Success stories
Les maquettes des projets sont imprimées en 3D durant la nuit. Les modules ainsi obtenus sont aisément manipulables et transportables. « Laisser une trace ne m’intéresse pas tellement. Ce que j’aime, c’est surtout de me projeter dans le projet

Le cabinet d’architecture Dagli+ Atelier, créé en 2005 par Türkan Dagli, réalise des bureaux, des constructions résidentielles, des commerces ou encore des infrastructures médicales. Il a été finaliste pour l’ensemble Royal-Hamilius, et a proposé sa vision du pavillon national pour l’Expo 2020 Dubaï. Türkan  Dagli partage passion et style avec une équipe enthousiaste, dans des bureaux baignés de clarté, dont les murs sont couverts d’images inspirantes, faisant la part belle aux années 50.

Comment vous est venue votre vocation d’architecte ?
« Je crois que ma vocation remonte à l’enfance. J’observais avec attention tout ce qui m’entourait, y compris les façades des immeubles. Cela me donnait beaucoup d’idées créatives. Certains s’expriment par l’écriture, d’autres par la mode… pour moi, ça a toujours été par le dessin de maisons. Alors, je me suis naturellement dirigée vers des études d’architecture, que j’ai suivies à la Rheinisch-Westfälische Technische Hochschule (RWTH) d’Aix-la-Chapelle qui, selon moi, est l’une des meilleures écoles d’architecture.

Pourquoi avez-vous eu envie de créer votre propre cabinet ?
« Au début, j’ai travaillé pour d’autres architectes. Mais très vite, j’ai eu envie d’avoir plus de liberté et de pouvoir suivre ma propre direction artistique. Depuis toujours, j’avais cet esprit entrepreneurial en moi. Pour autant, cela n’a pas été simple. Les deux premières années ont été vraiment difficiles. J’ai commencé seule et j’étais obligée de tout faire moi-même. Je travaillais tout le temps, même le week-end, en étant beaucoup moins bien payée qu’avant. J’avais des doutes tous les jours. Mais je me sens entrepreneur à 100 %, donc je n’ai pas baissé les bras. Encore maintenant, j’ai besoin d’entretenir cet esprit en me lançant de nouveaux défis.

Quelles difficultés et opportunités avez-vous rencontrées ?
« La principale difficulté est de démarrer alors que personne ne vous connaît et que l’on n’a pas encore de références à montrer. Le client le plus difficile à trouver est le premier. Il faut donc d’abord proposer à ses relations de travailler pour eux. Ensuite, petit à petit, le bouche-à-oreille se fait. Le grand avantage du Luxembourg est que les clients parlent de vous et recommandent votre travail à leur entourage. Ma clientèle s’est vraiment construite comme cela, de contact en contact. Je crois que je pourrais dessiner toute une toile rien qu’avec les liens qui existent entre mes différents clients. C’est une belle histoire.

Votre équipe compte huit personnes. Comment le travail s’organise-t-il ?
« En fait, nous serons bientôt 12. Quatre nouvelles personnes doivent nous rejoindre. Nous sommes en train de construire un bâtiment qui abritera nos nouveaux bureaux, avec la capacité d’accueillir jusqu’à 30 architectes. Pour le moment, chaque membre de l’équipe est en lien direct avec moi. Àmesure que l’équipe grandit, la gestion et le management me prennent de plus en plus de temps. Il faut que je réfléchisse à la manière d’organiser les responsabilités autrement, notamment pour les tâches plus administratives. Nous allons également renforcer la direction en passant de deux à quatre associés.

Est-ce que c’est important d’avoir à la fois des hommes et des femmes dans une équipe d’architectes ?
« Je ne crois pas qu’il faut distinguer hommes et femmes pour la créativité. Le cabinet a un style à lui, qui est sensible et élégant, mais hommes et femmes peuvent comprendre ce style pourvu qu’ils soient réceptifs aux notions d’urbanisme et d’environnement, qui sont très importantes pour nous. Au moment d’un recrutement, ce qui m’importe est que la personne ait compris ce que nous faisons. Elle doit adorer notre style, en plus d’être un super architecte !

Quelles sont vos sources d’inspiration ?
« Je continue à observer les choses autour de moi. Je lis également beaucoup, notamment des ouvrages de philosophie. Je m’intéresse à l’architecture ancienne, classique. Les projets que nous avons réalisés dans le passé sont aussi une source d’inspiration, mais nous ne reproduisons jamais rien tel quel. Nous nous nourrissons des évolutions.
Ce qui me guide, c’est la recherche de la beauté. Quand j’ai fait mes études dans les années 90, le style réaliste avait le vent en poupe. Il fallait que la fonction d’un bâtiment se lise sur sa façade, et celle-ci était débarrassée de tout ornement. Fort heureusement, la beauté revient en force. Je trouve très encourageant que de plus en plus d’étudiants en architecture suivent notre travail sur Instagram. Je suis convaincue que la beauté peut être un argument de vente, même si ce n’est pas un argument économique. Nous trouvons toujours des solutions pour rendre nos projets réalisables et abordables, sans devoir dénaturer notre inspiration. Et les clients nous aident, car ils sont sensibles à la beauté.

Vous êtes aussi sensible à l’environnement. Comment exprimez-vous cette dimension dans votre travail ?
« Je tiens particulièrement à ce que chacune de nos réalisations contienne au minimum 20 % d’espaces verts accessibles aux personnes. Les balcons sont systématiquement sur la façade arrière pour que les gens puissent en profiter paisiblement. Côté rue, nous dessinons en général de tout petits balcons, plantés de végétaux, surtout s’il n’y a pas d’arbres dans la rue.
Ainsi, les personnes qui habitent en face et regardent nos façades en jouissent aussi. Cet aspect fait vraiment partie de chaque projet. Un autre point très important est la façon dont le bâtiment va s’harmoniser à son environnement et s’y fondre sans pour autant disparaître. Cela nécessite de trouver le juste équilibre entre intégration au paysage urbain existant et réelle présence du nouveau bâtiment.

Comment abordez-vous la création d’un nouveau projet ?
« Pour la création, j’ai besoin de m’isoler, de faire une sorte de retraite. Mais ensuite, je partage et je délègue certaines parties du travail à des membres de l’équipe qui ont déjà eu l’occasion de travailler sur des projets similaires avec moi. En architecture, il n’y a pas une façon unique de travailler. J’ai été professeur de design à Trèves et j’ai pu voir à quel point chacun a sa technique. En ce qui me concerne, le point de départ est parfois juste une forme. Ou alors je pars d’un détail, comme un escalier ou une fenêtre, et ensuite j’imagine le reste autour de cet élément. Je fais toujours mes premières esquisses à la main. Puis, il y a un va-et-vient entre dessin sur papier et sur ordinateur. L’ordinateur permet de travailler en équipe sur un même projet. Cela crée de l’interaction. C’est d’ailleurs l’un de mes moments préférés, quand toute l’équipe se rassemble pour partager des idées. C’est un moment de création pure.

Quels sont les facteurs-clés de succès dans votre activité ?
« Je pense que les clients cherchent d’abord un style. Si celui-ci plait, le bouche-à-oreille fonctionne. Il faut surprendre le client, dans le bon sens du terme. Mais il faut allier créativité et rigueur d’organisation pour avoir des dossiers parfaitement préparés et respecter tous les délais.

Quelle place accordez-vous à l’innovation ?
« Avec les entreprises de construction avec lesquelles nous travaillons, nous nous efforçons d’innover dans le choix des matériaux. Pour notre travail du quotidien, nous investissons dans des nouvelles technologies. Par exemple, pour la réalisation des maquettes, nous nous sommes équipés d’une imprimante 3D. Nous lançons l’impression le soir, et le matin suivant, la maquette est disponible. Ce sont de petits éléments modulaires, faciles à manipuler et à transporter.
Pour suivre l’évolution des techniques de construction, certains membres de l’équipe assistent à des formations, alors que personnellement, je suis plus dans le design et j’apprends notamment beaucoup en faisant une veille permanente sur Instagram. Cela me permet de voir l’évolution des tendances et d’être toujours un peu en avance sur elles.

Comment voyez-vous le développement futur du cabinet ?
« Nous allons encore grandir un peu et nous développer à l’international. Nous sommes déjà présents en Allemagne et aux Pays-Bas, mais nous souhaitons multiplier les projets à l’étranger, en Europe ou même au-delà. Pour cela, nous avons recruté une personne qui sera dédiée aux compétitions internationales.
Depuis 10 ans, nous participons chaque année au pavillon national organisé par la Chambre de Commerce au salon Expo Real de Munich et cette année-ci, nous étions présents pour la deuxième fois au Mipim, également sur le stand de la Chambre de Commerce. Seuls, nous ne pourrions pas supporter les coûts de participation à de telles foires. Désormais, nous avons donc deux grands rendez-vous par an, Munich en octobre et Cannes en mars. Cela nous permet de rencontrer des architectes étrangers avec lesquels nous avons des échanges très riches. Et bien sûr, nous y faisons la connaissance de nouveaux clients. Grâce à notre présence sur ces salons, de plus en plus de promoteurs
nous connaissent et suivent nos projets. »

Quelques réalisations visibles au Luxembourg :

Résidentiel

  • 72, rue Principale à Wormeldange ;
  • 2-8, rue de Peppange à Bettembourg ;
  • 69-75, rue Schetzel à Luxembourg-Weimerskirch ;
  • 26, rue des Prés à Luxembourg-Bonnevoie (en cours de construction) ;
  • Rue de Mühlenbach / place François-Joseph Dargent à Luxembourg-Eich (en cours de construction)

Médical

  • Clinique Bohler, 5, rue Edward Steichen à Luxembourg-Kirchberg

 

www.instagram.com/dagli.lu/

 

Texte : Catherine Moisy - Photos : Emmanuel Claude / Focalize