Start-Up
En croissance rapide, Wizata emploie actuellement 20 personnes et envisage de continuer à s’étendre à l’international. Jean-Philippe Hugo CEO, Wizata (De g. à dr. :) Olivier Dal Zuffo et Philippe Maes, associés et Jean-Philippe Hugo, CEO. Jean

Depuis sa création en 2014, l’objectif de Wizata est d’aider les entreprises industrielles à optimiser des processus de production devenus complexes à l’aide de l’Intelligence Artificielle (IA). Pour rester compétitif, il est important de considérer la ligne de production dans son ensemble et de relier les données entre elles. C'est là que l'IA prend toute sa dimension. Entretien avec Jean-Philippe Hugo, fondateur de Wizata.

Comment a germé l’idée de créer Wizata ?
Nous sommes quatre associés à nous être lancés dans ce projet. Les trois autres associés sont mes anciens patrons. J’ai travaillé pendant cinq ans au sein de leur société de conseil, Nerea, qui était à l’époque leader en Belgique et au Luxembourg sur les solutions CRM de Microsoft. En 2017, la société a été rachetée par Prodware, partenaire stratégique de Microsoft. Je suis développeur informaticien de  formation. Au cours de mon expérience professionnelle auprès de clients dans le secteur industriel et l’industrie lourde, en particulier, j’ai été très vite confronté à la complexité des scénarios de production. J’ai décidé de développer des solutions innovantes pour améliorer les processus sur les lignes de production, et donner le meilleur de la Data Science et de l’IA pour optimiser les procédés de  abrication. Les industries spécialisées dans la transformation de matières premières comme l’acier, le verre, la chaux, etc. sont équipées de machineries lourdes et les process sont parfois d’un autre âge. Plusieurs facteurs interviennent dans la production des matériaux finaux, à commencer par la qualité variable des matières premières qui rend les processus de transformation instables. Notre défi est d’améliorer le rendement en réduisant le taux de déchets des matières premières et de pérenniser les machines, en évitant les temps d'arrêt imprévus et très onéreux.

D’où vient le nom de votre société ?
C’est une combinaison de plusieurs concepts : nous avons « wisdom » qui signifie la sagesse en anglais, on retrouve aussi le mot « data », en référence aux données que nous exploitons et « wizard » qui évoque la magie de la digitalisation. Wizata, c’est tout cela à la fois.

Quelle est la valeur ajoutée de Wizata et à quel niveau intervenez-vous concrètement ?
Les problématiques industrielles sont complexes et chaque client sait ce qui lui coûte cher. Nous intervenons en partant des problèmes pour aller jusqu’à l’automatisation. Grâce à l’IA, Wizata exploite la puissance du Machine Learning avec des algorithmes en apprentissage continu pour améliorer leur précision et générer des solutions qu’un cerveau humain ne peut imaginer. Notre méthodologie pour atteindre l'objectif défini, traite trois types de données : informatiques (analyse de la production), scientifiques (poids, quantité de matières premières, etc.) et les données dites « influençables » qui vont recommander des valeurs pour un meilleur paramétrage de la machine en temps réel. L’objectif est de déterminer et contrôler le réglage optimal des machines pour optimiser l’utilisation des ressources et augmenter le rendement de manière significative, stabiliser la production et minimiser l’usure des machines et le coût énergétique. L'IA suggère les meilleures actions par analyse prescriptive. Les directeurs d’usine ou les chefs-opérateurs assistés par l’IA, peuvent optimiser le rendement de la société de manière efficiente, dynamique et holistique, grâce à l’impact d’actions localisées sur l’ensemble de la chaîne de production.

Pourquoi avoir choisi le secteur de l’industrie des matières premières ?
Nous avons une bonne connaissance du secteur pour lequel il existe un marché. Les enjeux sont cernés et concrets : analyse de la production, réduction des coûts, réduction de la consommation, de l’usure des machines qui représentent un investissement lourd, des matières premières, etc. L’impact de la technologie est directement quantifiable.

Est-il simple de faire comprendre à vos clients les enjeux de la digitalisation ?
Il est encore assez difficile de faire comprendre aux industries les opportunités de la transformation digitale. Il s’agit d’un changement de culture avec l’introduction de processus disruptifs. Notre premier rôle est de conseiller et d’accompagner nos clients, en prenant le temps nécessaire pour expliquer l’intérêt des nouvelles technologies.

Comment avez-vous construit votre business model ?
Notre produit consiste en une plateforme. Le client paie un abonnement et se connecte à l’outil hébergé sur le cloud. Nous offrons à nos clients le pouvoir de développer et de déployer leur IA en gérant en interne les données et en gardant la propriété intellectuelle de leurs produits. Notre outil a été développé pour les ingénieurs qui sont les mieux placés en matière de connaissance du produit. Nous avons parmi nos clients, les plus grands groupes du secteur métallurgique comme ArcelorMittal, Paul Wurth, Ceratizit ou Aperam, ainsi que d’autres géants de la transformation de matières premières comme LafargeHolcim et Carmeuse.  Le prix d’entrée se situe à 5.000 euros pour l’accès à la plateforme Wizata pour une ligne de production. L’amélioration du rendement peut être constatée dès les trois premiers mois. Plus le client digitalise, plus il améliore ses performances.

Pourquoi avez-vous opté pour le Luxembourg pour vous établir ?
Je suis originaire de la Grande Région. Le Luxembourg s’est imposé comme une évidence pour nous et nous avons décidé d’y établir notre siège. Le pays dispose d’infrastructures modernes, d’organismes compétents et accessibles et il offre des avantages certains avec des chemins décisionnels et opérationnels courts. Le gouvernement met également tout en oeuvre pour attirer les talents et soutient les initiatives visant à développer l’industrie 4.0.

Quelles étapes ont marqué le développement de Wizata depuis sa création ?
Wizata a participé à plusieurs concours. En 2016, nous avons remporté le prix Startup of the Year dans le cadre des Luxembourg Information & Communication Technologies (ICT) Awards. En 2017, notre société s’est vu attribuer le prix Microsoft Country Partner of the Year pour le Luxembourg. Wizata avait déjà obtenu des certifications Golden ‘Data Analytics’ et ‘Cloud Platform’ auprès de Microsoft, leader du cloud computing et de l’IA. Travailler avec des partenaires techniques fait partie de l’ADN de Microsoft. Ils vendent leur cloud et nous permettent de valoriser nos produits et d’être reconnus pour nos solutions innovantes. C’est un partenariat équilibré ! Plus récemment, en 2018, nous avons réalisé une levée de fonds de 1,5 million d’euros, dont 500.000 euros auprès du Digital Tech Fund. Ce fonds soutient l'écosystème des startups technologiques au Luxembourg.  Il participe aussi à des initiatives industrielles avec des acteurs locaux clés, tels que le pôle industriel de Luxinnovation, la Chambre de Commerce et la Fedil. Plus qu’un simple apport financier, les investisseurs de ce fonds nous apportent leur vision et nous font réfléchir à nos choix stratégiques. Une autre partie des fonds provient du Young Innovative Enterprise, un instrument de l’Etat luxembourgeois géré par Luxinnovation et destiné à soutenir la croissance des jeunes entreprises innovantes. En avril 2019, la Chambre de Commerce nous a offert une belle visibilité avec de bonnes retombées économiques grâce à l’organisation d’un stand commun à la Foire de Hanovre. Ces encouragements sont une reconnaissance de ce que nous apportons pour la société et les entreprises.

Avez-vous identifié des concurrents ?
Certaines sociétés vendent de l’ingénierie et deux autres startups localisées en Israël et aux Etats-Unis utilisent l’IA et ont développé des outils différents de ceux que nous proposons. L’industrie 4.0 se développe très vite et avec des visions différentes. L’avenir nous dira si notre vison est la bonne ! Wizata a eu la chance d’arriver sur le marché au bon moment et a pris quelques longueurs d’avance.

Quelles sont les prochaines étapes ?
Wizata compte aujourd’hui une vingtaine de personnes de dix nationalités différentes. Nous allons étendre notre centre de R&D au Luxembourg pour proposer nos solutions au monde entier et implanter le meilleur de l'IA sur les lignes de production. Nous avons pour ambition de poursuivre notre développement à l’international avec plusieurs équipes commerciales déjà en place en Allemagne, en Autriche, en Suisse et en Belgique. D’ici cinq ans, nous souhaitons pouvoir figurer parmi les leaders mondiaux pour les solutions 4.0 dans l’industrie des matières premières.

Un conseil d’entrepreneur à entrepreneur ?
Savoir s’entourer de personnes aux compétences et expériences multiples constitue une solide richesse pour construire un projet d’entreprise. En tant que développeur informaticien, l’aspect relationnel avec les clients et les médias lié à ma fonction de CEO a pris une ampleur que je n’avais pas prévue. Il faut savoir jongler avec toutes ces opportunités et incertitudes. Mais c’est très enrichissant, émotionnellement et humainement.

www.wizata.com

TEXTE Marie-Hélène Trouillez - PHOTOS Eric Devillet (01), Matthieu Freund-Priacel / Primatt Photography (02, 03, 04)