un recours en toute conscience et par des représentants habilités

Les chambres professionnelles sont encore défavorables à l’introduction du système de « l’opt-out » pour la constitution du groupe de consommateurs concernés par le recours collectif alors que seul le système de l'« opt in » permet à leurs yeux de garantir qu'aucun justiciable ne soit engagé contre sa volonté ou sans le savoir dans une action en justice, et d’assurer le respect des droits de la défense en permettant au professionnel de connaître l'ensemble des plaignants et ainsi de construire sa défense en conséquence.

Par conséquent, les chambres professionnelles estiment que seul le système de l'« opt in » devrait être prévu pour la constitution du groupe de consommateurs concernés par le recours collectif dans le cadre du projet de loi.

Le projet de loi prévoit de permettre au consommateur ou à « toute association sans but lucratif régulièrement constituée dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte » d’initier la procédure de recours collectif et d’être représentant du groupe, sans imposer à ceux-ci de critères stricts en termes de représentativité, de ressources et de compétences. Cette disposition suscite l’inquiétude des chambres professionnelles en raison des risques d’abus et de procédures introduites intempestivement qu’elles font courir aux entreprises visées par une plainte. Les chambres professionnelles demandent donc que seule une association agréée au sens de l’article L. 313-1, paragraphe 1 du Code de la consommation ou une entité régulatrice sectorielle instituée puisse introduire un recours collectif.

L’urgence n’est pas de mise

Les chambres professionnelles rappellent par ailleurs l’adoption récente de la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs, qu’il conviendra de transposer dans notre droit national avant le 25 décembre 2022. Elles insistent donc fortement pour que l’adoption du projet de loi n°7650 et la transposition de la Directive 2020/1828 se fassent concomitamment. Il ne ferait en effet aucun sens d’adopter le projet de loi sous avis dans l’urgence, tout en sachant que celui-ci devra être modifié quelques mois après son entrée en vigueur dans le cadre de la transposition de la directive européenne 2020/1828.

En conséquence de ces nombreuses réserves, les chambres professionnelles suivront avec une attention toute particulière les développements relatifs à ce projet de loi susceptible d’impacter négativement un nombre important d’acteurs économiques luxembourgeois dans un contexte économique d’ores et déjà difficile.

Le texte intégral de l’avis de la Chambre de Commerce et de la Chambre des Métiers peut être consulté ici.