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Affaires Juridiques - Echanges et renseignements fiscaux sur demande

La Chambre de Commerce entend attirer l’attention, au travers de cette brève, sur un arrêt de la Cour Constitutionnelle rendu le 28 mai dernier[1] en matière d’échange de renseignements sur demande, qui s’inscrit dans la droite de ligne de l’arrêt dit « Berlioz[2] » qu’il convient cependant de distinguer[3].

Dans la présente affaire, un couple, résidant en Suisse, a fait l’objet d’une demande de renseignements de la part des autorités suisses au sujet de certaines données bancaires luxembourgeoises. Cette demande a été transmise par le directeur de l’administration des Contributions directes à Luxembourg sous forme d’une décision d’injonction à l’établissement bancaire luxembourgeois en sa qualité de détenteur des renseignements.

Les époux suisses ont introduit un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de ladite décision d’injonction devant le Tribunal administratif à Luxembourg. Après avoir écarté le débat sur la loi applicable et plusieurs moyens au fond, le Tribunal a admis la demande sur base d’une éventuelle contrariété de l’article 6 (1) de la loi du 25 novembre 2014 - prévoyant l’absence de recours contre la décision d’injonction - aux principes de valeur constitutionnelle de légalité et de l’Etat de droit implicitement prévus à l’article 95 de la Constitution.

L’arrêt de la Cour constitutionnelle est important à plusieurs égards. Tout d’abord, il vient confirmer que les principes de légalité et de l’Etat de droit peuvent se déduire implicitement, mais nécessairement, de l’article 95 de la Constitution. Ensuite, et par voie de conséquence, la consécration constitutionnelle de ces principes rend la question préjudicielle du Tribunal administratif recevable quant à savoir si l’absence de recours à l’encontre d’une décision d’injonction et donc plus généralement, l’absence d’un accès à un juge et à un recours effectif est contraire à ces deux principes. Dans la mesure où cette question préjudicielle du Tribunal a déjà fait l’objet d’une question préjudicielle par la Cour administrative à la Cour de Justice de l’Union européenne dans une autre affaire[4], la Cour constitutionnelle a décidé de surseoir à statuer jusqu’à ce que cet arrêt soit rendu.

Il faut savoir que la procédure d’échange de renseignements sur demande a fait l’objet d’un remaniement important dans la loi du 25 novembre 2014. Si la procédure de recours initialement prévue dans le projet n°6680 qui a abouti à cette loi de 2014 était déjà insatisfaisante aux yeux de la Chambre de Commerce[5] en termes de respect des droits de la défense et de respect de la vie privée, le texte final a abouti à la suppression pure et simple de tout recours. Suite à l’arrêt Berlioz précité, un recours avait été réintroduit par la loi du 1er mars 2019. Le cas présent est partant encore à analyser sous l’empire de la loi du 25 novembre 2014.

La Chambre de Commerce n’avait pas manqué de mettre en exergue ces points dans ses différents avis émis en la matière et ne peut que saluer les évolutions allant dans le sens d’une sécurité juridique accrue dans le respect des droits de la défense pour ses ressortissants, œuvrant ainsi en faveur du droit des affaires.


[1] Cour Const., 28 mai 2019, n°00146 du rôle.

[2] CJUE, 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund SA c/ directeur de l’administration des Contributions directes, C682/15.

[3] Dans le cas présent, la décision d’injonction est prise sur base de la convention préventive de double imposition entre la Suisse et le Luxembourg.

[4] Cour Adm., 14 mars 2019, n°41487C du rôle

typo3/ [5] Cfr notamment avis de la Chambre de Commerce n°4242 du 16 juin 2014