Entre lueur d’espoir et nécessaire renouveau

Affaires économiques

Perspectives économiques et programme gouvernemental

De g. à dr. : Patrick Ernzer, Directeur Communication et Médias; Michel-Edouard Ruben, Economiste au service Affaires économiques; Carlo Thelen, Directeur Général f. f. et Annabelle Dullin, Attachée au service Affaires économiques

Le contexte économique qui entoure l’arrivée du nouveau Gouvernement reste mitigé, avec des lueurs d’espoirs, mais également des zones d’ombres qui persistent. 

Ainsi, si en 2013 l’économie luxembourgeoise aura évolué en territoire plus positif, la croissance reste toutefois inférieure aux niveaux pré-crise. Les perspectives pour 2014 laissent entrevoir des éclaircies et une accélération de la croissance, alors que la situation en Europe s’améliore lentement, tandis que les Etats-Unis, la Chine et plusieurs économies émergentes envoient des signaux positifs quant aux perspectives macroéconomiques à moyen terme. Selon les projections macroéconomiques plutôt optimistes présentées au Formateur du nouveau Gouvernement, le 7 novembre, par le Comité de Prévision, la croissance réelle s’élèverait à 2,7% en 2014, à 1,8% en 2015 et même à 3,6% en 2016. 

Cependant, au Grand-Duché, les années de forte croissance semblent révolues. Ces tendances sont notamment confirmées par l’enquête Eurochambres 2014[1], cette dernière mettant en évidence une majorité d’indicateurs à nouveau en légère baisse entre 2012 et 2013. S’agissant des prévisions pour 2014, elles s’avèrent plus encourageantes : la part de réponses positives augmente et les anticipations favorables grimpent. Toutefois, les entreprises misant sur une stabilité - soit une stagnation à un niveau relativement bas - restent très nombreuses. 

L’évolution conjoncturelle exceptionnelle ne parvient désormais plus à camoufler les faiblesses structurelles du pays. Près de 70% des firmes interrogées dans le cadre de l’enquête EES2014 prévoient que leur effectif restera stable en 2014, tandis qu’à peine 17,5% d’entre elles entrevoient une hausse de ce dernier. Le nouveau Gouvernement ne peut guère compter sur une forte reprise économique pour résorber les déficits structurels du pays. En raison de ce changement de paradigme, marqué par une croissance molle prolongée et l’ajustement conséquent du modèle socio-économique luxembourgeois, la Chambre de Commerce souligne la nécessité de la mise en œuvre, sans retard, d’un ambitieux plan de sortie de crise basé sur le leitmotiv du « faire mieux avec moins ».

Ce plan de sortie de crise doit comporter notamment les quatre volets suivants, à savoir la libération du potentiel de croissance à travers un plan en faveur de la compétitivité, le soutien à la création d’emploi en général, et des jeunes en particulier, la réforme du système d’éducation, le redressement des finances publiques et la mise en œuvre de mesures incisives tendant à mieux maîtriser les prix du logement.

1. Les perspectives pour 2014 s’améliorent, mais la situation reste difficile pour les entreprises luxembourgeoises 

Le climat des affaires, indicateur phare de l’enquête Eurochambres pour appréhender l’état d’esprit des entrepreneurs s’agissant de l’année à venir, en l’occurrence 2014, s’améliore mais les soldes (différences entre les réponses favorables et les réponses défavorables) restent négatifs. 

En termes de chiffre d’affaires global, les anticipations nettes sont davantage optimistes dans le secteur des services mais les perspectives dans le secteur manufacturier sont fortement en hausse par rapport à l’enquête précédente, démontrant ainsi que davantage d’entreprises s’attendent à une hausse de leur chiffre d’affaires total qu’à une baisse de ce dernier. Ces résultats doivent toutefois être nuancés puisque plus de la moitié des entreprises indiquent une stabilisation de leur chiffre d’affaires en 2014. Le commerce international, et par conséquent, les débouchés à l’exportation, retrouvent une certaine vigueur, ce qui se traduit dans les anticipations en termes de chiffre d’affaires à l’exportation. Les perspectives en termes de chiffre d’affaires à l’exportation s’avèrent plus élevées que celles relatives au chiffre d’affaires national.

Près de 70% des firmes interrogées prévoient que leur effectif restera stable en 2014. Si le taux de création d’emplois ne connait qu’une légère croissance, des répercussions néfastes sur le modèle socio-économique luxembourgeois et sur l’évolution du chômage risquent d’apparaître.

En ce qui concerne les investissements, 67% des entreprises interrogées estiment que ces derniers resteront stables en 2014. Une stabilité des investissements rime plus avec un simple remplacement des anciens outils de production par des outils plus récents, mais guère avec un accroissement marginal de la capacité productive de l’économie.

Les résultats qui précèdent semblent indiquer que les effets de la crise économique et financière continuent à peser sur les entreprises luxembourgeoises. Pour beaucoup d’entre elles, les coûts de production progressent rapidement, et plus vigoureusement que les gains de productivité le permettent, avec des effets négatifs sur leurs marges ainsi que sur leur confiance, ce qui affecte logiquement leur propension à investir et à recruter.

2. Changement de paradigme : des performances macroéconomiques trop faibles pour compenser nos faiblesses structurelles

Le Luxembourg entre dans une nouvelle ère, caractérisée notamment par des taux de croissance économique plus faibles que ceux qui prévalaient par le passé et avant la crise. Or, le modèle socio-économique luxembourgeois s’est établi au cours d’une période faste, au cours de laquelle la croissance était robuste, la création d’emploi vigoureuse, le chômage marginal et les recettes budgétaires abondantes. Cette époque est révolue. Face à ce changement de paradigme, des réformes ambitieuses doivent être instaurées rapidement, au risque de voir le modèle luxembourgeois péricliter.

Le plan de sortie de crise doit comporter quatre volets, à savoir la libération du potentiel de croissance à travers un plan en faveur de la compétitivité, le soutien à la création d’emploi en général, et des jeunes en particulier, la réforme du système d’éducation, le redressement des finances publiques et la mise en œuvre de mesures incisives tendant à mieux maîtriser les prix du logement. Le désir du changement et de sortir des chemins battus est palpable dans le nouveau programme gouvernemental, ce dont la Chambre de Commerce se félicite. 

Si elle estime que les mesures présentées dans le programme gouvernemental pour la nouvelle législature sont un premier pas dans la bonne direction, la Chambre de Commerce attend avec impatience les détails concernant leurs modalités pratiques et la mise en œuvre rapide et effective des réformes annoncées. Après le « délai de grâce », d’organisation et de repositionnement de 100 jours, l’équipe en charge devra rapidement démontrer si la volonté de moderniser, d’adapter et de remettre en question portera des fruits concrets ou, au contraire, demeurent de simples déclarations d’intentions, ce qui serait néfaste pour notre pays.

Méthodologie de l’enquête EES2014

L'Association des Chambres de Commerce et d’Industrie européennes, Eurochambres[2], a procédé cette année à la 21e édition de son enquête annuelle sur la conjoncture européenne. Cette enquête qualitative est basée sur un questionnaire harmonisé qui est envoyé aux entreprises européennes.

La Chambre de Commerce réalise l’enquête Eurochambres 2014 au Grand-Duché de Luxembourg, en collaboration avec TNS-Ilres qui a effectué la collecte des données par téléphone au cours des 2 premières semaines d'octobre 2013. 

Le panel de départ comptait 1.154 entreprises du secteur industriel et manufacturier ainsi que du secteur des services. Les entreprises interrogées sont réparties selon la nomenclature européenne NACE-REV2. Sept catégories d’activités sont répertoriées au sein des deux secteurs, industriel et manufacturier d’une part (codes A, B, C et G) et des services, d’autre part (codes D, E et F). 

Tableau 1 : Catégories répertoriées au sein des deux secteurs (industriel et manufacturier, d’une part, et des services, d’autre part)

Secteur industriel et manufacturier

Secteur des services

: « Fabrication de produits métalliques, machines et matériel de transport »

D : « Vente en gros et détail, réparations, hôtels, restaurants »

: « Autres industries manufacturières »

E : « Transport, entreposage et communication »

: « Construction »

: « Intermédiation financière et activités auxiliaires, autres activités de services »

: « Autres (exploitations minières, carrières et électricité, gaz et eau) »

Sur l’ensemble des entreprises interrogées, 772 ont répondu au questionnaire (ce qui représente un taux de réponse de 66,9%), dont 272 du secteur industriel et manufacturier (35,2%) et 500 entreprises représentant le secteur des services (64,8%). L’échantillon, qui inclut les entreprises d’au moins 10 salariés[3], est donc représentatif de tous les secteurs de l’économie luxembourgeoise, exception faite de l’agriculture, de la santé et de l’administration. 

L’économie du Luxembourg se compose principalement de petites et moyennes entreprises.  Afin de donner une image représentative de l’économie luxembourgeoise, les résultats ont été pondérés et sont ainsi supposés s’appliquer à toute société luxembourgeoise correspondant aux critères de l’étude.

Les personnes souhaitant davantage de renseignements peuvent s’adresser aux Affaires Economiques de la Chambre de Commerce (tél. : 42 39 39 - 350, e-mail : eco@cc.lu ). Le dossier du Merkur 10-2013 présentant les principaux résultats de l’EES2014 peut être téléchargé ici. Le rapport complet à l’échelle européenne peut être consulté sur le site d’Eurochambres.


[1] La 21e enquête Eurochambres, l’EES2014, apprécie l'évolution des principaux indicateurs de la vie économique en 2013 et met en évidence les prévisions des entreprises pour l’année 2014, et ce en distinguant entre le secteur de l’industrie manufacturière et le secteur des services.

[2] Eurochambres regroupe 45 Chambres de Commerce et d'Industrie nationales et 2.000 régionales et locales. Elle représente quelque 20 millions d'entreprises en Europe. La mission de l'association, qui a son siège à Bruxelles, est de défendre les intérêts des milieux d'affaires européens et de promouvoir et de renforcer les relations et la collaboration entre les Chambres de Commerce européennes (www.eurochambres.eu).

[3] Ainsi, l’étude exclut les micro-entreprises de moins de 10 salariés.