Success stories
Chantal Maquet. Fondatrice, Déierepensioun Lassie Le vaste domaine de Déierepensioun Lassie peut accueillir jusqu’à 150 animaux... ... soit environ 80 chiens, 50 chats et 30 petits animaux En plus des animaux hébergés, la pension dispose d’une

Habituellement le domaine de 5 hectares sur lequel Chantal Maquet a construit sa pension pour animaux résonne d'aboiements joyeux et connait une activité intense autour de près de 150 pensionnaires, du plus petit hamster au plus grand chien. Actuellement (l'interview a été réalisée le 1er avril 2020), l'endroit est anormalement calme, n'abritant qu'un chien, un chat et un lapin et une équipe très réduite autour de Chantal Maquet qui tient fermement la barre de son arche depuis près de 20 ans. L'anniversaire de l'entreprise sera célébré le 7 juillet 2020.

Vous avez démarré votre carrière en tant que personnel au sol chez Luxair, puis avec quelques années d'enseignement en science, biologie et histoire. Qu'est ce qui a fait que vous avez ouvert une pension pour animaux en 1999 ?

En fait, c'était mon rêve depuis toute petite. J'ai eu des animaux à la maison, dont des chevaux, depuis l'âge de 15 ans. Au départ, mes parents m'ont plutôt poussée vers l'enseignement. Et comme beaucoup de personnes de ma famille travaillent dans le tourisme j'ai aussi voulu essayer ce secteur. D'où mes années chez Luxair, que j'ai beaucoup appréciées pour les nombreux contacts avec des personnes du monde entier. Mais assez vite c'est ma passion pour les animaux qui a pris le dessus et mes parents m'ont alors beaucoup soutenue dans cette voie, notamment en me laissant exploiter un terrain, un endroit qui était déjà dans la famille, magnifiquement situé, à la fois près de la ville et de la forêt. Heureusement, je continue à avoir des contacts internationaux avec ma clientèle qui est très diversifiée en termes de nationalités.

Quelles sont les autorisations spécifiques à obtenir et les normes à respecter lorsque l'on travaille avec des animaux ?

Le secteur de la garde et des soins des animaux est étonnamment assez peu réglementé au Luxembourg. Il faut bien sûr une autorisation d'établissement mais rien de spécifique en lien avec les animaux. Pour moi, il a donc été plus difficile d'obtenir l'autorisation de bâtir que l'autorisation d'exercer. Pour construire, il faut être suffisamment éloigné des habitations voisines pour ne pas générer de nuisances avec le bruit que peuvent faire plusieurs dizaines de chiens, il y a des normes à respecter pour la taille des chenils et des box pour chevaux. Donc le projet de construction suppose des contraintes mais pour ce qui est des qualifications à avoir, c'est assez libre. Pour ma part, j'ai suivi beaucoup de cours et de formations en Allemagne, Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. J'ai suivi des formations assez générales concernant les soins et d'autre très spécifiques comme la manipulation de chiens difficiles par exemple. J'ai aussi suivi une formation auprès de l'Animal Care College à Ascot près de Londres préparant aussi bien au management d'une structure telle qu'une pension pour animaux, qu'aux divers facteurs d'hygiène et de bien-être de ceux-ci. L'inspection vétérinaire doit donner son accord avant l'ouverture d'une nouvelle structure et peut faire des contrôles inopinés. Il faut pouvoir fournir les carnets de vaccination de tous les animaux et la preuve que les chiens sont vaccinés contre la toux de chenil. Il faut pouvoir montrer que les animaux malades bénéficient d'un traitement approprié. Mon compagnon étant vétérinaire, il a tout l'équipement nécessaire sur le site de la pension pour toute intervention y compris en chirurgie d'urgence. Malheureusement, il n'existe pas de formation d'assistant vétérinaire au Luxembourg.

Pouvez-vous nous raconter l'évolution de l'entreprise en termes de taille, nombre d'animaux, profil des clients ?

J'ai ouvert le 7 juillet 2000. Au moment de l'ouverture j'ai eu la chance d'avoir un article dans Télécran et l'activité a tout de suite explosé. Du coup, le domaine était rempli pour tout l'été 2000 et j'ai dû embaucher rapidement. Ce succès est en partie dû à mon emplacement proche de la ville de Luxembourg. Le plus difficile la première année était la méfiance des clients à cause d'expériences négatives qu'ils avaient vécues avec d'autres pensions. Ils étaient extrêmement méfiants et on peut le comprendre car un animal, dans beaucoup de foyers, est considéré comme un membre de la famille à part entière. Son bien être compte donc énormément. J'ai dû faire mes preuves mais, à force de transparence et grâce à ma politique de maison ouverte, j'ai pu conquérir la confiance. Pour chaque nouveau client j'organisais une visite individuelle des lieux et je permettais au maître d'installer lui-même son animal dans son espace. Ensuite, un bouche-à-oreille très positif s'est fait et j'ai été recommandée par certains vétérinaires. Souvent, les nouveaux clients ne demandent même plus à voir mes installations. Ils ont confiance. La passion et la gentillesse du personnel contribue aussi grandement à notre bonne réputation. Nous avons en général une longue liste d'attente pour les vacances, qui sont des périodes de très forte activité.

Vous avez dû agrandir les infrastructures en 2009.

Oui, cette année-là j'ai entrepris la construction d'un troisième bâtiment et j'ai quasi doublé la surface totale. Le bâtiment récent a la particularité de proposer des chambres individuelles avec chauffage au sol. C'est un endroit calme et confortable et c'est un vrai plus pour les vieux chiens et les tous petits qui sont plus fragiles et plus sensibles au froid. C'est aussi un avantage concurrentiel car certaines pensions refusent les animaux âgés, qui ont tendance à devenir sourds, aveugles, incontinents et souffrent de douleurs ou de maladies. Or, quand on s'occupe d'un animal depuis des années, c'est important de récompenser la fidélité des clients en proposant nos services jusqu'au bout, parfois jusqu'à l'accompagnement de la fin de vie, pour soulager les maîtres. La pension est une deuxième famille pour les animaux. Nous connaissons leurs préférences en termes de régime alimentaire, de jeux, de voisinage avec les autres pensionnaires...

Combien y-a-t-il d'employés dans la pension ?

Il y a 10 employés en permanence et, de mars à octobre, période la plus chargée habituellement, nous avons 2 à 4 personnes supplémentaires, embauchées soit en Contrat à Durée Déterminée, soit en contrat étudiant. Ce sont en général les mêmes personnes qui reviennent tous les ans. Notre but est aussi de les former et de constituer ainsi un vivier pour d'éventuelles futures embauches. Le travail consiste en soins pour les animaux, sorties sur les aires de jeu, nettoyage des espaces, distribution de nourriture deux fois par jour et bain une fois par jour, administration de médicaments et bien sûr l'accueil des clients. Le contact avec eux se fait lors du dépôt des animaux et quand ils viennent les rechercher. Ou bien par téléphone quand les maîtres sont loin et veulent avoir des nouvelles de leur animal. Nous devons donc mémoriser le nom de chaque animal et noter toutes les informations utiles dans son dossier. Pour les nouveaux clients nous devons expliquer, et rassurer, notamment sur le fait que la structure fonctionne jour et nuit, 7 jours/7, toute l'année. Le mercredi est notre jour de fermeture ; nous ne recevons pas de public mais les animaux reçoivent tous leurs soins.

L'entreprise est aussi votre lieu de vie puisque vous habitez sur place. Arrivez-vous à faire des coupures, à prendre des congés ?

Oui, je peux me reposer sur l'équipe en cas d'absence. Les congés sont indispensables pour notre vie de famille. Avec mon compagnon, nous avons 3 enfants chacun et il est important que nous puissions passer du temps ensemble, loin de l'entreprise. Il y a dans l'équipe des employées qui sont dans l'entreprise depuis très longtemps. Je leur fais totalement confiance. Ils peuvent occuper un appartement spécialement aménagé sur le domaine pour cet usage, ainsi que pour les gardes de nuit. Mon père avait coutume de dire que c'était plus une vocation qu'un métier et il avait raison car l'activité dépasse largement les heures habituelles de bureau. Mais je pense que tous les indépendants connaissent un peu la même situation.

Avez-vous été confrontée à des difficultés particulières au cours des 20 ans d'existence de la pension ?

Je ne me souviens pas de beaucoup de difficultés. Il y a bien eu l'éruption du volcan islandais Eyjafjöll en 2010 qui avait beaucoup perturbé les départs en vacances et causé quelques annulations de réservation. Mais les clients ont fini par s'organiser pour partir quand même, autrement qu'en avion. De mémoire, la période la plus difficile correspond à ma première grossesse qui fut assez difficile et lors de laquelle j'ai dû travailler et faire des travaux très physiques jusqu'au dernier jour car j'ai été confrontée à un congé maladie abusif de la part d'un salarié de l'époque. Les soins aux animaux ne peuvent pas attendre et dès que quelqu'un manque il faut faire son travail à sa place. Par la suite, j'ai résolu cette vulnérabilité en ayant une équipe plus grande. Mais cela nécessite de faire plus de chiffre d'affaires pour couvrir les frais supplémentaires.

Quelles sont les conséquences de la crise sanitaire actuelle sur votre entreprise ?

Pour moi c'est évidemment une situation totalement inédite. Alors que j'avais une longue liste d'attente pour les vacances de Pâques et que les weekends de printemps donnent en général le coup d'envoi d'une période d'activité intense pour nous, je me retrouve avec seulement un chien, un chat et un lapin. Tout le monde a annulé ses réservations et je commence à avoir des annulations pour les congés suivants. J'ai encore une employée qui vient chaque jour pour le travail administratif et pour le soin des animaux. Les autres sont en chômage partiel. Ils vivent presque tous en France où le confinement est très strict car la région est très touchée. Les gens nous confient leur animal pour aller travailler, pour partir en voyages, lors d'une hospitalisation, pour un mariage, une communion ou un baptême ou quand ils font des travaux chez eux. Or tout cela est à l'arrêt. Toute notre clientèle a dû revoir son organisation et ses projets. Les derniers chiens étaient ceux des clients coincés quelque part en voyage... Mais maintenant, tous sont revenus.

Quelles ont été vos décisions et comment voyez-vous la sortie de crise ?

Nous pourrons tenir au moins 2 à 3 mois, grâce notamment au chômage partiel. J'ai fait la demande dès le 11 mars. Nous devons avancer les salaires qui seront remboursés par l'Adem. Je ne sais pas exactement quand l'argent va venir. Tous les mois, la charge la plus élevée correspond aux salaires. Ma priorité absolue est de garantir les emplois de mon équipe. Ils le méritent vraiment au regard de leur dévouement habituel.

Heureusement, j'ai appris à faire des réserves pour les périodes plus difficiles. J'espère que la situation va redevenir normale ou que le gouvernement va trouver d'autres solutions. Je souhaite d'ailleurs saluer la vitesse incroyable avec laquelle celui-ci a travaillé pour proposer des mesures. Je lui dis un grand merci. J'ai l'espoir d'une reprise rapide à la fin du confinement. Mes clients m'assurent de leur soutien par téléphone et par mail. Ils réservent pour l'été et la fin d'année. Il y a un grand désir chez eux de reprendre une vie normale et de recommencer à faire des voyages. La clientèle du Luxembourg aime particulièrement voyager et les nombreux expatriés ont hâte de pouvoir de nouveau rendre visite à leur famille dans leurs pays d'origine.

Et de notre côté, nous aimerions pouvoir célébrer les 20 ans de l'entreprise dans une sérénité retrouvée.

www.lassie.lu

Texte : Catherine Moisy - Photos : Emmanuel Claude/Focalize