Table ronde - Des solutions et de l’ambition pour relancer l’attractivité et la compétitivité du modèle économique

Affaires économiques

Le Luxembourg s'est démarqué ces dernières décennies grâce à sa capacité à s'adapter aux mutations économiques. Mais son modèle est actuellement mis à rude épreuve face aux poussées inflationnistes, à un coût élevé du foncier pour développer de nouvelles activités et à une compétitivité qui stagne. Lors d’une table ronde, organisée ce 15 mai, la Chambre de Commerce a réuni les candidats de partis politiques en lice pour les élections législatives afin de débattre de mesures concrètes autour d’une question : "Comment relancer l’attractivité et la compétitivité du modèle économique ?". 

Face à un public rassemblant quelque 280 personnes, les candidats ont esquissé leurs propositions d’action concernant le coût du travail et le mécanisme d’indexation, la compétition fiscale, ainsi que la diversification et réindustrialisation de l’économie.

D’entrée de jeu, le Directeur général de la Chambre de Commerce a donné le ton des réflexions de la soirée. « Le premier courage, c’est celui de regarder nos faiblesses », a souligné Carlo Thelen en ouverture de la table ronde rassemblant les candidats de huit partis politiques. La perte de compétitivité, dans le contexte de polycrises que nous connaissons, a dégradé les performances des entreprises et par extension leur rentabilité. Dans les classements sur la rentabilité des sociétés non financières, le Luxembourg figure parmi les derniers, très loin derrière la moyenne européenne.

Cette baisse de rentabilité se traduit dans les bilans financiers des entreprises. Comme le montrent les enquêtes menées par la Chambre de Commerce, les entrepreneurs font part d’une vive perte de confiance, cette dernière étant notamment très marquée chez les dirigeants de PME. Dans la nouvelle édition du Baromètre de l’Economie, dont les premiers résultats ont été révélés en exclusivité lors de la table ronde (ils seront rendus publics sous peu), on observe que le niveau de confiance en l’avenir de l’économie luxembourgeoise est au plus bas, inférieur même à ce qu’il était au moment de la pandémie. Or, la confiance est un des moteurs de la croissance.

Pour répondre aux inquiétudes sur l’avenir des entreprises, le panel a rassemblé Lex Delles, ministre des Classes moyennes et du Tourisme, président et candidat DP ; Franz Fayot, ministre de l’Economie, de la Coopération et de l'Action humanitaire, et candidat LSAP ; Luc Frieden, candidat tête de liste CSV ; François Benoy, député et candidat Déi Gréng ; Fernand Kartheiser, député et candidat ADR ; Tommy Klein, candidat Piratepartei ; David Wagner, candidat Déi Lénk ; et Frank Engel, porte-parole et candidat Fokus.

Un des thèmes majeurs de la soirée a porté sur le coût du travail qui constitue aujourd’hui le principal frein à la compétitivité. Les tranches indiciaires successives appliquées depuis la crise du Covid ont notamment freiné les projets d’évolution des entreprises. Les conséquences pour l’emploi sont majeures : 40% des entrepreneurs disent avoir renoncé à des créations d’emplois et 45% affirment les avoir retardées. Enfin, les indexations ont conduit 52% des entreprises à différer certains projets d’investissement et 44% à tout simplement les annuler. Par ailleurs, si l’indexation coûte cher aux entreprises, elle conduit également à une augmentation des prix, ce qui nourrit l’inflation par un effet d’auto-allumage. Sur les 611 entreprises qui ont participé au Baromètre, 60% ont déclaré avoir répercuté partiellement les indexations successives sur leur prix et 27% les ont répercutées intégralement.

Si plusieurs candidats ont fait valoir que l’indexation faisait partie de la solution pour combattre l’inflation et la baisse du pouvoir d’achat, préserver la paix sociale et continuer d’attirer les talents, le caractère inégalitaire du système a été mis en avant, tant pour les salariés que pour les entreprises issues de secteurs d’activité particulièrement exposés, comme l’Horeca qui doit faire face à la fois aux augmentations des salaires, des loyers, des matières première et de l’énergie. La perte de la compétitivité face à la concurrence étrangère, le caractère coûteux de la mise en place du système d’indexation et la nécessité d’économiser pour permettre une croissance soutenue pour le financement de la sécurité sociale ont également été abordés. Parmi les solutions proposées, une indexation des salaires limitée aux salaires les plus faibles ou un forfait pour les plus fortunés, le plafonnement des prix de l’énergie, une simplification administrative et une flexibilisation de l’emploi et du temps de travail plus adapté au monde d’aujourd’hui. Par ailleurs, le recours à la digitalisation et à des solutions intelligentes pour optimiser les coûts salariaux, une diminution des charges patronales pour permettre d'investir dans la recherche et développement afin de disposer d'un avantage concurrentiel, ou encore le recours à l’énergie nucléaire et aux énergies renouvelables pour combattre l’inflation et réduire la dépendance du Luxembourg aux énergies fossiles, ont été avancées. Lors du panel, les débats ont également porté sur la compétition fiscale de plus en plus rude avec une imposition des sociétés qui a baissé dans tous les pays de l’OCDE ces dernières années. Les candidats ont abordé les solutions pour soutenir la place financière et rester attractif dans ce nouveau contexte.

Si pour certains candidats, le facteur fiscal n’est pas pénalisant pour les entreprises et que le Luxembourg offre un cadre fiscal suffisamment attractif et compétitif, la compétitivité fiscale est pour d’autres, un élément clé de développement. La baisse des taxes, une fiscalité attractive propres à encourager les investisseurs, moins de contraintes environnementales sans remettre en cause l’intégration de l’environnement et un soutien accru aux entreprises dans leurs efforts de décarbonation ont été largement débattus.

La résilience de l’économie et les défis territoriaux ont constitué le troisième grand axe de discussion avec notamment la diversification de l’économie, une réindustrialisation du Luxembourg au regard des politiques européennes renforcées (Net zero industry act) et des enjeux d’aménagement du territoire. Comme l’a rappelé Carlo Thelen, la forte croissance du Luxembourg n’a pas été suffisamment anticipée et accompagnée ces dernières années. Alors que la qualité de vie a longtemps constitué l’un des moteurs de l’attractivité du Luxembourg, le pays est désormais un territoire sur lequel il est difficile de se déplacer ou de se loger, tant les prix de l’immobilier ont explosé au cours des dix dernières années. L’idée de proposer des zones d’activité économiques transfrontalières cogérées, ou encore des mesures incitatives pour diminuer la spéculation foncière, la construction en hauteur ou en favorisant par exemple la circularité pour pallier le manque de logements ont été notamment abordés.

Face aux nombreux défis, le président de la Chambre de Commerce, Fernand Ernster a rappelé l’importance d’agir de concert : « Donnons-nous les moyens d’exceller dans la diversification du tissu économique, d’agir sur la disponibilité de zones d’activités pouvant favoriser la croissance, de maîtriser les coûts de l’énergie et de maintenir une place financière compétitive. Les entreprises et les pouvoirs publics doivent ici travailler étroitement ensemble. »

Tout au long de la soirée, des témoignages de chefs d’entreprise sont venus enrichir les discussions. Ainsi, Stéphanie Jauquet, fondatrice de l’enseigne nationale Cocottes et directrice des restaurants Um Plateau, Tempo et La Baraque – Friterie, Béatrice Belorgey, Présidente du Comité exécutif de BGL BNP Paribas et Responsable Pays du Groupe au Luxembourg, Valérie Massin, Responsable des Ressources Humaines chez Arcelor Mittal, et enfin, Maxim Straus, CFO auprès de Cargolux Airlines International, ont partagé leurs expériences et inquiétudes dans les secteurs de l’Horeca, bancaire, de l’industrie et de la logistique. Ces récits ont enrichi les réflexions sur les pistes d’action à prendre prioritairement.

 

La campagne de la Chambre de Commerce pour les élections législatives s’articule autour d’une série de publications thématiques. Deux livrets, disponibles en ligne, proposent un état des lieux ainsi que des mesures phare relatives à :

(de gauche à droite) Carlo Thelen, Directeur général Chambre de Commerce - Lex Delles, ministre des Classes moyennes et du Tourisme, président et candidat DP - Franz Fayot, ministre de l’Economie, de la Coopération et de l'Action humanitaire, et candidat LSAP - Fernand Ernster, président Chambre de Commerce - Luc Frieden, candidat tête de liste CSV
Fernand Ernster, président Chambre de Commerce
Carlo Thelen, Directeur général Chambre de Commerce