Corporate Sustainability Due Diligence - Déclaration commune des représentants du monde des entreprises sur la proposition de directive pour un devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité

Actualités juridiques
RSE
Chambre de Commerce

Dans le prolongement de sa prise de position[1] sur la proposition de la Commission européenne (ci-après, la « Commission ») pour une Directive du Parlement européen et du Conseil sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et amendant la Directive (UE) 2019/1937[2], ainsi que de ses différentes autres interventions en la matière[3], la Chambre de Commerce a eu l’opportunité de participer à l’élaboration de la récente déclaration commune signée par 21 représentants du monde des entreprises. Parmi les signataires de la déclaration figure notamment l’association européenne des chambres de commerce nationales, Eurochambres[4], dont la Chambre de Commerce est membre.

Eurochambres, aux côtés des 20 autres représentants d’entreprises signataires de cette déclaration à destination des colégislateurs, réaffirme son soutien à l’initiative de la Commission pour un cadre juridique européen tout en présentant sept recommandations pour la suite des travaux législatifs[5], ayant comme objectif principal, l’introduction d’un devoir de vigilance proportionnel et efficace.

Les signataires de la déclaration se focalisent sur l’impact de la future directive tant sur les entreprises entrant dans son champ d’application personnel que sur toutes les autres entreprises européennes qui seront fortement impactées par sa mise en pratique et, en particulier les petites et moyennes entreprises.

Ils ont notamment souhaité rappeler l’importance du respect du principe de proportionnalité quant aux nouvelles obligations matérielles imposées, le besoin pour plus de sécurité juridique et pour un meilleur alignement du texte de la proposition sur l’approche basée sur les risques encourus (telle que préconisée par les instruments juridico-gestionnaires et standards normatifs existants).

Ils ont également relevé que les obligations des membres de l’organe de gestion des entreprises assujetties n’ont pas de place dans cette directive et ce, car une telle inclusion risque d’interférer avec le droit national des sociétés sans pour autant que sa valeur ajoutée dans la poursuite des objectifs du texte ne soit définitivement prouvée. 

La teneur des sept recommandations[6], telles que formulées par les signataires de la déclaration, est comme suit :

  1. Il est primordial d’insister sur une harmonisation maximale au titre des obligations nouvellement introduites par le biais de cette directive, élément nécessaire pour éviter la fragmentation du marché unique de l'UE et garantir des conditions de concurrence équitables. Le recours, par exemple, à une clause dite « clause de marché intérieur »² permettrait au cadre européen de devenir une référence en la matière. Il faudrait éviter tous azimuts la création de 27 cadres nationaux différents.
  2. Se concentrer sur tous les aspects de l’ensemble de la chaîne de valeur n’est ni gérable ni réaliste. Les chaînes d’approvisionnement (à savoir, une partie uniquement de la chaîne de valeur) peuvent à elles seules comprendre plusieurs niveaux avec des centaines ou des milliers de sites, de lignes de produits et d’entités. Les entreprises devraient être autorisées à hiérarchiser la gestion des risques les plus importants et avoir la liberté de prendre les mesures appropriées pour mettre fin, prévenir ou atténuer les impacts négatifs identifiés, conformément à une approche fondée sur le risque. Une telle priorisation garantirait aussi l’efficacité de ce nouveau cadre et éliminerait le risque d’un abandon (certainement contre-productif) des chaînes de valeur. Les obligations devraient être proportionnelles à la taille et aux moyens de l’entreprise concernée.
  3. La réglementation du « duty of care » des administrateurs[7] n’est pas nécessaire pour atteindre les objectifs de l’initiative et partant, elle ne devrait pas faire partie du cadre proposé. Elle risque en outre d’interférer avec les systèmes nationaux de droit des sociétés et de créer de l’incertitude juridique, alors que sa valeur ajoutée pour la capacité des entreprises à exercer leur devoir de vigilance de manière efficace n’est point certaine.
  4. La liste des normes/conventions de l’annexe de la proposition est trop étendue et elle est source d’incertitude juridique. La plupart des normes de l'annexe ne sont applicables qu'à des Etats et non pas à des entités juridiques de droit privé. Il conviendrait de revoir et raccourcir cette liste, d’indiquer clairement quelles sont les exigences directement applicables aux entreprises et de fournir des conseils sur la façon dont elles devront être mises en œuvre.
  5. Les dispositions relatives à la responsabilité civile des entreprises assujetties doivent être équilibrées et tenir compte du fait que le devoir de vigilance se traduit par une série d’obligations de moyens (par opposition aux obligations dites « de résultat »). Les entreprises ne devront pas être tenues responsables de dommages qu’elles n’ont pas causés ou auxquels elles n’ont pas directement contribué (intentionnellement ou par négligence).
  6. Des orientations claires doivent être adoptées et mises à disposition avant l’entrée en vigueur des règles pour aider les entreprises à se conformer à la nouvelle législation et les autorités nationales à la faire appliquer. De la guidance sur l’application des lignes directrices et des normes internationales existantes seraient utiles dans un nombre de cas spécifiques (e.g., quant à certaines industries ou certaines matières premières). Il convient de mettre davantage l’accent sur les initiatives multipartites et sectorielles visant à soutenir les efforts des entreprises (à titre d’illustration, par le moyen de la reconnaissance officielle des initiatives pertinentes).
  7. La future directive devrait permettre aux entreprises faisant partie d’un groupe de sociétés et entrant dans son champ d’application personnel, d’organiser et de mettre en œuvre leur devoir de vigilance au niveau de leur groupe.

Les signataires concluent leur déclaration en rappelant que la communauté européenne des affaires est prête à s’engager de manière constructive pour que le cadre à venir soit adapté à son objectif.

Il convient de rappeler que ces recommandations arrivent pendant une phase cruciale du processus législatif européen et visent, selon ses auteurs, à améliorer l’apport général de la proposition de la Commission tout en assurant son efficacité sur le long terme et pour toutes les parties concernées.

Pour rappel, le Conseil de l’UE a adopté, le 1er décembre 2022, sa position de négociation (dite « orientation générale »[8]) concernant la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité. La proposition de directive fait actuellement l’objet de travaux au sein du Parlement européen, lesquels devront en principe se clôturer en mai 2023, avec l’adoption du rapport de la commission des affaires juridiques de l’institution.

A la suite de ses précédents appels[9], la Chambre de Commerce invite toutes les entreprises luxembourgeoises concernées à la contacter pour toute question ou commentaire en lien avec la présente, à l'adresse suivante : eu@cc.lu.


[2] Pour le texte de la proposition de directive en question, veuillez consulter le lien suivant : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52022PC0071

[3] Voir, inter alia, l’intervention d’Evgenia Kyriakaki, Senior Legal Advisor de la Chambre de Commerce, lors de la conférence organisée par l’éditeur Larcier, JurisNews Droit de l’Environnement, en date du 24 novembre 2022 avec la participation de la ministre de la Justice ; voir aussi, le papier de position d’Eurochambres en date du 1er juin 2022 auquel la Chambre de Commerce a eu l’opportunité de contribuer (sur ce lien : https://www.eurochambres.eu/publication/eurochambres-position-on-the-proposal-for-corporate-sustainability-due-diligence/).

[4] Eurochambres représente plus de 20 millions d'entreprises en Europe à travers 45 membres (43 associations nationales de chambres de commerce et d'industrie et deux organisations de chambres transnationales) et un réseau européen de 1700 chambres régionales et locales. Plus de 93 % de ces entreprises sont des petites et moyennes entreprises (PME). Les entreprises membres des chambres emploient plus de 120 millions de personnes.

[5] Pour la déclaration commune, et la liste complète de ses signataires, veuillez consulter le lien suivant : https://www.eurochambres.eu/wp-content/uploads/2023/01/23-01-19-Joint-Business-Statement-on-the-due-diligence-proposal-CS3D_final.pdf

[6] Traduction libre des sept recommandations, telles que formulées par les signataires de la déclaration susmentionnée. Veuillez vous référer à la version originale de la déclaration.

[7] Le terme « administrateur » est employé par la traduction française des services de traduction de la Commission la place du terme « director » du texte anglais de la proposition de directive.