Affaires Juridiques

La Chambre de Commerce annonce la publication de la nouvelle loi tant attendue du 17 avril 2018 relative au régime fiscal de la propriété intellectuelle[1] (ci-après la « Loi IP ») applicable dès l’année fiscale 2018. Ladite loi introduit de nouvelles dispositions concernant le régime fiscal relatif aux revenus issus de certains droits de propriété intellectuelle afin de combler le vide juridique laissé par l’abrogation de l’article 50bis de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (ci-après la « LIR ») avec effet au 1er juillet 2016.

La Chambre de Commerce salue dans son ensemble la Loi IP en ce qu’elle établit un nouveau régime fiscal incitatif pour la propriété intellectuelle sur base de l’« approche nexus » conformément aux recommandations contenues dans le Rapport final de l’Action 5 du Plan d’action sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (ci-après le « BEPS »).

La nouvelle Loi IP apporte de nombreux changements au régime fiscal de la propriété intellectuelle qui méritent d’être relevés.

Tout d’abord, alors que l’article 50bis LIR ne prévoyait pas de tel critère, l’article 50ter LIR introduit par la Loi IP consacre l’« approche nexus ». Cette nouvelle approche a été fixée dans l’Action 5 du plan BEPS qui traite des pratiques fiscales dommageables et qui exige spécifiquement l’existence d’une activité substantielle pour tout régime fiscal préférentiel dont celui relatif à la propriété intellectuelle afin d’assurer que les bénéfices imposables ne puissent plus être artificiellement transférés des pays où a lieu la création de valeur.

Selon cette approche, il convient d’examiner si le régime de la propriété intellectuelle fait dépendre ses avantages de l’importance des activités de recherche et développement des contribuables qui en bénéficient. En effet, l’« approche nexus » permet d’accorder des avantages au revenu provenant de la propriété intellectuelle et ce pourvu qu’il existe un lien direct entre le revenu bénéficiant d’avantages et les dépenses contribuant à ce revenu. Les dépenses servent donc d’indicateur approximatif des activités substantielles.

Ensuite, l’article 50ter LIR introduit par la Loi IP désigne comme actifs éligibles au régime préférentiel de la propriété intellectuelle les brevets au sens large ainsi que les logiciels informatiques protégés par le droit d’auteur. Il en ressort que seront désormais exclus de son champ d’application les marques, les dessins, les modèles et les noms de domaines qui étaient précédemment couverts par l’article 50bis LIR (l’article 50bis LIR est bien évidemment encore applicable à tous les actifs éligibles bénéficiant de la période transitoire se terminant le 30 juin 2021).

Par ailleurs, la Loi IP opte pour l’application du ratio du lien qui permet de déterminer le montant du revenu net pouvant bénéficier de l’exonération fiscale en matière de propriété intellectuelle. Pour ce faire, le revenu net éligible est multiplié par un rapport dont le numérateur est égal à la somme des dépenses éligibles engagées par le contribuable pour développer un actif éligible de propriété intellectuelle et où le dénominateur est égal à la somme des dépenses totales engagées par ce même contribuable en relation avec ledit actif éligible.

Il en ressort qu’un contribuable n’ayant pas acquis l’actif éligible de la propriété intellectuelle ou n’ayant pas externalisé le développement de cet actif à une partie liée obtiendrait alors un ratio de 100% et l’exonération s’appliquerait à la totalité de son revenu provenant de l’actif de la propriété intellectuelle. 

La Loi IP autorise les contribuables, conformément au Rapport final de l’Action 5 BEPS, à appliquer une majoration de 30% des dépenses comprises dans les dépenses éligibles pour autant que le montant majoré des dépenses éligibles n’excède pas la somme des dépenses totales encourues par le contribuable. L’objectif de cette majoration est d’assurer que l’« approche nexus » ne pénalise pas à l’excès les contribuables qui (i) engagent les coûts d’acquisition de la propriété intellectuelle ou (ii) effectuent des dépenses d’externalisation des activités de recherche et développement à des parties liées étant donné que ces dernières peuvent toutefois avoir largement contribué à la création de valeur dont est issu le revenu de la propriété intellectuelle[2].

Finalement, il est à noter que le taux d’exonération de 80% reste inchangé. Etant donné que le taux d’imposition nominal global des sociétés est de 26,01%[3], le taux effectif d’imposition serait d’environ 5,2% pour les revenus issus de la propriété intellectuelle et pouvant bénéficier de l’exonération.

Malgré les changements positifs qu’apporte la Loi IP, la Chambre de Commerce estime que plusieurs améliorations devraient y être apportées afin de la rendre plus compétitive, tout en respectant les exigences actuelles, et de développer et d'attirer des sociétés de haute technologie, des startups et également de soutenir les efforts des entreprises effectués dans le cadre de la recherche et du développement.

Ainsi, la Chambre de Commerce considère tout d’abord qu’il est indispensable d’inclure les actifs de la propriété intellectuelle issus d’activités innovantes entreprises par les PME dans le champ d’application des actifs éligibles, et ce d’autant plus que cette catégorie d’actifs est expressément prévue comme éligible par le Rapport final de l’Action 5 BEPS.

En outre, dans la situation actuelle qui entraine l’harmonisation des régimes en matière d’exonération de la propriété intellectuelle, il semble important, aux yeux de la Chambre de Commerce, d’augmenter le taux d’exonération de 80% à 90%.

Ensuite, étant donné que le Rapport final de l’Action 5 BEPS permet de qualifier les dépenses effectuées par un établissement stable étranger pour la détermination du ratio du lien en tant que revenus éligibles gagnés par son siège social sans égard quant à la localisation géographique de cet établissement stable, la Chambre de Commerce estime que les dépenses éligibles limitées actuellement à celles encourues par les établissements stables situés dans un état partie à l’Accord sur l’Espace Economique Européen, devraient être élargies aux dépenses encourues par tout établissement stable situé dans un pays avec lequel le Luxembourg a conclu une convention tendant à éviter les doubles impositions.

Dans le même ordre d’idée, la Chambre de Commerce considère que les activités de recherche et développement externalisées à des sociétés résidentes faisant partie d’une intégration fiscale avec la société qui exploite le droit de la propriété intellectuelle éligible devraient bénéficier du même traitement que les établissements stables, à savoir être pris en considération pour le calcul du ratio du lien.

La Chambre de Commerce attire encore l’attention de ses ressortissants sur le fait que les dispositions de la Loi IP sont applicables à partir de l’année d’imposition 2018.


[1] Loi du 17 avril 2018 portant modification de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en ce qui concerne le régime fiscal de la propriété intellectuelle, et modifiant la loi modifiée du 16 octobre 1934 concernant l’évaluation des biens et valeurs (« Bewertungsgesetz »).(Mém. A n° 254 du 19 avril 2018)

[2] Projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, Action 5 : Rapport final 2015, p. 30.

[3] Taux d’imposition nominal global des sociétés applicable à partir de 2018 et calculé avec l’impôt commercial communal en vigueur à Luxembourg-Ville.