Affaires économiques

IMD World Talent Report 2015

L’International Institute for Management Development (IMD) vient de publier la deuxième édition de son « World Talent Report ». Basé sur le panel des 60 pays figurant dans son « World Competitiveness Yearbook » (WCY) dont la Chambre de Commerce coordonne l’enquête d’opinion annuelle auprès des chefs d’entreprise à Luxembourg, ce rapport évalue la capacité d'un pays à développer, attirer et retenir des talents en fonction de trois facteurs : 1) « Investment and Development », reflétant l'investissement dans l'éducation, la formation et le développement de talents formés sur place; 2) « Appeal », donc l'attrait du pays, représentant la capacité à retenir les talents locaux et à attirer des talents venus de l'étranger et 3) la « Readiness », donc la disponibilité, indiquant la faculté d'un pays à satisfaire la demande du marché avec son vivier de talents. Le classement se base sur 23 indicateurs, certains relevant de sources statistiques, d'autres étant tirés de l’enquête d’opinion annuelle WCY sur la compétitivité mondiale, réalisée chaque année depuis 25 ans par l'IMD.

Par rapport à l’année dernière le Grand-Duché gagne 10 places pour se retrouver en 3e position derrière la Suisse et le Danemark. C’est la seconde fois depuis 2005 que le Grand-Duché se trouve dans le Top-10 du classement (7e place en 2007), qui est complété par la Norvège, les Pays-Bas, la Finlande, l’Allemagne, le Canada, la Belgique et Singapour. Ces pays font preuve d’un bon équilibre entre les moyens investis dans leur capital humain en termes d’éducation et de formation professionnelle et leur capacité d’attirer et de garder des talents venus de l’étranger. La Suède se place 11e, la Chine (et Hong Kong) 12e, les Etats-Unis perdent 2 places pour se retrouver à la 14e place et la France en perd 3 pour occuper la 27e place. A noter également que l’Espagne – gros exportateur d’ingénieurs notamment – et le Portugal font de gros bonds en avant, de +6 (39e) et +8 (25e) respectivement.

Quasi tous les indicateurs ayant évolué de manière positive, le Luxembourg gagne 7 places (9e) dans le facteur « Investissement et développement » mené par le Danemark. Le Grand-Duché est premier du classement pour le « Pupil-Teacher-Ratio (Primary Education) », 6e pour le « Pupil-Teacher-Ratio (Secondary Education) », et se classe respectivement 9e, 6e et 9e pour « Apprenticeships », « Employee Training », défini comme étant une grande priorité dans les entreprises, et « Health Infrastructure ». Ces derniers indicateurs sont issus de l’enquête d’opinion et reflètent l’opinion favorable des chefs d’entreprise à l’égard de la formation initiale et professionnelle.

En termes de capacité du pays d’attirer et de garder des talents venus de l’étranger, le Luxembourg gagne 11 places pour se situer 3e derrière la Suisse et les USA. La majorité des indicateurs (par ailleurs issus de l’enquête d’opinion) se trouvent dans le Top-12, tels « Attracting and Retaining Talents » (12e), « Worker Motivation » (5e), « Brain Drain » (9e), la question étant si la fuite des cerveaux est vue comme un facteur empiétant sur la compétitivité du pays, « Quality of life » (5e) et « Foreign High-Skilled People » (2e). Ce dernier indicateur est en ligne avec l’évaluation du « Human Capital Index 2015 » que le Forum économique mondial (WEF) a publié fin octobre, qui établit un classement de 124 pays en fonction de leur niveau de développement des compétences. Le Luxembourg y occupe la première place en ce qui concerne la proportion de personnes hautement qualifiées parmi l’ensemble de la population active, 59,6% de tous les employés au Grand-Duché présentant des compétences hautement qualifiées. Quand on sait que 71% des employés ne sont pas de nationalité luxembourgeoise, il est d’autant plus important de fournir un cadre propice à ces talents venus de l’extérieur. Les critères pouvant impacter négativement la capacité du pays à retenir ces talents sont notamment le « Cost-of-Living Index » où le Luxembourg occupe la 39e place, et la « Effective Personal Income Tax Rate » (52e place).

Le facteur « Readiness », où le Luxembourg a gagné 7 places (12e), évalue le développement du capital humain, la qualité des compétences disponibles et leur adéquation avec les besoins du marché du travail. Deux excellentes premières places sont à signaler pour les indicateurs « International Experience » (de managers expérimentés) et « Language skills », qui correspondraient donc parfaitement aux besoins des entreprises. Les résultats sont cependant mitigés en ce qui concerne les opinions sur l’adéquation entre le système d’éducation et les besoins d’une économie compétitive (« Educational system », 21e place), « Sciences in schools » (25e place) et « Management Education » (31e place).

Le Luxembourg étant en passe de devenir une « smart nation », avec un secteur ICT toujours grandissant (7,3 % de la valeur ajoutée brute de l’économie), la disponibilité de talents notamment scientifiques est centrale pour la capacité d’adaptation et d’innovation du pays. Si le Luxembourg caracole actuellement dans le peloton de tête de plusieurs classements internationaux en matière de recherche et d’innovation, l’une des faiblesses du pays réside dans les difficultés croissantes que rencontrent les entreprises et les instituts de recherche à recruter les talents dont ils ont besoin pour maintenir leur capacité d’innovation.

Dans un contexte économique mondial où la reprise se dessine sur fond de turbulences géopolitiques, une croissance au ralenti dans la plupart des régions du monde, une productivité affaiblie et des taux de chômage qui s’enlisent à haut niveau, les économies qui tirent le mieux leur épingle du jeu sont celles qui misent sur le développement du potentiel humain formé « in-house » et venu de l’étranger. Afin de maintenir sa place parmi les pays les plus compétitifs au niveau international, le bon classement dans le « World Talent Report » de cette année devrait encourager davantage les autorités à agir tant sur l’investissement en amont dans ses talents (éducation) que sur l’amélioration des conditions-cadre afin de retenir les talents locaux et devenir encore plus attrayant pour le premier levier de compétitivité qu’est le capital humain.

Le rapport complet est téléchargeable ici :www.imd.org/wcc/news-talent-report/