Success stories
«Quand on est petit, il faut absolument se différencier, ne pas courir avec les mêmes chaussures que les autres.» «Ce dont je suis fière, c’est d’avoir été capable de rester rebelle.»

À l’aube des 35 ans du Pall Center, nous avons rencontré Christiane Wickler, qui pilote la destinée de l’entreprise depuis plus de 30 ans. Ce lieu particulier, qui se veut « plus petit qu’un centre commercial, mais plus grand qu’un magasin », cultive un esprit sans frontières et revendique sa différence.

Avez-vous toujours su que vous rejoindriez l’entreprise familiale ?
« Oh non, jusqu’à mes 19 ans, je pensais même qu’il n’en était pas question. Je voulais être assistante sociale ou architecte d’intérieur. Je voulais travailler avec des gens d’horizons très divers. Puis, j’ai finalement fait un stage dans l’entreprise familiale et je me suis aperçue que le commerce offrait un peu de tout cela à la fois.

À votre avis, qu’est-ce qui fait le succès de votre entreprise aujourd’hui ?
« Je crois que l’être humain est un explorateur qui aime que l’on suscite sa curiosité et justement, chez nous, c’est tout sauf la routine. Les espaces et les marques bougent tout le temps. Nous recherchons en permanence des produits que l’on ne trouve pas ailleurs. Chaque visite se transforme donc en découverte. Personnellement, je vais voir énormément d’endroits très différentspour m’inspirer. Je reviens alors avec la tête pleine de nouvelles tendances et de nouvelles idées. Les équipes me suivent dans ces initiatives et j’encourage aussi leurs suggestions. Je souhaite qu’ils aient un esprit d’entrepreneur. Dans chaque service, je fais en sorte d’avoir des profils qui bousculent un peu les habitudes, qui se posent la question : ‘Pourquoi fait-on cela comme ça ?’

Quel est votre style de management ?
« Au début, j’étais très fonceuse, limite guerrière ! Avec le recul, je me suis aperçue que l’on réussit mieux avec un peu plus de ‘rondeur’. J’ai développé mon sens de l’écoute. Je ne cherche pas la facilité, car, comme je le disais, j’aime constituer des équipes de gens très divers et qui ont du caractère. Malgré tout, j’arrive à fédérer tout le monde. Je suis devenue un très bon ‘casque bleu’ !

Comment se déroule une journée type de Christiane Wickler ?
« Quand j’arrive le matin, je commence par boire un jus d’orange / gingembre. Puis je fais le tour des espaces de vente avant d’enchaîner les rendez-vous. J’essaie de passer du temps dans les différents magasins du groupe et je parle le plus souvent possible avec les clients. Je me rends une fois par semaine à Anvers où je suis présidente de la centrale d’achats alimentaire qui approvisionne le réseau des Épiceries du Luxembourg (Alima, Food2Go, Pall Center et Shoppingcenter Massen, ndlr), ainsi que 70 distributeurs de Flandre.

À l’aube des 35 ans de votre entreprise, quel bilan tirez-vous ?
« Je voudrais d’abord dire que je suis ravie d’être née dans une famille d’entrepreneurs. Mon père avait une entreprise de construction. Il employait beaucoup de personnes issues de l’immigration. Mes frères et soeurs et moi aimions vivre au milieu de ces différentes cultures. Nous parlions à tout le monde, sans a priori. C’était une leçon de vie et de courage de voir ces hommes qui avaient tout quitté et qui portaient un regard positif sur leur nouveau pays. Et pour nous, c’était la meilleure école possible, anti-pensée unique. C’est une chance d’avoir été élevée comme cela quand on fait du commerce.
Au bout du compte, j’éprouve une grande satisfaction d’avoir toujours fait mon métier à fond, en étant travailleuse et énergique. J’ai la chance de ne pas avoir peur de l’échec et d’adorer mon métier. Cela me rend très optimiste.

En quoi le Pall Center est-il « naturellement différent » ?
« Le slogan ‘naturellement différent’ nous définit depuis longtemps. Au départ, nous l’avions choisi car nous sommes ici au milieu de la nature. Au fur et à mesure, nous nous sommes spécialisés en produits locaux, bio, responsables. Nos clients apprécient cela chez nous. Le mouvement écoconscient est de plus en plus fort et cela nous impacte positivement car il devient possible de vendre des produits sans emballages ou au packaging minimaliste. Avant, c’était moins facile car les clients tenaient à davantage de confort. Notre côté nature, nous le cultivons aussi en faisant attention tous les jours à la façon dont nous gérons les déchets, la logistique et la consommation d’énergie. Nous allons aller plus loin avec un projet d’aquaponie, ce système circulaire qui associe l’élevage de poissons et la culture de plantes. Ce sont les déjections des poissons qui produisent de l’engrais et fertilisent les plantes. À leur tour, celles-ci purifient l’eau. Nous allons ainsi produire des fruits et légumes.

Qu’est-ce qui vous différencie de vos concurrents ?
« Comme je l’ai dit, nous sommes sans cesse à la recherche de choses qui ne sont pas encore vendues ailleurs. Par-dessus tout, nous essayons de donner de la visibilité et un marché à des jeunes qui lancent des choses nouvelles. Tout ce qui touche à l’économie circulaire et aux concepts proches de la nature m’intéresse. Je fouine un peu partout dans les grandes villes connues pour leur créativité, Anvers, Berlin, Zurich ou en Scandinavie. Pour faire des découvertes, je pousse les portes des garages et autres lieux où de nouvelles activités se créent. Je commence à être connue pour cela. Des personnes viennent me trouver pour me présenter leurs créations.

Craignez-vous la concurrence digitale ?
« Le digital, je le prends comme un nouveau challenge. Nous avons développé notre propre e-shop, Epicurbain, qui propose exclusivement des produits alimentaires. Notre assortiment de produits sans gluten rencontre un grand succès, surtout auprès d’une clientèle française. Pour le moment, c’est encore un marché de niche pour nous.
À terme, je pense que les produits lourds dont l’achat est récurrent (les boissons, la lessive…), ou les articles basiques, dont l’achat ne rime pas avec plaisir, seront achetés sur internet. Mais on peut le voir d’un oeil positif : nous allons gagner de la place dans nos rayons pour vendre des produits différents, que les gens auront plaisir à venir acheter.

Quels sont vos projets pour l’avenir ?
« Pour 2018, nous avons le projet d’ouvrir un nouveau magasin à Steinfort, sur le modèle de celui de Strassen. Avant cela, nous allons transformer assez profondément le Pall Center. Pour le rendre plus proche de la nature, nous allons ouvrir tout un côté du supermarché pour que l’on puisse voir les espaces extérieurs, dont le charmant ruisseau Pall, qui nous a inspiré notre nom, et un terrain que nous allons acheter pour le renaturaliser et le transformer en espace détente.

Vous avez pris la responsabilité de l’entreprise à 22 ans. Avez-vous transmis cet esprit entrepreneurial à vos enfants ? Comment voyez-vous la transmission de l’entreprise ?
« Pour le moment, je laisse mes enfants voyager, découvrir des choses et faire leurs armes dans leurs voies respectives. Mais je suis ravie de constater qu’ils s’intéressent à l’entreprise. L’un d’entre eux m’a déjà rejointe. Il s’occupe de la logistique. Quant à la transmission, j’y pense en effet. Je veux me donner le temps. J’envisage cela comme un nouveau chantier, que je vois se concrétiser sur 10 ans. Ce qui est intéressant, c’est que mes enfants ont des idées différentes des miennes. Ils feront donc forcément évoluer le concept. »

Quelques dates-clés :

  • 1982 Christiane Wickler prend ladirection du Pall Center
  • 1984 Ouverture d’une station-serviceà Pommerloch
  • 1992 Ouverture d’une Grande ÉpiceriePall Center à Steinsel
  • 1993 Ouverture du Truck Center(hôtel, restaurant, station-service et station de lavage) à Habay(Belgique)
  • 1995 Ouverture de Tounet (blanchisserie industrielle) à Arlon
  • 2005 - 2006 Ouverture de deuxmagasins de confection à Arlon
  • 2007 Ouverture d’une supérette à Erpeldange
  • 2013 Ouverture d’une Grande Épicerie Pall Center à Strassen
  • 2014 Lancement de l’e-shop Epicurbain


www.pallcenter.lu
www.epicurbain.com

Texte : Catherine Moisy - Photos : Emmanuel Claude / Focalize