Start-Up
L’équipe de Bikibox a dû se mettre dans la peau du pire « casseur » pour concevoir un produit sécurisé et durable. Jean-Luc Hannosset de Moxhe, fondateur de la start-up Move2, a eu l’idée de créer le Bikibox, une consigne sécurisée et indiv

Après avoir pris conscience du problème de la protection des vélos en zone urbaine, Jean-Luc Hannosset de Moxhe fournit le maillon manquant dans la chaîne de la mobilité et crée Move2 en 2014. La start-up luxembourgeoise conçoit et commercialise le Bikibox, une consigne individuelle et sécurisée permettant de ranger un vélo et l’équipement complet du cycliste.

Quel est votre parcours ?
« Je suis Franco-Belge, mais je me sens Luxembourgeois, car cela fait maintenant 16 ans que je réside au Grand-Duché. Je suis licencié en sciences commerciales (HEC Liège en Belgique) et également titulaire d’un master en marketing management obtenu à l’Université de Richmond en Virginie aux USA. Après un divorce difficile et une carrière en tant que directeur commercial et marketing au sein de différentes sociétés belges et américaines, je me suis expatrié au Luxembourg. En 2000, j’ai créé Sportline, une société commerciale qui offre également du conseil en marketing management, développement d’entreprises et fusions et acquisitions. D’autre part, ma famille française est productrice depuis 1797 de champagne (300.000 bouteilles par an) et je vends, par plaisir et par amour de ce divin breuvage, quelque 10.000 bouteilles par an, à des amis et particuliers ou à leur entreprise en Belgique et au Luxembourg.

Comment est venue l’idée de créer le Bikibox ?
« Aujourd’hui, nous assistons à une politique européenne en faveur de l’usage du vélo comme moyen de transport avec l’octroi d’indemnités fiscales et financières pour les employeurs et leur personnel et des subsides pour l’achat de vélos électriques. Ces vélos à assistance électrique (VAE) sont en train de conquérir rapidement les marchés européens. Un million de VAE sont vendus chaque année en Europe. On compte presque deux fois plus de vélos sur la planète (1,5 milliard) que d’automobiles (880 millions) et cette proportion ne cesse de s’accroître, grâce à l’engouement pour le vélo urbain et le VAE. Il existe bien des parkings pour vélos, mais ils sont rares et souvent partagés et malgré ces efforts, les vélos sont dégradés, démantelés ou volés. Tous les ans, plus de 3,1 millions de vélos sont volés dans 11 pays européens. En réalité, ces chiffres sont bien plus élevés, car parmi les victimes, seulement 28 % d’entre elles procèdent à une déclaration de vol auprès de la police ! Après une étude de faisabilité, j’ai donc décidé de créer le maillon manquant entre la volonté de promouvoir le vélo comme moyen de transport et le désir du citoyen de retrouver son bien intact !

Pouvez-vous nous décrire le concept du Bikibox ?
« Le Bikibox est construit sur base d’une structure métallique autoportante et est réalisé uniquement avec des matériaux recyclables à 100 % (acier, aluminium, bois et polyester). L’ensemble de la structure est mobile, ce qui permet son déplacement et ne nécessite pas un permis d’urbanisme pour son installation. Le Bikibox est acheminé et livré prêt à l’emploi. La consigne pèse 2,5 tonnes et mesure 5,4 m de long sur 2,5 m de large et 2 m de haut.
Grâce au développement du Wheelylift, un système automatique à vérin à gaz d’origine hollandaise et racheté par Move2, chaque vélo est rangé verticalement dans sa consigne. Le Wheelylift est capable de redresser, sans effort pour l’usager, tous les vélos de 20 à 35 kg. Chaque consigne est éclairée, équipée de porte-manteau et fermée par une porte individuelle, sécurisée par une serrure à code numérique. Les cloisons internes sont réalisées en bois massif autoclavé, c’est-à-dire, traité en profondeur afin de le protéger des agressions naturelles. Le sol est constitué d’un plancher en caillebotis permettant l’évacuation, par temps de pluie, de l’eau résiduelle provenant des vélos et équipements. Grâce à ce système, une aération naturelle se fait entre le sol et le plafond. Le Bikibox nécessite une superficie au sol de 13,5 m², ce qui représente un ratio de 0,96 m² par vélo. De ce fait, le Bikibox trouvera toujours sa place en milieu urbain, ainsi que sur les sites des entreprises privées, des centres hospitaliers, sportifs, culturels ou commerciaux, ou encore à proximité des gares.

Comment avez-vous développé votre projet ?
« Au début, j’ai perdu du temps en choisissant hâtivement les mauvaises personnes et en croyant pouvoir tout gérer seul. C’est une erreur ! Le choix des collaborateurs et experts est primordial. Aujourd’hui, je me suis associé avec un ami de 25 ans, Thierry Jacques, ingénieur civil, en charge, avec notre dessinateur industriel, Marc Charlier, du développement technique et des opérations. Il faut savoir déléguer et ne pas se laisser submerger par son travail pour garder une vision claire de ses objectifs. Je me suis entouré d’un licencié en informatique, en charge du développement de l’application et du site internet, puis d’un expert comptable. Il est important de susciter l’intérêt des personnes avec lesquelles vous travaillez. J’ai cédé une partie de mes parts sociales à mes collaborateurs et à mes principaux fournisseurs. Il est donc aussi dans leur intérêt que l’affaire tourne !
Dans un premier temps, nous avons développé le Bikibox standard, proposé aux entreprises. Nous développons maintenant le Smart Bikibox, un concept différent de consigne connectée pour une utilisation en zone publique, offrant la possibilité de recharger les accus de son VAE et de réserver son box au moyen d’une application.

Avez-vous rencontré des difficultés et comment les avez-vous surmontées ?
« Le problème majeur pour une start-up reste le financement ! J’ai dû financer les premiers prototypes avec mes fonds propres, faute de trouver des banques prêtes à se lancer dans l’aventure. Ensuite une recapitalisation nous a permis de finaliser la réalisation de la version standard du Bikibox, commercialisable depuis début septembre 2016. Les livraisons pourront démarrer dès 2017, car les commandes arrivent et les banques commencent à s’ouvrir ! La Chambre de Commerce et Luxinnovation ont pu me conseiller et me fournir quelques contacts intéressants. Grâce à eux, j’ai été orienté vers la solution ‘InnovFin’. Il s’agit d’une initiative soutenue par la Commission européenne. Actuellement, seules deux banques, ING et Bil, ont signé ce contrat de financement qui leur permet d’accorder des crédits aux entreprises innovantes du Luxembourg en couvrant leur risque à 50 %. La banque ING de Wiltz nous a offert les meilleures conditions et est dorénavant notre partenaire financier pour le futur. D’autre part, j’ai assisté à une conférence organisée par la Chambre de Commerce sur le programme européen ‘Interreg’. Cela nous a permis de rencontrer la responsable du projet ‘Chips’ (Cycle Highways Innovation for smarter People Transport and Spatial Planning), dont le budget total de 4,51 millions d’euros a été accepté et qui concerne l’Allemagne, la Belgique, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas. J’ai participé à un pitch au Flanders’ Bike Valley à Beringen, en Belgique et les retombées ont été très positives. Notre produit intéresse les associés du projet ‘Chips’ et cela nous permet d’être repris dans leur catalogue de services et produits. Dès le 1er janvier 2017, les différentes régions de ces pays auront six mois pour décider du budget alloué pour la partie ‘bike storage’. Aujourd’hui, nous avons postulé à l’aide de ‘minimis’ pour les jeunes entreprises innovantes, délivrée par le ministère de l’Économie. Nous restons ouverts à tout investisseur, car nous nécessitons de nouveaux fonds pour accélérer le développement de l’application Smart Bikibox.

Pouvez-vous nous parler du Smart Bikibox ?
« Nous développons une application qui permettra aux cyclistes de s’enregistrer et de réserver à distance un box dans n’importe quel Bikibox situé en Europe. L’enregistrement est gratuit, l’utilisateur paie uniquement la location de sa consigne. Il sera également possible de prendre un abonnement mensuel ou annuel. L’application permettra la géolocalisation du cycliste et d’un Bikibox libre dans la ville de sa destination. Le paiement se fera également en ligne. Le Smart Bikibox est conçu pour être placé dans les lieux publics. Afin de rentabiliser au mieux l’espace et les emplacements du Bikibox, nous avons prévu de l’équiper de deux écrans LED de 4 m² ou de deux écrans LCD de 2 m², ce qui permet la diffusion de messages publicitaires ou d’utilité publique. Ces nouveaux types d’espaces publicitaires seront proposés aux sociétés de médias et régies publicitaires. D’ailleurs, à ce titre, nous avons pris contact avec les sociétés JC Decaux et Clear Channel, les deux leaders de la communication extérieure.

Quelles sont vos opportunités de développement ?
« Aujourd’hui, le Bikibox n’a pas de concurrent réel sur le marché. Les marques et modèles de la consigne et du système de levage ont été déposés à l’OHMI. À l’heure actuelle, nous travaillons sur un projet que le ministère des Sports en Wallonie souhaite développer pour les centres sportifs. Des pourparlers sont en cours avec diverses sociétés au Luxembourg, en Allemagne et aux Pays-Bas. Dans chaque pays européen, Move2 est prêt à collaborer avec un acteur principal de la mobilité. Pour la Belgique, nous avons choisi comme partenaire Touring, très actif dans la promotion de l’usage et de l’assistance du vélo. Au Luxembourg, un Bikibox de six places est en cours de développement pour la société ALD Automotive, dans le cadre de leur nouveau produit de leasing : le Pool Bike.

Auriez-vous un conseil à donner à un jeune entrepreneur ?
« ‘Go for it and never give up !’ Un entrepreneur doit avoir envie de créer, de développer. Il doit aimer son produit et vivre pour son projet. Cela vaut aussi pour toute l’équipe. Il est essentiel de savoir s’entourer, de prendre le temps de choisir les bons partenaires et de fédérer les talents. »

www.bikibox.com

 

Texte : Marie-Hélène Trouillez - Photos : Laurent Antonelli/ Agence Blitz