Retour à la case départ… après une année d’exception, le Luxembourg rechute à la 11e place

Affaires économiques

IMD World Competitiveness Yearbook 2016

Depuis la crise financière, le Luxembourg avait espéré refaire son entrée dans le top 10 du « World Competitiveness Yearbook » (WCY) de l’IMD. L’on doit admettre qu’il n’en était jamais très loin. L’année dernière, le moment était venu, le pays ayant connu un rebond spectaculaire pour se classer 6e parmi 61 pays. Aux indicateurs de nature « hard data » (données statistiques observées) s’étaient juxtaposées des annonces politiques ambitieuses (référendum sur le vote des étrangers, projet de loi « omnibus », espoirs quant à une réforme fiscale renforçant l’attractivité du Luxembourg ou encore les nombreuses annonces dans les domaines du logement, des transports publics et de l’aménagement du territoire) qui avaient inspiré l’optimisme des chefs d’entreprise, sachant que le WCY comporte, outre des données statistiques, des indicateurs captant les perceptions des chefs d’entreprise.

Cependant, certains dossiers se sont quelque peu enlisés. Par ailleurs, en ce qui concerne les finances publiques, on est bien loin d’un réel assainissement durable. S’il ne s’est pas évaporé, l’enthousiasme de l’année précédente a néanmoins refroidi.

La grande vedette parmi les quatre piliers qui servent à jauger l’évolution de la compétitivité du Luxembourg reste le pilier des « Performances économiques ». Toutefois, il n’y a pas lieu d’applaudir trop fort : le Grand-Duché a dû abandonner sa place de champion pour ses performances dans le sous-pilier relatif au commerce international. Cependant, le Luxembourg défend sa 3e place sur le podium pour son engagement exceptionnel dans l’échange de services et ses efforts consentis dans le tourisme. Concernant l’échange de biens, le pays devra davantage diversifier son carnet d’adresses. La croissance en 2015 a été vigoureuse, d’où l’avancement de 13 positions du sous-pilier de l’économie nationale et la 6e place dans l’indicateur relatif à la croissance économique. Pour la deuxième année de suite, le Luxembourg avance timidement dans l’indicateur de la diversification économique. Avec des nouveaux projets aussi avant-gardistes que la Troisième Révolution industrielle ou encore spaceresources.lu, le Luxembourg est prêt pour le « take off ». Le souci numéro 1, peu étonnant : l’emploi. Tandis que la création d’emploi reste vigoureuse, le taux de chômage peine à reculer franchement (6,9% en 2015 contre environ 4% vers la fin de l’année 2007), alors que les pièges à l’inactivité persistent. Second souci : le sous-pilier des prix. Tandis que la faible inflation fait que le Luxembourg avance de 10 places, l’inadéquation entre l’offre et la demande, tant du marché du logement (du 46e au 50e rang) que du marché non-résidentiel (du 46e au 48e rang), est loin d’être résolue.

Le pilier « Efficience des pouvoirs publics » reste stable. Cependant, ses sous-piliers connaissent des sautes d’humeur. Les finances publiques connaissent une amélioration, passant du 10e rang au 7e. Or, compte tenu des derniers développements en la matière (baisse de régime du Zukunftspak, réforme fiscale pro-cyclique à coût budgétaire élevé, OMT négatif à -0,5%), une nouvelle  dégradation dans la prochaine édition du WCY paraît probable. La situation en matière de politique fiscale reste insatisfaisante, le Luxembourg apparaissant à la 38e place sur 61 pays.  Le taux d’affichage de l’IRC perd encore deux places pour terminer en 48e position. Il reste par ailleurs des efforts à faire tant du côté du cadre légal et réglementaire, qui recule de 6 places, que du côté de la facilité de lancer son entreprise (en termes de nombre de jours nécessaires), où le Luxembourg se retrouve désormais à un 49e rang peu propice. Des projets tels que l’introduction d’une Sàrl simplifiée ou le lancement du grand guichet unique au sein de la « House of Entrepreneurship » devraient avoir des impacts positifs à l’avenir.

Le pilier « Environnement des affaires » recule de la 4e à la 9e place (après son ascension remarquable de 10 places dans l’édition 2015) avec des pertes considérables notamment dans les sous-piliers relatifs au marché du travail (-9 places), aux pratiques de gestion d’entreprise (-8 places) et aux attitudes et valeurs (-9 places). A l’égard du marché du travail, une priorité est toujours d’attirer des travailleurs qualifiés, les chefs d’entreprise n’étant plus aussi satisfaits de leur disponibilité que l’année dernière encore. Les indicateurs dans le vert de ce sous-pilier sont la responsabilité sociale et la crédibilité des gestionnaires. En ce qui concerne les attitudes et valeurs, le Grand-Duché connaît également une dégradation dans le classement. Une bonne amélioration nous parvient du monde de la finance : de la 10e à la 4e place - une nette embellie, qui découle cependant d’un changement méthodologique et d’une série d’indicateurs statistiques plutôt bien orientés. Un deuxième avancement dans le classement est enregistré au niveau de la productivité et de l’efficience, sous-pilier qui avance de 3 rangs pour se trouver à la 2e place du classement. Cependant, il n’y a pas de raison de se reposer sur ses lauriers, la mise en œuvre de toute une série de réformes demeurant cruciale pour le développement de l’économie luxembourgeoise. Les derniers documents de la Commission européenne et du FMI peuvent à ce titre servir d’inspiration[1].

Finalement, le dernier pilier « Infrastructures »  montre une évolution assez timide, on dirait que le Luxembourg reste indécis sur la question des infrastructures. Tandis que la qualité du transport aérien s’est nettement améliorée, les indicateurs relatifs à l’énergie poursuivent une tendance baissière, qui n’est pas en ligne avec son objectif 2020 de ramener à 11% la part des sources d’énergies renouvelables dans sa consommation finale d’énergie. Plateforme multimodale, Luxembourg Centre for Logistics, des projets très prometteurs sont en cours de développement. Le Luxembourg saura sans doute améliorer sa 14e position dans les années à venir. Pour ce qui est des infrastructures technologiques et scientifiques, il y a lieu de promouvoir davantage les partenariats privé-public, de rapprocher les jeunes davantage du monde des sciences et de l’ingénierie, et de défendre notre position privilégiée en matière de dépôts de brevets nationaux ainsi que le bon classement en matière de droits de propriété intellectuelle (gare à l’abolition du régime « patent boxes » sans solution de rechange….). Côté santé et environnement, le Luxembourg  cède 14 places à ses concurrents. Des mesures concrètes dans le domaine de l’économie circulaire s’imposent dès lors plus que jamais et en ce qui concerne l’éducation,  les scores atteints font preuve du besoin d’une réforme ambitieuse notamment de l’enseignement secondaire.

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Tout compte fait et en comparaison avec les autres Etats membres de l’Union européenne, le Luxembourg maintient une position encore plus ou moins convenable. Il est néanmoins devancé par 5 pays de l’Union. Toutefois, « encore plus ou moins convenable » est loin de « remarquable ». Les ambitions étant au rendez-vous, servies par de multiples actions en cours de finalisation, le Luxembourg devrait être prêt pour passer à l’action…

Consulter l'étude dans le détail dans le document ci-dessous



[1] FMI (2016) : « Article IV Consultation Luxembourg », http://www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2016/cr16118.pdf;

Commission européenne (2016): « Country-specific recommendations »,

http://ec.europa.eu/europe2020/pdf/csr2016/csr2016_luxembourg_en.pdf.