Success stories
Chez Fabiana, tous les plats sont faits maison avec des produits 100 % bio. « Beaucoup de personnes viennent très régulièrement. Certains jours, je connais tout le monde dans la salle. »

Ouvrir un restaurant est un défi que Fabiana Bartolozzi s’est lancé à l’aube de ses 45 ans. Fidèle à ses convictions elle a souhaité que celui-ci soit 100 % bio et qu’il ait un impact sociétal. Bienvenue dans la deuxième vie de Fabiana.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans la création d’un restaurant?
J’ai une formation d’éducatrice. J’ai travaillé 25 ans dans ce métier. Puis un jour, à 45 ans, j’ai réalisé que j’avais envie d’essayer autre chose et que j’avais le bon âge pour le faire. Ma première idée était d’ouvrir un gîte d’étape avec chambres d’hôtes, dans le sud de la France. Je connaissais la région de Sisteron et de Gap pour y avoir vécu un an et je m’y voyais bien. Mais, comme mon conjoint ne souhaitait pas quitter le Luxembourg, j’ai réfléchi à ce que je pourrais faire ici.  J’ai toujours porté une grande attention à la qualité des aliments. Je me suis renseignée et formée sur ces questions. Dès l’âge de 20 ans j’ai cultivé mon propre potager. Je cuisine bio pour ma famille. L’idée d’ouvrir un restaurant 100% bio s’est donc imposée naturellement.

Comment avez-vous mené votre reconversion professionnelle ?
J’ai d’abord suivi une formation de cafetier, formation accélérée qui permet d’obtenir une autorisation d’établissement pour l’exploitation d’un débit de boissons. Mais pour l’exploitation d’un restaurant cela ne suffit pas. Il faut acquérir des connaissances solides en gestion et en management. J’ai donc suivi une formation spécifique de la Chambre de Commerce pour les futurs commerçants, qui se déroule sur 6 mois, à raison de 3 fois 3 heures par semaine, en cours du soir. Cela m’a réellement permis de murir mon projet. Au début, j’avais en tête un concept un peu flou qui mêlerait la restauration à une librairie et une carterie. Mais mon projet a été choisi comme cas pratique d’étude pour le groupe en formation et les choses sont devenues beaucoup plus concrètes. C’est alors que j’ai décidé de me concentrer sur la restauration uniquement.

Quelles sont les difficultés et les opportunités que vous avez rencontrées pour mener à bien ce projet ?
L’une des grandes difficultés a été de trouver un local correspondant à mes critères. Deux d’entre-eux étaient incontournables : je voulais que l’on puisse voir la cuisine depuis la salle et que les toilettes soient accessibles aux personnes à mobilité réduite, donc en rez-de-chaussée. J’ai d’abord cherché en centre-ville mais je n’ai rien trouvé. Puis j’ai eu l’opportunité d’acheter un local neuf au pied d’un immeuble en construction dans le quartier de la Gare, place Wallis. J’ai pu la saisir et, parallèlement, j’ai obtenu un crédit alternatif ETIKA /BCEE pour mon projet de commercialisation de produits biologiques. J’ai fait le calcul. Cela ne revenait pas beaucoup plus cher qu’une location et c’était un bon investissement, qui allait pérenniser l’entreprise. Par contre, le chantier a pris du retard, ce qui m’a obligée à repousser la date d’ouverture du restaurant. Alors que j’avais engagé mon cuisinier, je ne pouvais toujours pas ouvrir. Ça a été compliqué, mais je ne me suis pas découragée. Heureusement, j’ai été beaucoup épaulée par mon fils ainé qui a fait des études d’hôtellerie. Son aide a été précieuse, notamment pour les démarches administratives à faire auprès des douanes pour avoir le droit de vendre de l’alcool. C’est un dossier assez complexe à monter.

Est-ce que le quartier de la Gare se révèle porteur ?
Pour le service du midi, le quartier de la Gare, très fréquenté à l’heure du déjeuner, est parfait car il y a beaucoup de bureaux. Le quartier est donc. En général il s’agit d’une clientèle qui est sensible à la qualité et qui est est prête à dépenser un peu plus pour manger bio. Le soir, le quartier se révèle plus difficile. Il n’attire pas autant que le centre-ville. Depuis 3 ans, le restaurant est ouvert tous les vendredis soir mais le succès est inégal. Sur réservation, je peux aussi ouvrir le restaurant un autre soir, pour les groupes à partir de 12 personnes.

Est-ce que l’on peut rentabiliser un restaurant en n’étant ouvert que le midi ?
Quand il y a beaucoup de clients, la réponse est oui (Casa Fabiana peut accueillir jusqu’à 50 couverts, ndlr). Le restaurant est aussi ouvert l’après-midi avec une formule salon de thé. Cela génère des revenus additionnels. Je dois avouer que 2018 est une année un peu curieuse où je note une légère baisse de l’activité. Pour le moment (l’interview a été réalisée début septembre 2018, ndlr) les locaux commerciaux voisins du restaurant sont vides et cela a un impact sur notre activité. Je suis de nature optimiste ; je pense donc que cette baisse n’est que passagère et cela nous pousse à être créatifs pour soutenir l’activité. Ainsi, nous nous engageons (par exemple, dîner dans le noir en partenariat avec  le service intégration et besoins spécifiques de la Ville de Luxembourg), nous créons des animations (piano dans la salle du fonds, soirée musico-gastronomique avec un petit concert  vendredi ou samedi soir une fois par mois, expositions d’artistes qui changent tous les 3 mois, tables de conversation pour apprendre le luxembourgeois……) et nous accueillons des groupes (tricot thé tous les quinze jours, le jeudi après-midi)…

Les prix de la carte sont relativement élevés. Est-ce le prix à payer pour la qualité ?
Les matières premières bio sont en effet environ 30% plus chères que les autres et, comme tout est fait maison et que nous n’achetons aucun produit fini ou semi-fini, nous avons besoin de plus de main d’œuvre pour la préparation des plats. Ceci dit, 80% des clients choisissent le plat du jour qui est proposé à un prix raisonnable et notre carte comporte également un ensemble de formules à prix doux, à base de salades, quiches ou wraps.

Quelles sont vos tâches principales et que préférez-vous dans votre nouveau métier ?
J’aime beaucoup le contact avec les gens, donc ce que je préfère c’est l’accueil des clients, leur offrir une alimentation bonne et saine, voir qu’ils passent un bon moment et qu’ils repartent contents. Je suis présente tous les jours pour le service. J’assure une partie des achats, et beaucoup d’autres tâches administratives. Mes semaines comptent plutôt 50 heures que 40. Je travaille souvent le soir et je pense à certaines choses la nuit également. Je ne m’attendais pas à ce que cela soit si prenant. J’ai découvert cela en démarrant. Quand on est indépendant on ne calcule pas ses heures. D’un coup, on a beaucoup plus de responsabilités mais aussi plus de liberté, le grand avantage étant de travailler pour soi. La personne qui m’a vendu les équipements de la cuisine m’avait prévenue : «  De tous les restaurants que j’ai équipé, ceux qui marchent sont ceux où le patron est présent » et je pense qu’il avait raison.

Est-ce facile de trouver des fournisseurs qui respectent vos critères ?
Quand on veut pouvoir proposer une carte 100% bio, ce n’est pas évident de trouver les fournisseurs pour l’intégralité des denrées. Heureusement, il existe au Luxembourg une association d’agriculteurs bio et au début, ils m’ont aidée. La plupart sont des fournisseurs locaux, quelques-uns sont en Allemagne car on ne trouve pas tout au Luxembourg. Je fais très attention au choix de mes autres fournisseurs également. La web-designer  qui a créé mon site internet est très engagée dans le développement durable et est à l’origine de almina.lu, un réseau de partage d'informations alternatives et j’ai confié la réalisation et la fabrication de la carte du restaurant à Autisme Luxembourg.

Votre restaurant est l’un des 6 du pays à avoir mis en place l’Eco Box. Quel est le succès de ce dispositif ? 
L’administration de l’environnement, la SuperDrecksKescht et l’Horesca ont lancé cette boîte alimentaire réutilisable et consignée (5 euros, ndlr) en mai 2018, comme une solution pour lutter contre le gaspillage alimentaire et l’utilisation de contenants en plastique non recyclables. Elle existe en deux formats : un grand pour les plats à emporter et un plus petit pour les entrées, desserts ou restes de repas. Le système est bien conçu puisque l’on peut se procurer une box dans un restaurant et la rendre dans un autre. Depuis que nous en disposons, sur 5 personnes à qui nous la proposons pour emporter des plats ou des restes, 3 acceptent de la prendre. Je trouve que c’est un très bon début. Nous avons environ 30 boîtes en circulation, dont 6 auprès de clients qui l’ont complètement intégrée à leurs habitudes. La box nous permet également de proposer des plats à emporter quand le restaurant est complet, plutôt que de devoir refuser purement et simplement de servir la personne. 

Cette année, vous avez remporté un Bio-Agrar-Präis au salon agricole d’Ettelbruck. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
En 2018, le prix, remis par le ministère de l’Agriculture s’est ouvert aux professionnels de la restauration. Je me suis dit « pourquoi pas ? ». J’ai été choisie pour remporter le prix, par le public visiteur de la foire agricole et je l’ai vraiment vécu comme une reconnaissance. L’obtention de labels, avec tous les contrôles que cela implique, coûte cher et demande beaucoup d’énergie mais quand on obtient la reconnaissance du public on se dit que cela vaut vraiment le coup.

Depuis, le prix a donné une visibilité supplémentaire au restaurant et nous avons eu de nouveaux clients.

Quels sont vos souhaits pour l’avenir ?
Je voudrais vraiment arriver à trouver la bonne formule pour attirer du monde le vendredi soir. Je ne suis pas du genre à baisser les bras quand il y a une difficulté. Donc je vais réfléchir et trouver de nouvelles idées, et peut-être communiquer différemment pour faire savoir que nous sommes ouverts ces soirs-là.

Et bien sûr, mon souhait le plus cher est de pérenniser les emplois que j’ai créés. C’est la plus grande responsabilité du chef d’entreprise.

 

Les labels de Casa Fabiana :

  • certification bio délivrée par Prüfverein Verarbeitung ökologische (un à deux contrôles par an),
  • certificat fairtrade pour le café, les thés,  les jus de mangue et d'orange,
  • label sou schmaacht Letzebuerg certifiant l’utilisation de produits fournis par des producteurs luxembourgeois (fromages de chèvre Baltes, pain de Bio-Bäcker, bières Simon Pils etc),
  • label "Wëllkomm" délivré par l'Horesca.

 

www.casafabiana.lu
www.ecobox.lu

 

Texte : Catherine Moisy - Photos : Emmanuel Claude / Focalize