« Douzièmes provisoires »
Le 17 décembre 2013 a été voté le projet de loi n°6630, déposé le 18 novembre, qui met à disposition du gouvernement les crédits nécessaires afin d’assurer le bon fonctionnement de l’Etat entre le 1er janvier et le 30 avril 2014, et qui l’autorise à recouvrer les impôts directs et indirects existant au 31 décembre 2013. La Chambre de Commerce déplore le fait de ne pas avoir été saisie pour avis de ce projet de loi, alors que la loi organique du 26 octobre 2010 de l’établissement public prévoit dans son article 2 que son avis doit être demandé au sujet du projet de loi budgétaire et sur les nouvelles allocations proposées par l’Etat pour l’exercice suivant. La Chambre de Commerce tient à rappeler certains messages fondamentaux en matière de politique budgétaire et restera attentive au projet de budget 2014 qui sera déposé en février par le nouveau gouvernement. En attendant, elle salue l’annonce faite par le Gouvernement de poursuivre en matière de finances publiques « l’objectif de faire mieux avec moins de moyens » et la volonté d’ériger des glissières de sécurité par l’instauration d’un plafond d’endettement à 30% du PIB et l’atteinte d’un solde structurel excédentaire de 0,5% d’ici la fin de la législature.
L’économie luxembourgeoise est confrontée à une panne de croissance et une dérive de ses finances publiques qui appellent à des réformes d’ampleur et des efforts partagés. 2012 aura ainsi été la troisième année de recul du PIB depuis la crise[1], et le PIB du Luxembourg reste encore en dessous de son niveau de 2007. Le rattrapage n’aura probablement lieu que fin 2013 et il existe donc un trou d’air en termes de croissance de l’ordre de 20% par rapport aux projections de croissance pré-crise.
S’agissant des finances publiques, si le Luxembourg, dont la dette publique est encore en dessous des 30% du PIB (mais s’en approche rapidement), est dans une situation bien plus favorable que de nombreux pays européens, il n’en demeure pas moins que ses finances publiques s’enfoncent dans le rouge. Ainsi, selon une récente analyse de la Commission européenne[2], à politiques inchangées, le Luxembourg ne respecterait pas le critère préventif du pacte de stabilité et de croissance et dévierait significativement de son objectif budgétaire à moyen terme (OMT) en 2014. Avec un solde structurel de -0,4% pour un OMT fixé à +0,5% du PIB, le Luxembourg s’écarterait ainsi de 1% du solde cible. Sans mesures à la hauteur, la note souveraine du Grand-duché (AAA), sous perspective négative chez une agence de notation et à perspective stable chez une autre, pourrait être dégradée.
Dans un tel contexte (croissance atone, risque de dérapage budgétaire), le budget revêt un caractère éminemment important. Hélas, le projet de loi n°6630 ne permet pas de relever les défis en termes de croissance et de correction de déficits budgétaires du pays, du fait de son caractère exceptionnel. Il déroge au principe d’annualité budgétaire qui suppose qu’un exercice budgétaire commence le 1er janvier et termine le 31 décembre la même année[3] et a pour objet :
- d’ouvrir des crédits provisoires pour les 4 premiers mois de l’année 2014 ;
- d’autoriser la perception des impôts directs et indirects existant au 31.12.2013 ;
- de proroger certaines dispositions de la loi budgétaire de l’exercice 2013.
En effet, en raison des élections anticipées du 20 octobre dernier, la Chambre des députés n’a pu être saisie du projet de budget pour l’année 2014 ; le projet de loi susmentionné, qui revêt un caractère éminemment technique, ne vise donc qu’à assurer les conditions de fonctionnement des services publics au-delà de l’année budgétaire en cours et pour la période allant de janvier à avril 2014. En conséquence, les crédits budgétaires (douzièmes provisoires) qu’il autorise ne couvrent que les 4 premiers mois de l’année. Ils s’épuiseront au moment du vote du projet de budget pour l’exercice 2014 et ne sont en réalité (sauf quelques rares exceptions) qu’une transposition à 4/12[4] des dépenses de 2013 (ajustées à l’inflation). Les dépenses présentées dans ce projet de loi se basent sur le dernier budget voté (2013) pour fixer le montant maximum des dépenses pouvant être engagées par l’Etat, tandis que les recettes sont des estimations basées sur les lois fiscales en vigueur au 31 décembre 2013.
Dès lors, il n’est pas possible de tirer des conclusions d’ordre économique concernant ce projet de budget, qui fait suite à une situation inédite et dont l’objectif est simplement d’assurer la continuité du fonctionnement de l’Etat. Il ne fera en conséquence pas l’objet d’une analyse approfondie de la Chambre de Commerce.
Si la Chambre de Commerce se félicite de l’annonce faite par le Gouvernement de poursuivre en matière de finances publiques « l’objectif de faire mieux avec moins de moyens » et la volonté d’ériger des glissières de sécurité (plafond d’endettement à 30% du PIB et atteinte d’un solde structurel excédentaire de 0,5% d’ici la fin de la législature), elle rappelle que, du fait du triple choc que devra absorber l’économie luxembourgeoise en 2015 (échange automatique, hausse de la TVA, perte de TVA en provenance du commerce électronique), les finances publiques risquent fort, à politiques inchangées, de se dégrader. Les prochaines dispositions budgétaires devront intégrer cette triple contrainte et prendre des mesures structurelles afin d’éviter la dérive budgétaire qui menace. La Chambre de Commerce souligne, en lien avec ce triple choc, la nécessité notamment de :
- neutraliser les effets négatifs en termes d’inflation de la hausse à venir de la TVA. Le chantier de la désindexation générale de l’économie devra être ouvert et plus qu’étudié comme le souligne le programme gouvernemental.
- engager une stratégie de redressement des finances publiques basée sur une réduction des dépenses. Les pertes de recettes en provenance du commerce électronique démontrent que certaines de nos niches de souveraineté sont menacées et que nos recettes publiques risquent dans les années à venir d’être sous pression. Les mesures structurelles[5] des paquets de consolidation de 2010 et 2012 ont porté à près de 90% sur des hausses d’impôts. Alors que chez nos voisins, la tendance est plutôt à la baisse des prélèvements obligatoires, il serait particulièrement néfaste pour la compétitivité du site luxembourgeois de continuer de miser sur des hausses d’impôts pour rétablir les comptes. Pour empêcher l’envolée de la dette publique, se conformer à notre objectif budgétaire à moyen terme et sortir du radar des agences de notation, il faudra concentrer les efforts sur la dépense publique. Ainsi, comme l’économie dans son ensemble, les Administrations publiques devront dégager des gains de productivité et être moins dispendieuses.
- capitaliser en termes d’image, dans une démarche de nation-branding, sur l’échange automatique qui entrera en vigueur au 1-1-2015 et attirer de nouvelles activités sur la place financière, afin de pallier les pertes (emploi, recettes) pouvant résulter de ce nouveau régime.
[1] après 2008 et 2009.
[2] voir : Analyse du projet de plan budgétaire du Luxembourg (novembre 2013).
[3] article 7 de la loi du 8 juin 1999 sur le budget.
[4] représentant 4 mois sur 12.
[5] Il s’agit de mesures dont les effets persistent dans le temps, contrairement aux mesures ponctuelles dont les effets ne sont pas récurrents.
En attendant, elle salue l’annonce faite par le Gouvernement de poursuivre en matière de finances publiques « l’objectif de faire mieux avec moins de moyens » et la volonté d’ériger des glissières de sécurité par l’instauration d’un plafond d’endettement à 30% du PIB et l’atteinte d’un solde structurel excédentaire de 0,5% d’ici la fin de la législature.