La Chambre de Commerce demande une transposition de la directive optimale pour les besoins de l’économie

"Carte bleue" européenne

Le 25 mai 2009, le Conseil de l’Union européenne a adopté une directive proposant l’introduction d’une « carte bleue » européenne, qui - à l’image de la « green card » américaine – vise à régler les conditions d’entrée et de séjour pour employés hautement qualifiés dans les Etats membres de l’UE. La Chambre de Commerce vient d’aviser le projet de loi n°6306 par lequel le Gouvernement entend transposer cette directive au Luxembourg. Si la Chambre de Commerce salue quant au principe l’introduction d’une « carte bleue » européenne, elle critique la proposition de texte du Gouvernement en plusieurs points et invite les auteurs du projet de loi à mieux tenir compte des besoins de notre économie absolument tributaire de l’apport de main d’oeuvre extérieure hautement qualifiée pour être compétitive.

Remarquant dans son avis que le Gouvernement a retenu dans son projet de loi plusieurs critères qui vont au-delà des minima exigés par la directive européenne, la Chambre de Commerce rappelle qu’il est essentiel d’appliquer dans la procédure de transposition des directives européennes le principe d’une transposition de «toute la directive et rien que la directive ». Il serait en effet insensé qu’un pays comme le Luxembourg, dont le marché du travail dans le secteur privé est composé à plus de 80% d’étrangers, adopte des conditions d’entrée et de séjour plus restrictives que d’autres Etat membres de l’UE.

A côté de cette critique fondamentale, la Chambre de Commerce déplore le caractère incomplet de la transposition de la directive 2009/50/CE par le projet de loi n°6306 sur la libre circulation des personnes et l’immigration et regrette qu’elle ne dispose pas des projets de règlements grand-ducaux d’exécution nécessaires, et prévus par le projet de loi, visant à parachever la transposition en droit national de la directive. A défaut de disposer de l’ensemble de ces éléments, dont certains touchent à des conditions essentielles, la Chambre de Commerce estime qu’il lui est en effet impossible de rendre un avis plus exhaustif et touchant à l’ensemble des dispositions sous-jacentes à la directive à transposer. Il en est notamment ainsi concernant la rémunération minimale à accorder au travailleur issu d’un pays tiers afin qu’il remplisse les conditions du statut du travailleur « hautement qualifié ». La Chambre de Commerce estime qu’à cet égard les autorités devront s’aligner sur le seuil minimum prévu par la directive, soit une fois et demie le salaire moyen en vigueur au Grand-Duché de Luxembourg.

Selon la Chambre de Commerce, il faudrait aussi prévoir dans le projet de loi une disposition relative aux offres d’emploi fermes, et notamment aux promesses d’embauches, afin d’envisager leur recevabilité au titre de demandes de carte bleue. Ceci afin de donner plus de flexibilité à la fois à l’entreprise souhaitant recruter le ressortissant de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié, de même qu’à la personne concernée. Dans la formulation actuelle du projet de loi, seuls les contrats de travail seraient en effet recevables dans ce contexte. Une disposition que la Chambre de Commerce juge trop restrictive.

Une autre disposition du projet de loi jugée trop restrictive concerne l’obligation prévue pour le ressortissant d’un pays tiers de rapporter au préalable à la demande d’une « carte bleue » la preuve qu’il dispose d’un logement approprié au Grand-Duché.La directive n’oblige en effet pas les Etats membres à exiger des ressortissants de pays tiers une adresse sur le territoire du pays choisi pour le déplacement professionnel et par conséquent la Chambre de Commerce demande au législateur de ne pas introduire une telle obligation au Grand-Duché, sous peine de le pénaliser par rapport à d’autres Etats membres.

Autre malaise pointé par la Chambre de Commerce : Ni la législation actuellement en vigueur, ni le nouveau projet de loi ne prévoient qu’un employeur puisse introduire une demande de « carte bleue » européenne. Aux yeux de la Chambre de Commerce, et afin de faciliter l’accueil des travailleurs hautement qualifiés issus de pays tiers sur le territoire national, les autorités devraient prévoir la possibilité alternative d’introduire la demande de carte bleue européenne par l’employeur, d’autant plus qu’un tel cas de figure est prévu par la directive.

Les dernières critiques concernent la procédure en obtention d’un visa. Si la Chambre de Commerce salue le fait que la procédure en obtention d’un visa soit à l’avenir facilitée dans le chef du futur détenteur d’une carte bleue, elle s’interroge néanmoins sur la teneur exacte des dispositions prévues à ce propos, jugeant très imprécis les articles afférents dans le projet de loi. Ceux-ci se limitent à laisser entrevoir, de façon vague, une certaine « facilitation » de la procédure en obtention d’un visa, sans pour autant expliquer en quoi pourrait consister cette simplification. En ce qui concerne la durée de validité de la carte bleue, la Chambre de Commerce aurait souhaité que les auteurs du projet de loi auraient opté pour le délai maximum admis par la directive, à savoir 4 ans.

L’avis de la Chambre de Commerce relève également plusieurs points positifs et salue notamment qu’en matière de définition de quotas concernant l’accueil de travailleurs hautement qualifiés issus de pays tiers, le législateur n’ait pas retenu la possibilité offerte par la directive aux Etats membres de fixer une limite pour les volumes d’admission, jugeant qu’une telle limite aurait constitué une mesure restrictive supplémentaire qui n’aurait fait qu’entraver l’accueil des ressources humaines indispensables au développement des secteurs de pointe de l’économie luxembourgeoise.

Dans ses conclusions la Chambre de Commerce rappelle que l’immigration de travailleurs hautement qualifiés constitue une pierre angulaire de l’édifice visant à pérenniser la vigueur et la vitalité de l’économie luxembourgeoise et permet d’insuffler une nouvelle dynamique à sa diversification. En d’autres termes, le pays doit disposer de ressources humaines hautement qualifiées en mesure d’occuper les postes de travail, à haute technicité et à forte composante de savoir et de savoir-faire, que l’économie luxembourgeoise se propose d’offrir à l’avenir. Il est évident que la question relative à la nationalité de ces personnes ne doit jouer qu’un rôle au plus secondaire. Dans le cadre du processus de recrutement de travailleurs hautement qualifiés, l’ensemble des intéressés sont à placer sur un pied d’égalité et le recrutement doit pouvoir avoir lieu en l’absence de discrimination selon la nationalité. A ce titre, la Chambre de Commerce salue l’introduction d’une carte bleue européenne, mais ne peut approuver le texte de loi proposé par le Gouvernement que sous réserve expresse de la prise en compte des remarques formulées dans son avis. Le texte intégral de l’avis de la Chambre de Commerce peut être consulté sur son site officiel.