Projet de loi portant réglementation des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprise, d’établissement ou de partie d’entreprise ou d’établissement. 2741AFR est intégré. (2721AFR)

30.10.2003

Avis & législation

Projet de loi portant réglementation des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprise, d’établissement ou de partie d’entreprise ou d’établissement. 2741AFR est intégré. (2721AFR)

Par ses lettres des 16 juin et 23 juillet 2003, Monsieur le Ministre du Travail et de l’Emploi a bien voulu saisir la Chambre de Commerce pour avis des amendements proposés au projet de loi émargé.

I. Observations générales

Les textes soumis à la Chambre de Commerce pour avis constituent des versions amendées et complétées en profondeur du projet de loi initial. La Chambre de Commerce regrette à ce titre de devoir constater que les articles modifiés et ajoutés lui notifiés par courrier du 16 juin 2003 ne soient ni commentés et ni motivés. Ces documents parlementaires pourraient en effet contribuer utilement à éclairer le projet de loi ainsi qu’à mettre en lumière son but. Il y a d’ailleurs lieu de préciser à cet égard que la version initiale du projet de loi ne comprenait déjà pas de commentaire des articles. Cette remarque ne vaut toutefois pas pour les amendements dûment motivés et commentés, notifiés à la Chambre de Commerce par courrier du 23 juillet 2003. La Chambre de Commerce relève qu’elle n’a pas été officiellement saisie du dernier amendement du projet de loi publié au n° 48969 du document parlementaire nonobstant ce fait la Chambre de Commerce donne tout de même son avis sur l’amendement en question.

La Chambre de Commerce tient à souligner que s’il est évident que la loi doit assurer la protection des intérêts des salariés transférés, cette protection ne saurait toutefois décourager les potentiels acquéreurs d’entreprises. Il ne faut pas perdre de vue qu’un transfert d’entreprise intervenant notamment dans le cadre d’une cessation de l’activité commerciale ou dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité affectant l’entreprise, sauvegardera tous ou du moins une partie des emplois en péril. Par ailleurs l’évolution économique entraîne nécessairement des changements au niveau des structures des entreprises sur le plan national, européen et international. La mise en place d’obstacles empêchant cette évolution économique, risque de laisser l’économie luxembourgeoise en marge des économies étrangères et notamment communautaires qui endéans les limites de la directive instituent des régimes plus favorables à ces évolutions. La Chambre de Commerce tient à cet égard à souligner que la mise en place de règles régissant le transfert d’entreprise dont le but essentiel est la protection des droits des travailleurs en négligeant les intérêts des potentiels repreneurs, risque à long terme, en décourageant l’initiative et l’investissement économique au Luxembourg, d’entraîner le résultat contraire au but recherché.

II. Commentaire des articles

Concernant l’article 3

La Chambre de Commerce constate avec regret que les auteurs du projet de loi maintiennent la responsabilité solidaire entre le cédant et le cessionnaire concernant les obligations venues à échéance avant la date du transfert et résultant des contrats de travail existant à cette date.

La Chambre de Commerce tient d’emblée à souligner qu’elle réitère les remarques qu’elle avait formulées dans son premier avis du 7 février 2003 relativement à la responsabilité solidaire du cédant et du cessionnaire concernant les obligations découlant pour l’employeur des contrats de travail existant à la date du transfert et venues à échéance à cette date.

La version initiale de l’article 3 (1) du projet de loi est complétée par la précision que le cédant sera tenu de rembourser les montants que le cessionnaire aura acquitté en sa qualité de caution solidaire.

La cession de contrat place le cessionnaire dans la situation qui était celle du cédant : Il recueille les droits que ce dernier avait et assume corrélativement les obligations du cédant ; effet qui ne se produira toutefois que pour l’avenir. Sauf convention contraire le cessionnaire n’a pas à supporter les impayés du cédant. La solidarité légale aura ainsi pour effet de placer le cessionnaire qui n’est pas partie prenante à l’opération dans la situation d’une caution solidaire.

La Chambre de Commerce relève à cet égard que l’obligation du cédant de rembourser les montants acquittés par le cessionnaire en sa qualité de caution solidaire constitue un principe général en matière de solidarité entre débiteurs et cautions, consacré par l’article 1216 du code civil. Le projet de loi n’apporte donc aucune garantie supplémentaire que le régime légal général établi par le code civil régissant la solidarité ne prévoirait déjà.

La version complétée de l’article 3 du projet de loi sous avis prévoit plus précisément que le cédant est tenu de rembourser les montants acquittés par le cessionnaire, sauf s’il a été tenu compte, le cas échéant et dans les hypothèses de transfert où une convention est possible, de la charge résultant de ces obligations dans une convention entre le cédant et le cessionnaire.

Cette disposition, qui est inspirée du droit français, a été adoptée sur proposition du Conseil d’Etat qui avait demandé justement avant de conclure que la responsabilité solidaire du cessionnaire pour les obligations venues à échéance avant le transfert pouvait s’avérer lourde de conséquence pour le repreneur, quelles étaient « concrètement les obligations visées par la responsabilité solidaire du cessionnaire, obligations pouvant par ailleurs remonter dans le temps et jusqu’à quand ? »

La version complétée de l’article 3, aux termes de laquelle le cédant est tenu de rembourser les montants acquittés par le cessionnaire, sauf s’il a été tenu compte, le cas échéant et dans les hypothèses de transfert où une convention est possible, de la charge résultant de ces obligations dans une convention entre le cédant et le cessionnaire, n’est toutefois pas de nature à répondre aux questions soulevées par le Conseil d’Etat. Il n’est en effet pas précisé quelles sont les obligations concrètement visées par la responsabilité solidaire du cessionnaire, ni d’ailleurs, jusqu’à quand la responsabilité solidaire du cessionnaire pourra remonter. La Chambre de Commerce est d’avis que la responsabilité solidaire du cessionnaire devra obligatoirement être limitée dans le temps, afin de ne pas décourager d’éventuels repreneurs. Elle rappelle à cet égard que l’action en paiement des rémunérations de toute nature, dues au salarié se prescrit par trois ans conformément à l’article 2277 du code civil, ce qui n’aura pas pour effet d’encourager des potentiels repreneurs.

La Chambre de Commerce estime d’ailleurs que la prise en charge des obligations dans la convention de transfert s’avérera difficile dans l’hypothèse où le cédant est notoirement insolvable et que l’entreprise transférée ne représente plus aucune valeur réelle. Il n’y aura alors pas de base de négociation possible.

Les auteurs du projet de loi ont par ailleurs inséré un quatrième alinéa à l’article 3 du projet de loi dont l’objet est de maintenir les droits acquis ou en cours de formation des affiliés ou des anciens affiliés à un régime complémentaire de pension y compris ceux ayant déjà quitté l’entreprise au moment du transfert. Cette disposition transpose l’article 3 paragraphe 4 (b) de la directive 98/50/CE du Conseil qui prévoit l’adoption par les Etats membres des mesures nécessaires pour protéger les droits acquis ou en cours de formation des affiliés ou des anciens affiliés à un régime complémentaire de pension y compris ceux ayant déjà quitté l’entreprise au moment du transfert. La substance de l’article 3 paragraphe 4 sous avis est d’ailleurs conforme à l’article 14 alinéa 1 de la loi du 8 juin1999 relative aux régimes complémentaires de pension.

Le dernier amendement au projet de loi, publié sous le numéro 48969 dans la série des documents parlementaires, a pour objet de compléter l’article 3 paragraphe 4 par un alinéa 2 qui dispose que si l’entreprise, l’établissement ou la partie d’entreprise ou d’établissement continue d’exister, les droits acquis des anciens affiliés restent chez le cédant, sauf si le cédant et le cessionnaire en conviennent autrement. Cette disposition reprend l’article 14 alinéa 2 de la loi du 8 juin 1999 précitée, relative aux régimes complémentaires de pension.

La substance de ces dispositions n’appelle pas d’observations particulières. La Chambre de Commerce partage toutefois les craintes du Conseil d’Etat « qui estime qu’il serait plus judicieux d’abandonner le paragraphe 4 de l’article 3 du projet de loi sous avis dans son intégralité. Ce paragraphe qui en dernière analyse n’ajoute rien au dispositif légal en vigueur risque effectivement de provoquer une certaine insécurité juridique en la matière. »

Concernant l’article 5

L’article 5 prévoit que les articles 3 et 4 s’appliqueront au transfert d’entreprise ou d’établissement lorsque le cédant fait l’objet d’une procédure de faillite ou d’une procédure d’insolvabilité analogue ouverte en vue de la liquidation des biens du cédant ou d’une procédure de gestion contrôlée, dans les conditions de l’article 30 de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail dans la teneur lui conférée par l’article 10 alinéa 2 du projet de loi. >P>La Chambre de Commerce tient à préciser que la teneur de l’article 30 n’est pas complétée par l’article 10 alinéa 2, mais par l’article 9 du projet de loi.

Les amendements portés au paragraphe 2 de l’article 5 n’appellent pas d’observations particulières de la Chambre de Commerce.

Concernant les articles 7 et 8

Les articles 7 et 8 régissent le sort de la représentation du personnel dans le cadre d’un transfert d’entreprise ou d’établissement. Les auteurs complètent le projet de loi initial par plusieurs dispositions dont l’objet consiste à assurer une meilleure protection des intérêts des salariés de l’entreprise ou de l’établissement transféré.

Les articles 7 paragraphe 2 alinéa 2 et 8 paragraphe 2 alinéa 2 prévoient ainsi que les membres de la délégation du personnel ou du comité mixte de l’entreprise ou de l’établissement transféré feront de plein droit partie de la délégation du personnel ou du comité mixte de l’entreprise accueillant les travailleurs transférés, même si l’entreprise ou l’établissement transféré ne conserve pas son autonomie.

Les auteurs du projet de loi introduisent d’autre part deux dispositions aux articles 7 paragraphe 2 alinéa 3 et 8 paragraphe 2 alinéa 3, qui prévoient que si l’établissement transféré ne conserve pas son autonomie et que si les travailleurs transférés sont accueillis par un établissement n’ayant pas de délégation de personnel ou n’ayant pas de comité mixte, la délégation de personnel ou le comité mixte de l‘entreprise transférée fera office de délégation ou de comité mixte commun. Ces dispositions sont la transposition de l’article 5 paragraphe 1 alinéa 4 de la directive qui dispose que « si l’entreprise, l’établissement ou la partie d’entreprise ou d’établissement ne conserve pas son autonomie, les Etats membres prennent les dispositions nécessaires pour que les travailleurs transférés qui étaient représentés avant le transfert continuent à être convenablement représentés durant la période nécessaire à une nouvelle formation ou désignation de la représentation des travailleurs, conformément à la pratique ou législation nationale. »

Ces dispositions n’appellent pas d’observations particulières de la Chambre de Commerce.

Concernant l’article 9

L’article 9 vise à compléter l’alinéa 1 de l’article 30 de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail. La Chambre de Commerce approuve cette disposition. L’article 30 précité qui prévoit dans sa version actuelle que les contrats de travail sont résiliés avec effet immédiat du fait de la déclaration en état de faillite de l’employeur est en effet incompatible avec les dispositions des articles 3 et 4 du projet de loi concernant le maintien des droits des travailleurs dans l’hypothèse où le transfert de l’entreprise ou de l’établissement intervient dans le cadre de la liquidation des biens du cédant déclaré en état de faillite.

La Chambre de Commerce tient toutefois à relever qu’une fois résilié, un contrat ne saurait renaître d’un point de vue juridique. Elle estime par conséquent qu’il serait juridiquement plus correct de considérer la résiliation intervenue du fait de la déclaration en faillite du cédant ou du fait d’une procédure d’insolvabilité analogue comme nulle et non avenue dans l’hypothèse où le transfert de l’entreprise ou de l’établissement intervient dans le cadre de la liquidation des biens du cédant déclaré en état de faillite ou faisant l’objet d’une procédure d’insolvabilité analogue ou d’une procédure de gestion contrôlée.

La Chambre de Commerce approuve par ailleurs l’insertion d’un délai de trois mois endéans duquel la reprise des affaires doit intervenir pour faire renaître les droits des travailleurs, délai qui pourra d’ailleurs être prolongé ou réduit par la convention visée à l’article 5 paragraphe 2 du projet de loi. Les repreneurs ne seront ainsi pas obligés de faire renaître les contrats de travail et partant de payer rétroactivement les salaires échus à partir du jugement déclaratif de faillite au-delà du délai de trois mois ou d’un délai fixé conventionnellement conformément à l’article 5 paragraphe 2 du projet de loi.

 

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Après consultation de ses ressortissants, la Chambre de Commerce ne peut approuver le projet de loi sous avis que sous réserve de la prise en compte des remarques formulées dans le présent avis.


Textes de projet

2721AFR et 2741AFR

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