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Le 12 mai dernier, le Tribunal de l’Union européenne (ci-après, le « Tribunal ») a rendu deux arrêts très attendus en matière d’aides d’état présumées octroyées par le Luxembourg par voie de décisions fiscales anticipées (ou « rulings ») jugées incompatibles avec l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après, le « TFEU ») - par la Commission européenne en 2017.

1. Amazon (affaires jointes T-816/17 et T-318/18)

Dans cette première affaire qui concernait le transfert d’actifs immatériels vers le Luxembourg par diverses sociétés du groupe et leur mise à disposition, le Tribunal a conclu à l’absence de démonstration suffisante par la Commission d’un avantage sélectif, en raison de plusieurs erreurs de raisonnement commises par cette dernière. Après avoir rappelé que l’avantage doit s’apprécier et se prouver par rapport à une imposition dite « normale »[1], le Tribunal estime que la Commission aurait dû tenir compte de certaines fonctions et risques assumées par l’entité luxembourgeoise faitière pour conduire son analyse sur les prix de transfert. De même, elle reste en défaut de démontrer en quoi l’administration fiscale luxembourgeoise n’aurait pas appliqué l’analyse au bon contribuable, à savoir, la société faitière luxembourgeoise (fiscalement transparente) et non la filiale luxembourgeoise. Et quand bien même ç’aurait été le cas, des erreurs additionnelles méthodologiques d’application des règles d’évaluations ont été relevées par le Tribunal (notamment l’absence de prise en compte de l’augmentation de valeur de certains actifs incorporels). Partant, le Tribunal annule la décision de la Commission.

2. Engie (affaires jointes T-516/18 et T-525/18)

Dans cette seconde affaire, la Commission contestait un montage tripartite entre deux sociétés luxembourgeoises mère et fille du groupe Engie et un intermédiaire car permettant de transférer des activités intra-groupe à un traitement fiscal favorable[2]. Après avoir précisé que la Commission n’avait pas outrepassé ses compétences en examinant l’imposition dite « normale » selon le droit fiscal luxembourgeois en l’absence d’harmonisation, le Tribunal a estimé qu’en matière fiscale, l’examen du critère de l’avantage et celui de la sélectivité coïncident. Par conséquent, il existe un avantage sélectif généré par l’effet combiné de la déductibilité d’un revenu au niveau d’une filiale et de son exonération ultérieure au niveau de sa société mère, contrairement à l’esprit du régime européen dit « mère-fille » selon un approche économique globale et non segmentée par transaction. Par ailleurs, le Tribunal donne raison à la Commission sur une base additionnelle, à savoir, l’abus de droit. Il estime, en effet, que les conditions d’application de cette notion juridique étaient remplies et auraient dû être appliquées au cas d’Engie par les autorités fiscales luxembourgeoises. La tolérance des autorités a ainsi généré un avantage au profit du groupe Engie. Partant, le Tribunal confirme la décision de la Commission.

Les parties disposent maintenant de 2 mois et 10 jours pour faire appel des décisions devant la Cour, le cas échéant.


[1] S’agissant d’une société intégrée dans un groupe, elle doit être placée, à des fins de comparaison, dans une situation factuelle virtuellement semblable pour conclure à l’existence ou non d’un avantage. Ainsi, les transactions intra-groupe doivent s’apprécier à la lumière de transactions similaires indépendantes effectuées à des prix de marché.

[2] Seule la société filiale luxembourgeoise payait de l’impôt sur une marge convenue dans un ruling grâce à la combinaison (i) de la souscription d’un prêt consenti par la société intermédiaire convertible en actions de la filiale et dont le montant représentait le montant nominal du prêt, majoré d’une prime égale à l’ensemble des bénéfices réalisés par la filiale  et (ii) de la conclusion avec la société holding d’un contrat de vente à terme prépayé des droits sur les actions que la filiale émettra à la conversion prêt.