LuxConnect - Places fortes du monde numérique

Success stories
Paul Konsbruck, CEO, LuxConnect

Dans un monde qui se digitalise à grands pas et dans lequel les entreprises révisent leurs process pour les rendre plus efficaces grâce à davantage de tâches numérisées, le stockage et le transfert sécurisé de données de plus en plus nombreuses nécessitent des infrastructures de pointe. Née en 2006 sous l’égide de l’État luxembourgeois, LuxConnect participe à l'amélioration de la connectivité et de la disponibilité des données par le biais d'infrastructures et de services sécurisés à même de garantir aux acteurs économiques du pays la disponibilité ininterrompue de leurs précieuses données. Paul Konsbruck, arrivé en octobre 2021 à la tête de l’entreprise, nous explique les enjeux de cette «industrie», pilier de l’économie d’aujourd’hui et de demain.

En 2021, vous êtes arrivé à la tête de LuxConnect après un parcours assez varié passant notamment par le journalisme et le ministère d’État. Avezvous rejoint le domaine de la connectivité par passion?

Oui, absolument et surtout j’ai eu un coup de cœur particulier pour LuxConnect, une entreprise que j’ai connue grâce à mon rôle précédent et que j’ai suivie de près. Il est vrai que mon parcours est atypique dans le secteur. J’ai fait des études de littérature qui m’ont mené à une première carrière de journaliste puis de rédacteur en chef. Cette expérience m’a ensuite mené au ministère d’État où j’ai d’abord été responsable de la Communication du Premier ministre Xavier Bettel, avant de devenir son directeur de cabinet. À ce poste, je jouissais d’une vue à 360 degrés sur les thématiques importantes du pays. J’ai toujours été passionné par les nouvelles technologies et à partir de ce moment-là, j’ai pu mesurer davantage leur importance capitale pour l’avenir du Luxembourg. En effet, une grande partie de la diversification économique du pays va se jouer sur notre capacité à embrasser les nouvelles technologies.

Qu'apporte ce parcours à votre fonction actuelle?

Il me permet de connaître les entreprises, les institutions, les incubateurs qui travaillent à l’émergence d’une véritable digital nation et d’avoir une bonne connaissance des autres piliers de l’économie du pays et de ses institutions. Il est primordial d’avoir une bonne perception d’ensemble des besoins des acteurs de l’économie luxembourgeoise et de pouvoir anticiper les évolutions du secteur. En 2006, quand LuxConnect a démarré son activité, l’un des objectifs prioritaires était de fournir les infrastructures nécessaires aux grands acteurs étrangers qui installaient leur siège européen au Luxembourg, comme Amazon ou Skype. Aujourd’hui, la demande vient de partout dans le monde, d’entreprises de toutes tailles et s’accompagne de besoins spécifiques comme la souveraineté des données. La période Covid et la digitalisation à marche forcée qui s'est ensuivie, a en effet accéléré la prise de conscience sur la nécessité de sécuriser les données. Les guerres récentes ont encore renforcé ce phénomène. C’est pour relever ce grand défi que nous avons créé fin 2023, avec Proximus, une nouvelle société baptisée Clarence, qui développe le premier cloud entièrement souverain du Luxembourg. Cette solution offre une plateforme cloud déconnectée, fondée sur la technologie Google, mais hébergée par LuxConnect au Luxembourg et opérée par Proximus localement. Il s’agit d’une véritable innovation, puisque pour la première fois, nous proposons une technologie cloud sous juridiction européenne. Cela permettra aux entreprises et institutions traitant des données personnelles et hautement confidentielles de bénéficier d’un accès privé et souverain à une plateforme permettant notamment le traitement de ces données par des outils d’intelligence artificielle.

Comment résumeriez-vous l’activité de LuxConnect aujourd’hui ?

Nous sommes un facilitateur d’activité. Notre mission s’inscrit dans l’intérêt général du pays. Nous enrichissons l’offre dans le domaine des nouvelles technologies qui concerne tous les secteurs économiques et tous les individus. Nos infrastructures, que ce soient nos data centres, notre réseau de fibre, la puissance de calcul du super ordinateur Meluxina qui fait aussi partie de notre offre sous l’enseigne LuxProvide ou encore notre nouvelle solution de cloud souverain soutiennent le développement du marché. Nous garantissons la disponibilité sans faille de ces ressources à des clients très diversifiés, PME, cabinets d’avocats, clients institutionnels, secteur public, grandes organisations internationales… Notre argument de vente le plus précieux est la confiance et le fait que l’État luxembourgeois soit notre actionnaire est un élément important pour une bonne partie de nos clients.

Comment voyez-vous l’articulation de votre activité avec le dispositif de cybersécurité du pays?

Nous sommes principalement un opérateur d’infrastructures hautement sécurisées. Nous ne sommes donc responsables que de la protection contre les vulnérabilités physiques, qu’il s’agisse d’intrusion, inondation, incendie, etc. Les serveurs que nous hébergeons sont protégés de tout ce qui pourrait les endommager physiquement et donc, mettre en péril leur utilisation. En revanche, tout ce qui concerne la protection contre des attaques virtuelles n’est pas de notre ressort. Pour cela, nous collaborons avec des partenaires dont c’est le cœur de métier et qui utilisent nos infrastructures pour pouvoir travailler. Ces partenaires offrent toutes sortes de services IT dont les prestations de cybersécurité. Notre offre de cloud souverain est aussi une réponse aux cyberattaques puisqu’il est totalement hermétique aux contacts avec l’extérieur d’où peuvent émerger de telles menaces.

Votre offre est-elle adaptée aux PME-TPE?

De plus en plus d’entreprises digitalisent leurs activités, mais ne disposent pas d’un espace interne de stockage de données suffisamment sécurisé. Notre gamme d’offres propose également des forfaits très accessibles dans des espaces partagés avec plusieurs clients, où chacun n’a accès qu’à sa propre armoire sécurisée. Le loyer tient compte de la surface occupée au sol, de la puissance énergétique mise à disposition ainsi que de la consommation d’énergie, mais aussi des frais de réseau, et de l’ensemble des charges de fonctionnement du bâtiment dont le gardiennage permanent: autant de charges qui sont mutualisées avec l’ensemble des occupants de cet espace partagé. Le coût de l’énergie est un vrai défi, pas seulement pour nous mais pour toute l’industrie IT. Et cela va s’accentuer avec le développement de l’intelligence artificielle, phénomène encore relativement récent, qui utilise des algorithmes très gourmands en énergie. Pour le moment, nous n’avons pas répercuté la hausse des prix sur nos clients car nous achetons notre énergie en avance et sommes donc impactés de manière décalée et surtout parce que nous souhaitons rester compétitifs, notamment vis-à-vis de notre clientèle internationale.

Parlez-nous de la dimension «Sustainability» de votre entreprise, dans le contexte de cette activité énergivore.

Contrairement aux idées reçues, notre activité n’a pas un impact environnemental énorme. Par exemple, nous consommons très peu d’eau car nous fonctionnons en circuit fermé. Notre activité est silencieuse et ne crée donc pas de nuisances sonores pour les riverains. Nous sommes une industrie «propre», qui ne crée pas de déchets ni ne rejette de particules dans l’air. Ce qui reste problématique est effectivement la consommation d’énergie, notamment pour le refroidissement des espaces serveurs. Mais heureusement, le matériel évolue. Autrefois, il fallait maintenir les espaces à une température d’environ 15 degrés, ce qui posait un vrai défi, surtout dans un contexte de réchauffement climatique. Le matériel d’aujourd’hui est plus résilient et les normes nous permettent des températures allant jusqu’à 23 degrés et plus. Cela a énormément diminué les besoins en refroidissement et cette tendance devrait se poursuivre avec l’évolution technologique continue. Il n’en reste pas moins qu’il faut contenir notre consommation d’énergie. Pour cela, nous mettons en place tout ce qui est possible: des panneaux photovoltaïques sur les grandes surfaces de nos toitures ; l’achat d’une énergie 100% verte; la compensation des émissions résiduelles par le financement de projets verts partout dans le monde… L’ensemble de ces actions nous permet d’être plus que neutres. Notre data centre de Bissen est labellisé Green. Il a une toiture végétalisée, mise en place dans le souci de favoriser la biodiversité et nous avons signé un accord avec la société Kiowatt, située en face de notre site, pour que la chaleur émise par notre data centre soit utilisée dans le processus de séchage de leurs pellets de bois. Au-delà des besoins en refroidissement, il faut être conscient que ce n’est pas le data centre en lui-même qui est très consommateur d’énergie mais l’utilisation toujours croissante qui est faite des outils digitaux, à commencer par nos téléphones. Les data centres sont pointés du doigt car ils concentrent cette activité numérique mais ils n’en sont pas à l’origine. Chacun a sa part de responsabilité dans l’utilisation du numérique, et nous, nous contribuons à diminuer l’empreinte carbone de nos clients par notre gestion énergétique efficiente, mais également en les encourageant à investir dans des solutions optimisées en matière de refroidissement – comme les cold aisle (allées froides, ndlr), retenant le froid dans un espace plus restreint.

Quelle est la principale différence entre un data centre TIER IV et les autres?

La principale différence est la redondance. Les données sont en effet répliquées sur des serveurs situés dans une zone complètement différente, supportés par des infrastructures techniques qui leur sont propres, ce qui fait qu’elles restent accessibles même si un incident survient dans l’une des deux zones. Cela garantit la continuité de l’activité de nos clients. Je tiens à préciser qu’en 16 ans d’existence, LuxConnect n’a pas connu une seule seconde de panne dans aucun de ses centres. Le choix d’un TIER IV est fait par les structures qui ne peuvent se permettre aucune interruption de leurs services, par exemple la Bourse, le secteur financier, des acteurs publics… La demande pour ce degré de sécurité est croissante et le Luxembourg est champion d’Europe en ce qui concerne l’offre TIER IV. Nous conseillons les clients pour qu’ils puissent faire un choix éclairé. Bien sûr, le prix entre en ligne de compte car la norme TIER IV est plus chère. Nos clients peuvent toutefois faire le choix d’une infrastructure TIER II, par exemple, tout en bénéficiant quand même du contrôle d’accès ultrasécurisé 24 h/24 et 7 j/7.

Dans quelle direction investissez-vous? Innovez-vous ?

Avec le projet Clarence, nous venons d’investir dans la souveraineté, pour des clients locaux et internationaux. Ensuite, nous développerons nos infrastructures car les besoins ne peuvent que croître énormément avec le développement de l’IA et nous souhaitons soutenir la volonté nationale de compétitivité au niveau du développement des nouvelles technologies. Il est toutefois difficile d’anticiper précisément le volume des futurs besoins et la vitesse de leur évolution. Déjà maintenant, les infrastructures à l’échelle du pays sont légèrement sous-dimensionnées. Nous devons donc aller très vite tout en respectant une réglementation nécessaire mais parfois un peu lourde, dès qu’il s’agit de construire un nouveau bâtiment. Il faut commencer par trouver un terrain, parfois le reclasser, puis affronter les parcours d’autorisation jalonnés de multiples intervenants. Mais je suis confiant, il y a encore des endroits disponibles et donc du potentiel de développement.

Qui sont vos concurrents?

La concurrence dans notre domaine d’activité vient des autres pays. Amsterdam et Francfort, par exemple, sont connues pour leurs offres en data centres. Les clients comparent les temps de latence (en informatique, délai entre l'envoi d’une requête sur un réseau et la réponse correspondante, ndlr). C’est pourquoi la position centrale du Luxembourg en Europe est un vrai atout. Ainsi que la réglementation européenne, qui est l’une des plus protectrices dans le monde pour les données. Avec ces arguments, nous attirons des clients du monde entier.

Avez-vous du mal à attirer les profils dont vous avez besoin pour votre développement?

Je vais vous surprendre mais la réponse est non. La majeure partie de nos besoins concerne des profils d’ingénieurs et de techniciens informaticiens, plus bien entendu des fonctions support de type finance, comptabilité, etc. Nous n’avons aucun mal à les trouver. Nous avons la chance d’être perçus comme attractifs pour plusieurs raisons. D’abord, notre activité est dynamique et passionnante, et promet le développement de nombreux projets. Ensuite, le fait que le site de Bettembourg soit proche de la frontière sud est très pratique pour les employés frontaliers français. Par ailleurs, le Luxembourg est encore très attractif pour des expatriés venant de plus loin, du fait de sa sûreté, sa qualité de vie, ses écoles internationales… Et les prix de l’immobilier ne sont pas un vrai frein pour une population qui vient de grandes métropoles étrangères où les prix sont aussi très élevés. Autre atout, nous avons mis en place une structure hiérarchique aplatie avec le mantra: «People make the difference». Nous donnons de la latitude aux équipes pour prendre des décisions. Chacun est responsabilisé sur ses projets. Nous sommes flexibles par rapport aux heures de travail et au télétravail. Le seul impératif est la satisfaction de nos clients. Le résultat de tout cela est un fort niveau d’engagement et de motivation.

Où en sont vos capacités ? Quels sont vos prochains développements?

Nous avons encore suffisamment de capacité pour faire face à la demande à court terme. Un bâtiment entier de Bettembourg est encore disponible. Mais à moyen terme, nous devrons nous agrandir. Nous allons notamment construire un bâtiment administratif sur un terrain qui jouxte le data centre de Bettembourg, pour nos propres équipes mais aussi pour celles de nos clients car ils sont de plus en plus nombreux à vouloir travailler sur place. Le développement continu est dans notre ADN. Depuis nos débuts à Bettembourg, nous avons déjà connu trois agrandissements, nous avons ouvert un second site à Bissen, nous avons créé LuxProvide pour héberger le super calculateur Meluxina, nous venons de lancer notre cloud souverain… Nous voulons continuer sur cette lancée. Les infrastructures de pointe, complétées par un cadre légal attractif, maintiennent l’avantage concurrentiel du Luxembourg.

Plus d'informations: https://www.luxconnect.lu/

TEXTE Catherine Moisy - PHOTOS Schmitt-GlobalView (01 et 04) et Emmanuel Claude / Focalize

01. Le site de Bettembourg rassemble le siège de la société et 3 data centres. Le terrain adjacent va bientôt accueillir un nouveau bâtiment administratif.
02. Le contrôle des accès se fait par de multiples équipements de haute sécurité : reconnaissance biométrique, caméras de surveillance.
03. Le contrôle des accès se fait par de multiples équipements de haute sécurité : reconnaissance biométrique, caméras de surveillance.
04. Le site de Bissen est labellisé Green data centre. Il est équipé d’une toiture végétalisée qui accueillera prochainement des panneaux photovoltaïques.
05. Le data centre de Bettembourg propose des espaces partagés aux entreprises qui n’ont besoin que d’une armoire ou deux. Ainsi, une partie des charges est mutualisée.
06. Les salles techniques permettant le refroidissement des salles informatiques jouent un rôle primordial dans le bon fonctionnement du data centre. (On observe ici un collecteur principal de circuit de refroidissement)
07. LuxConnect met des salles, des cages ou des racks à disposition de ses clients qui sont ensuite responsables de les équiper de leur propre matériel informatique.
08. LuxConnect dispose d’un parc de batteries électriques chargées de prendre le relais en cas de coupure du réseau, le temps de permettre aux génératrices de secours de se mettre en route.