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Success stories
Cédric Lescop et Maxime Bouchard CEO et Managing Director, Jetfly Jetfly gère une flotte de 40 avions Pilatus appartenant aux clients selon la formule de la propriété partagée. Les avions Pilatus allient un très grand confort intérieur avec une e

Un jour de 2010, le tandem Cédric Lescop, ancien pilote passionné d’aviation et Maxime Bouchard, féru de gestion et de stratégie, reprend les commandes de Jetfly, société d’aviation d’affaires qui fonctionne sur le principe de la propriété partagée. Depuis, le voyage se poursuit à haute altitude malgré quelques trous d’air provoqués par la crise de la Covid-19. La société, dont le modèle est solide ne craint pas les turbulences et continue d’avancer avec ses 40 appareils, 300 clients co-propriétaires et 300 salariés.

Quelle a été l’histoire de l’entreprise avant et après que vous ne la repreniez en 2010 ?
Maxime Bouchard : L’entreprise Jetfly avait été créée en 1999 par deux entrepreneurs passionnés d’aéronautique supportés par des investisseurs. En 2010, ces derniers ont souhaité céder l’affaire et, à notre tour, nous nous sommes associés à des investisseurs pour pouvoir l’acheter. Nous travaillions  déjà depuis deux ans au projet de reprendre ensemble une société. Quand l’opportunité Jetfly s’est présentée, nous n’avons pas hésité car elle correspondait parfaitement à nos profils. Cédric est passionné d’aviation et a déjà de l’expérience dans ce secteur et moi je suis passionné d’entrepreneuriat et j’ai une expérience dans la finance et le conseil. Après 10 ans, nous ne regrettons absolument pas notre choix.

Pouvez-vous nous expliquer le concept de « propriété partagée » et ce que paye exactement le client ?
Le système consiste à mutualiser l’achat d’un avion sur plusieurs clients. Ceux-ci acquièrent donc une part d’avion. Et cet achat est à la fois un actif sur lequel ils vont récupérer du capital au moment de la revente de l’engin, et un ticket d’entrée pour accéder à un quota d’heures de vol pour leurs besoins de déplacement. Cette formule est beaucoup moins onéreuse que le fait de posséder soi-même un jet car les coûts d’acquisition et d’opération sont partagés. En général, nous gardons les avions pendant 10 ans et les revendons ensuite sur le marché secondaire. Les propriétaires récupèrent donc une partie de leur mise, avec l’avantage que les avions que nous choisissons se décotent très peu.
En plus de cette mise de départ, les clients doivent souscrire un abonnement qui leur garantit la disponibilité d’un appareil sous 24 heures, où ils le désirent, quand ils le désirent et pour aller n’importe où en Europe. Cet abonnement sert à payer nos 110 pilotes dont 60 sont prêts à partir à tout moment, les autres étant en repos par rotation.
Enfin, les clients doivent payer les coûts directs des vols. Par rapport à la location ponctuelle d’un avion, notre formule peut revenir jusqu’à 30% moins cher. En effet, dans le cas d’une location, l’acheminement à vide de l’avion est facturé au client alors que nous optimisons l’utilisation des appareils sur l’ensemble des demandes clients. La différence de coût est encore plus marquée sur les trajets et destinations sur lesquels l’offre de location est restreinte et les tarifs élevés.

Qui sont les clients de ce genre de prestations ?
En règle générale ce sont des gens qui ont vraiment besoin de se déplacer et qui veulent de l’efficacité. Contrairement aux idées reçues, les principaux utilisateurs d’avions privés sont des gens qui se déplacent dans le cadre de leur activité professionnelle. Le client type est un homme ou une femme qui développe son propre business ou qui occupe une fonction dirigeante dans une entreprise.
Les secteurs d’activité les plus représentés sont l’industrie, la banque/finance, l’immobilier, le design ou l’architecture. Tous les clients sont basés en Europe : Angleterre, Suisse, Benelux, France, Allemagne ou Italie principalement. Depuis 2010, le nombre de clients a été multiplié par deux.

Tous vos avions sont des Pilatus. Quels sont les avantages et les risques à ne travailler qu’avec un seul fournisseur ?
Bien sûr qu’il y a une part de risque mais notre fournisseur est un groupe familial qui gère son affaire extrêmement sérieusement. Le risque est donc maîtrisé. Notre motivation est avant tout d’avoir les meilleurs produits du marché. Le Pilatus PC-12 est un avion 8 places, doté d’une grande cabine confortable tout en étant très maniable et capable de se poser sur de toutes petites pistes. Le PC-24, son grand frère est plus récent. Il a été lancé il y a 3 ans pour répondre à un besoin de rapidité. Ces deux avions répondent parfaitement aux attentes de nos clients.

En mars 2020, la crise Covid a brusquement débarqué. Avez-vous été impacté autant que les compagnies aériennes régulières ?
Notre situation n’est pas comparable à la leur car nous sommes beaucoup moins tributaires des vols de loisirs. Nous avons subi une crise très forte pendant trois mois avec un arrêt total des vols. Dès que ça a été à nouveau possible les clients se sont remis à voler. Ils ont compris que ce n’était pas interdit. En avril nous avons aussi fait beaucoup de rapatriements de clients coincés à l’étranger, qui désiraient rentrer chez eux. Il s’agissait d’un faible volume mais d’un service très apprécié. Un argument joue en notre faveur : les avions d’affaires garantissent de ne pas être mélangés avec d’autres passagers. Ils sont donc une bonne option quand il y a nécessité de se déplacer en temps de pandémie.

N’y a-t-il pas un risque d’assister à un changement important dans les façons de travailler, avec moins de besoins de déplacement ?
Nous ne le pensons pas car nos clients se déplacent déjà pour des raisons impérieuses, quand il faut rencontrer un partenaire, un client ou aller signer un contrat. Ce type d’impératifs existera toujours. La crise Covid a tout de même contribué à faire prendre conscience de l’impact du transport aérien sur l’environnement.

N’est ce pas encore plus vrai pour l’aviation d’affaires qui transporte peu de monde à la fois ?
L’aviation a mauvaise presse en effet. Mais elle ne représente que 2% des émissions de gaz à effet de serre et l’aviation d’affaires ne représente que 2% de ces 2%. Il faut mettre cela en perspective avec l’impact économique positif engendré par les personnes que nous transportons et être conscient que l’aviation représente des centaines de milliers d’emplois en Europe. Néanmoins il faut s’attaquer à la question de l’impact environnemental et pour cela nous avons plusieurs leviers. Nous avons sélectionné l’avion d’affaires qui consomme le moins au monde. Le Pilatus, monomoteur à hélice est en effet beaucoup moins gourmand qu’un avion à réacteurs. Ensuite, nous proposons à nos clients un programme de compensation.
Ils peuvent y souscrire pour financer des outils industriels plus verts ou la plantation d’arbres. Enfin, nous surveillons de près l’évolution des bio-carburants qui permettent de diminuer les émissions jusqu’à 30%. Nous sommes en train d’implémenter cette solution même s’il est encore difficile de s’approvisionner.
L’hydrogène est lui aussi très prometteur. Nos clients sont très conscients de ces questions et sont demandeurs de solutions.

Subissez vous la concurrence des grandes compagnies aériennes pour le recrutement des pilotes ?
Le recrutement de pilotes dans les grandes compagnies est très cyclique. Quand la tendance leur est favorable, les pilotes peuvent être tentés par la perspective de bénéficier de plans de carrière attractifs. Mais cela est surtout vrai pour les pilotes longs courriers, soit relativement peu de monde. En ce moment, il y a plutôt une pression à la baisse sur les salaires dans les compagnies. Les pilotes qui  travaillent chez nous apprécient la variété des expériences de vol. Nous leur permettons de fréquenter en moyenne 400 terrains différents par an alors qu’ils tourneraient sur 4 à 5 seulement dans une compagnie aérienne commerciale. Avec nous, ils visitent l’Europe entière et l’expérience est très enrichissante avec de tout petits terrains, des terrains de montagne ou des pistes en herbes.

Quelles sont vos perspectives pour les années à venir ?
Nous sommes convaincus que l’aviation point à point que nous proposons va se développer car elle permet des gains de temps précieux, qui peuvent se traduire en gain économiques, avec des déplacements moins longs et plus efficaces, et écologiques car ces déplacements ne nécessitent pas de multiplier les moyens de transport. Aux États-Unis, il y un dicton qui dit « no plane, no gain ». En Europe l’aviation d’affaires souffre encore d’une réputation élitiste mais c’est en train de changer à force d’expliquer ses avantages sur l’aviation commerciale. Les procédures d’enregistrement en aéroport ont été considérablement complexifiées après les attentats de New York et aujourd’hui avec la Covid, les embarquements sont encore plus longs. Or il est important pour nos clients d’avoir une solution efficace et qui protège la santé de leurs cadres. Nous avons beaucoup de nouvelles demandes, notamment de la part de grosses entreprises qui consacrent de toute façon des budgets importants aux déplacements. Pour autant, nous ne souhaitons pas grandir indéfiniment. Nous voulons développer la structure dans un esprit de qualité et maintenir le sentiment de grande famille aussi bien chez nos clients que chez nos salariés.
Nous avons d’ailleurs très peu de turn over et 100% de nos clients ont déclaré être satisfaits de nos services lors de notre dernière enquête. Nous mettons un point d’honneur à les rencontrer ou les appeler pour prendre de leurs nouvelles au moins une fois par an. Nous voulons maintenir ce contact privilégié et donc ne pas augmenter le nombre de nos clients au-delà d’un certain point.

Lien utile: jetfly.com/fr

 

TEXTE Catherine Moisy - PHOTOS Emmanuel Claude / Focalize et Jetfly