Silicon Luxembourg - Silicon Luxembourg : Un média au service des start-up

Start-Up
Les start-up sont obligées d’aller chercher les talents très loin, trop loin. À 32 ans, Charles-Louis Machuron, fondateur de Silicon Luxembourg, semble avoir enfin trouvé un certain équilibre.

Arrivé il y a sept ans au Luxembourg, Charles-Louis Machuron, un français originaire de Paris, a créé un média 100 % dédié à l’actualité des start-up et des entrepreneurs au Luxembourg. L’objectif est simple : placer l’écosystème start-up luxembourgeois sur l’échiquier mondial et le confronter aux bonnes pratiques à l’étranger.

Peut-on définir Silicon Luxembourg comme une « start-up pour les startup » ?
« Silicon Luxembourg est véritablement un média pour les start-up et c’est unique au Luxembourg. Je trouvais qu’il y avait un manque crucial de réseaux et qu’il était difficile de communiquer sur des petits événements. Silicon Luxembourg se veut être une plateforme de partage d’informations, sur laquelle de nombreux contributeurs publient occasionnellement ou régulièrement des articles sur l’économie numérique, l’actualité et les tendances du web, les nouveautés technologiques, etc. L’outil permet de faciliter les rencontres et de fédérer la communauté des entrepreneurs. En 2014, sur une centaine d’événements organisés pour les start-up, une vingtaine de manifestations ont été programmées par Silicon Luxembourg. Depuis son lancement en 2013, le site compte actuellement plus de 300 publications de différentes start-up, 2.500 followers et 2.000 contacts qualifiés. Le site vient de franchir la barre symbolique des 50.000 visiteurs uniques et 100.000 pages vues. Silicon Luxembourg est consulté à hauteur de 50 % par des internautes basés hors Luxembourg : au Brésil, au Japon, aux États-Unis, en Suisse, au Royaume-Uni ou encore en Asie. Le trafic est là et 2015 sera l’année de l’expansion commerciale du site, et de la valorisation du contenu grâce à des contributeurs externes. Une application mobile est en cours de développement pour fidéliser les entrepreneurs et investisseurs. Une carte interactive permet aussi depuis quelques mois de visualiser géographiquement chaque start-up luxembourgeoise — environ 150 — ainsi que tous ceux qui composent l’écosytème luxembourgeois par secteur d’activité. Le site évolue au fil du temps, grâce aux remarques constructives des internautes, et j’en suis très satisfait.

Pouvez-vous nous décrire votre parcours ?
« Le fil rouge de mon parcours tient dans le développement marketing et commercial de produits et de concepts. J’ai à la fois travaillé pour des grandes entreprises, des PME et des start-up. Après des études universitaires en économie et gestion à Paris puis une spécialisation en gestion du sport, j’ai suivi un mastère spécialisé en marketing, design et création à Nantes. En 2006, j’ai effectué mon stage de fin d’études dans l’une des principales agences européennes de design packaging, Dragon Rouge. Puis, en 2007, j’ai rejoint le groupe Smart&co, initiateur des coffrets cadeaux Smartbox. À cette époque, cette industrie était en plein boom et j’ai eu la chance de partir ouvrir l’entité canadienne à Montréal quelques mois seulement après être arrivé dans la société. J’ai appris un mardi soir que je partais au Canada et le dimanche j’étais dans l’avion ! Un entrepreneur doit être capable aussi de prendre des décisions rapides et de partir à l’aventure. Ma première mission sur place a été de recruter une trentaine de collaborateurs pendant les fêtes de fin d’année. Quand je suis arrivé là-bas, il y avait tout de l’image que je me faisais de ce pays : -28 °C, plus d’un mètre de neige dans les rues… J’ai préparé mes entretiens dans l’avion et cela m’a pris un mois pour trouver l’ensemble des collaborateurs. Pour certains, j’ai confirmé leur embauche le 31 décembre et je crois qu’ils en sont restés marqués (rires). Ensuite, nous avons mis en place toute la production et la commercialisation des coffrets. Cela a été une expérience très formatrice et inoubliable. Quand je suis rentré, j’ai rencontré un entrepreneur qui créait sa start-up au Luxembourg et j’ai décidé de poser mes valises en 2009 au Grand-Duché. Cette start-up de e-commerce, Sokoz, était spécialisée dans la vente en ligne avec un système de vente en temps réel et sur le modèle des enchères inversées. Malheureusement, en 2010 la start-up a fait faillite. J’ai rejoint quelques temps après le groupe Maison Moderne pour le développement du paperJam Business Club. J’ai eu l’occasion de faire de superbes rencontres avec des chefs d’entreprise et j’ai observé de près le fonctionnement d’un média au Luxembourg et l’organisation d’événements. En 2012, j’ai fait le choix de partir pour développer le concept de la carte Restopolitan au Luxembourg. Cette start-up française connaît un grand succès en France, que ce soit auprès des particuliers ou des entreprises, mais le succès escompté n’a pas été au rendez-vous au Luxembourg. Puis j’ai travaillé un temps chez Vayton, une entreprise spécialisée dans le management des marques et des biens de propriété intellectuelle, avant de rejoindre à l’automne dernier la société Muller & Associés pour les accompagner dans le développement de leur activité de fiduciaire et de conseil économique. Je gère Silicon Luxembourg en parallèle de mon activité quotidienne et aujourd’hui j’ai trouvé un certain équilibre professionnel.

Qu’avez-vous appris de vos réussites et échecs ?
« Un entrepreneur ne peut pas avoir la prétention de tout savoir. Il faut continuellement améliorer ses connaissances. Se lancer dans un projet d’entreprise, c’est comme s’aventurer sur le grand huit ! Il y a des hauts et des bas, des virages à prendre, etc. Avant de me lancer dans un projet, je suis toujours dans un état de stress et d’excitation. Quand bien même certains projets se sont mal terminés, je ne regrette rien et je suis content et fier d’en avoir fait l’expérience avant mes 30 ans. Il faut être capable de changer radicalement de cap si l’on veut éviter de se noyer !

Naît-on entrepreneur ou le devient-on ?
« Bonne question ! Pour ma part, je pense que je le suis devenu. J’ai, depuis plusieurs années, une profonde envie de créer et j’ai différents plans d’affaires sur mon bureau. J’ai en permanence un carnet ou des petits papiers dans les poches sur lesquels je note les idées qui me traversent l’esprit. Je suis sans cesse à l’écoute de nouvelles opportunités et j’ai un côté empathique pour les entrepreneurs. Un entrepreneur doit apprendre à gérer son temps. Je me lève à 6 h et je travaille jusqu’à 8 h tous les matins avant de me rendre au bureau et d’enchaîner avec ma journée de travail. Le soir, place au sport ou à un événement. Avec les événements auxquels j’assiste ou que j’organise en soirée, les nuits sont de plus en plus courtes… (rires). En revanche, le week-end est sacré et j’en profite pour me déconnecter totalement !

Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de la mise en place de vos différents projets et de Silicon Luxembourg en particulier ?
« Quand on se lance, la difficulté est d’être trop idéaliste et de croire qu’un projet va marcher en claquant des doigts. J’ai tendance à prendre les choses trop à coeur. Mais en même temps, c’est ce qui m’a permis de boucler ma valise et de partir au Canada en 2007 au pied levé. L’échec fait mal et il faut savoir rebondir et faire le point pour éviter de refaire les mêmes erreurs. Je fais en sorte de toujours retirer trois choses positives et négatives d’un projet ou d’une expérience pour m’améliorer. Il est aussi très important de bien s’entourer. Ma femme et mes proches me soutiennent. Si vous faites du bon travail et que vous êtes sérieux, vous ne rencontrez aucune difficulté à trouver des partenaires. La Chambre de Commerce et son Espace Entreprises, Business Initiative, Luxinnovation et le Technoport ont tous joué un rôle actif et j’ai reçu bon nombre de conseils qui m’ont permis d’avancer. Silicon Luxembourg bénéficie aujourd’hui de trois sources de financement : les campagnes publicitaires en ligne, le sponsoring des événements avec une bonne visibilité à un prix abordable et des partenariats à l’année comme avec le Technoport. Je pense aussi aller chercher d’autres partenariats à l’étranger. À Paris, Bruxelles ou Berlin, le dynamisme du marché luxembourgeois doit être démontré.

Comment attirer les jeunes entrepreneurs au Luxembourg ?
« La proximité avec le gouvernement, les agences de promotion ou les bureaux à l’étranger sont autant d’avantages qui doivent être mis en avant. Les chemins sont courts et cela représente un gain de temps substantiel. Lorsque j’organise des événements, plus d’une dizaine de nationalités différentes sont représentées. Le multiculturalisme est une des facettes les plus enrichissantes du Luxembourg ! Il faut également inciter plus de Luxembourgeois à se lancer dans l’entrepreneuriat. Il faut développer de nouveaux mastères à l’Université du Luxembourg, multiplier des initiatives comme celle de Jonk Entrepreneuren ou encore promouvoir les concours d’entreprises. Enfin, il faudrait créer une école pour former des web developers. Les startup ont des besoins pointus et ces profils pourraient constituer un vivier de futurs partenaires. Je prends un exemple concret. En décembre dernier, j’ai organisé un événement de rencontre entre entrepreneurs et développeurs. Sur la trentaine de participants, une quinzaine avait des offres fermes d’emploi pour des développeurs ! Le Grand-Duché doit attirer des talents, créer de nouvelles opportunités et s’adapter plus vite. Trop souvent, les start-up sont obligées d’aller chercher les talents très loin, trop loin.

Auriez-vous un conseil à donner à un jeune entrepreneur qui souhaite se lancer dans une activité ?
« ‘Prends des initiatives, crée des opportunités et provoque la chance !’ Il faut être un brin têtu, tout en écoutant les autres et être conscient que tout n’est pas facile. Il faut savoir accepter la critique, être à la fois flexible et garder son objectif. Parfois, il faut y aller au culot et ça paie plus souvent qu’on ne le pense. On ne peut pas créer une activité en restant derrière son écran. Rien que sur l’année dernière, j’ai parcouru quelque 20.000 km pour me rendre à mes rendez-vous. Enfin, il faut être un peu égoïste, dans le bon sens du terme, dans la mesure où il faut savoir défendre son projet. »

 

Texte : Marie-Hélène Trouillez - Photos : Gaël Lesure