Start-Up
Kussbus compte actuellement 12 personnes, dont les deux tiers sont des ingénieurs et des techniciens. L’autre tiers a à sa charge le marketing, les ressources humaines et le suivi de projets. Jean-Luc Rippinger, le fondateur de Kussbus, entend deveni

Lancée en août 2016, Kussbus by U.F.T (Utopian Future Technologies S.A.), une jeune startup luxembourgeoise, a lancé un service de navette de nouvelle génération. L’innovation repose sur des arrêts mutualisés et générés en fonction de la demande, grâce à un puissant algorithme qui permet d’optimiser l’emplacement d’un arrêt virtuel pouvant convenir à une majorité d’utilisateurs.

Quelles est votre formation ?
J'ai suivi une formation d'ingénieur en aéronautique et aérospatial et je suis titulaire d’un MBA. J’ai obtenu mon premier emploi auprès d’Air Liquide, un groupe international français, spécialiste des gaz pour l'industrie et j’étais responsable de la stratégie d’une sous-division. J’ai beaucoup appris en matière de politique interne et le fait de négocier avec des personnes de cultures différentes a été très enrichissant. J’ai quitté Air Liquide pour créer une société en business development et consulting international dans le but d’aider des entreprises étrangères à créer des succursales en Europe. Dans le cadre de mes activités, j’ai eu l’occasion de visiter une usine BMW en Allemagne, où les 25.000 employés étaient acheminés par bus. L’idée de proposer un système alternatif de mobilité intelligente est partie de là. Nicolas Back, un ami, ingénieur dans le domaine de l’énergie, a trouvé l’idée intéressante et nous avons décidé de nous lancer ensemble dans l’aventure. 

Pourquoi avoir créé Kussbus et à qui s’adresse le service ?
Kussbus a pour objectif d’améliorer les lignes de transport public et d’inciter les usagers - et les frontaliers - à troquer leur voiture pour prendre une navette quand ils se rendent de leur domicile à leur lieu de travail. Le Luxembourg connait une croissance démographique de 2 à 3% et crée 10.000 emplois chaque année. En dix ans, le nombre de frontaliers travaillant sur le sol luxembourgeois a été multiplié par trois, pour passer de plus ou moins 60.000 personnes en 1998 à un peu moins de 180.000 actuellement, avec quelque 100.000 Français, 40.000 Belges et 40.000 Allemands. Plus de 70% des personnes se rendent sur leur lieu de travail en voiture. Ce taux est encore plus élevé chez les frontaliers. Les transports en commun reviennent pourtant moins chers, mais les changements insupportent bon nombre d’usagers. Aujourd’hui, les infrastructures de sont plus adaptées et cette situation peut avoir un impact négatif sur la croissance. La construction de routes vient en concurrence avec d’autres projets. Il faut organiser autrement la circulation pour diminuer les bouchons qui ne cessent de prendre de l’ampleur. Quelques solutions de co-voiturage ont bien été mises en place, comme la plateforme CoPilot lancée par le gouvernement, mais ces mesures restent insuffisantes.

Concrètement, comment fonctionne Kussbus ?
Kussbus propose des bus de 19 et 50 places. Nous travaillons avec la société Voyages Emile Weber. Nous ne gérons ni la flotte des véhicules, ni les chauffeurs. Ce n’est pas notre métier. Pour profiter des services de Kussbus, il suffit de télécharger l’application. L’usager réserve sa place dans une de nos navettes en indiquant l’heure pour la prise en charge, ainsi que son lieu de résidence. Un algorithme se charge d’établir un arrêt virtuel et optimisé en fonction de la demande des usagers. Les voyageurs marchent quelques minutes vers cet arrêt mutualisé, afin d’éviter de multiples petits trajets devant le domicile de chacun. L’utilisateur a la possibilité de suivre le trajet du bus en temps réel sur son portable. En cas de retard, il reçoit des notifications. Mieux vaut être à l’heure pour l’usager, car Kussbus n’attend les retardataires qu’une minute ! Chaque trajet est facturé environ cinq euros. Ce tarif excède celui des transports en commun classiques, mais il est inférieur au coût d’un trajet en voiture. De nombreux usagers déjà fidélisés ont opté pour un abonnement mensuel. Récemment, BGL BNP Paribas a fait le choix d’accompagner Kussbus en prenant en charge l’équivalent des montants facturés par les transports publics.

Les travailleurs ont la possibilité d’être sur leur lieu de travail entre 7h et 9h au Kirchberg ou au Glacis. Les retours se font entre 16h et 20 h, selon le même principe. Les usagers peuvent avoir un imprévu qui les oblige à partir plus tôt ou plus tard que l’horaire réservé au préalable. Kussbus offre une grande flexibilité et s’adapte aux demandes, sans frais supplémentaires.

Avez-vous reçu des aides et quelles sont vos prévisions de croissance?
Nous souhaitons digitaliser l’ensemble du réseau des transports publics et aider à résoudre les défis de la mobilité. A l’image d’un arbre dont les racines s’étendent là où elles trouvent de l’eau, Kussbus peut modéliser la demande et aider le réseau à devenir plus intelligent. Nous sommes présents  sur deux lignes : région Arlon – Kirchberg et région Thionville - Kirchberg.

Nous avons fait une levée de fonds de 1,8 million d’euros qui nous a permis de développer notre produit. Notre investisseur majoritaire, la fondation actionnaire André Losch (Groupe Losch Volkswagen), est une fondation d’utilité publique de droit luxembourgeois qui agit pour le bien commun. Le ministère de l’Economie nous soutient également à travers le dispositif « Aides aux jeunes entreprises innovantes » mis en place par le gouvernement.

Dès le mois de décembre 2017, un premier produit viable a été développé. Sur base du retour des usagers, nous avons pu affiner notre technologie. Kussbus a aussi permis de valoriser certains parkings gratuits et souvent sous-exploités à proximité de commerces qui s’en trouvent redynamisés. Les usagers nous signalent ces emplacements par un simple bouton, grâce au système Waze intégré dans notre application et sont en quelque sorte acteurs du service Kussbus.

Plus récemment, nous avons réalisé un projet pilote très prometteur avec ÖBB (Österreichische Bundesbahnen) en Autriche. Le concept selon lequel nous opérons leur a plu et nous sommes en discussions pour continuer le projet.

Nous avons actuellement 400 passagers par semaine. Les demandes en provenance d’Arlon, côté belge et Thionville, côté français, sont en forte croissance. Nous sommes une entreprise privée et pour l’instant, nous sommes plus chers que les transports publics classiques, mais cette situation est appelée à changer.

Comment voyez-vous le secteur du transport évoluer?
Le secteur de la mobilité est en pleine mutation. La génération du millénaire n’a que faire de posséder un véhicule. Ce qu’elle veut, c’est une technologie qui lui permette d’aller d’un point à un autre. Une politique de la mobilité efficace requiert une coordination entre les différents acteurs. C’est la Mobility as a Service (MaaS), un concept au service du management de la mobilité qui renvoie à des stratégies visant à influencer et à changer les comportements de mobilité afin d’améliorer l’efficacité des systèmes de transport et d’atteindre certains objectifs spécifiques (réduction de la pollution atmosphérique, des nuisances sonores ou de la congestion, meilleure soutenabilité économique ...). Le modèle économique du secteur de l’automobile est lui aussi chamboulé par plusieurs disruptions majeures. Nous assistons à une évolution technologique avec l’électrification progressive des moteurs. Evolution numérique aussi, car la voiture devient connectée, intelligente et autonome. Renault, Nissan ou Daimler, par exemple, investissent des milliards dans des startups pour suivre le mouvement !

Qu'est-ce qui fait le succès de Kussbus, selon vous ?
Kussbus compte aujourd’hui 12 personnes. Les qualités exceptionnelles et complémentaires des personnes qui composent l’équipe sont des facteurs clés du succès de Kussbus. Seule une équipe soudée peut convaincre des investisseurs ! La même motivation nous anime et chacun a un rôle à jouer et assume ses responsabilités. C’est un plaisir de travailler sur un problème qui touche beaucoup de monde et de chercher des solutions pour le bien de la société.

Avez-vous d'autres projets en perspective et où vous voyez-vous dans quelques années?
Nous souhaitons développer le transport de personnes handicapées ou d’enfants vers des centres et créer une interface pour garder le contact avec son enfant. D’ici cinq ans, nous espérons que de nombreuses villes de plus de 100.000 habitants auront adopté notre technologie et qu’à terme, nous équiperons le monde entier. Plusieurs solutions dans le domaine de la télématique existent un peu partout, mais notre société Utopian Future Technologies S.A. propose un système complet de digitalisation des transports publics. Nous voulons devenir le fer de lance de cette réorganisation intelligente.

www.kussbus.lu


Texte : Marie-Hélène Trouillez - Photos : Laurent Antonelli/ Agence Blitz