Zeilt production - Une histoire de 3D...

Success stories

…comme détermination, décision et développement. Laurent Witz a créé Zeilt production il y a un peu plus de 10 ans pour y faire grandir ses rêves de réalisation de films d’animation en 3D. D’homme-orchestre assurant toutes les étapes de ses premiers films, il est devenu animateur d’une équipe bourrée de talent, qu’il dirige avec l’habitude d’anticiper le coup d’après et la volonté d’aller toujours plus loin.

Comment devient-on réalisateur et producteur de films d’animation en 3D ?
Ce métier, cela fait très longtemps que je le porte en moi. Je me suis lancé dans mon premier projet d’animation quand j’étais collégien. J’avais 12 ou 13 ans. Je n’avais aucune idée des techniques réellement employées mais j’avais fait des dessins sur des sortes de cellophanes. Par la suite, j’ai préparé un bac scientifique, car j’avais le goût des sciences également ; mais à côté de cela, j’apprenais le dessin et la peinture et je faisais des expositions qui me prenaient beaucoup de temps. Cette expérience m’a permis d’être reçu parmi les premiers aux beaux-arts de Metz où j’ai fait 5 années d’études. Parallèlement je me formais par moi-même au cinéma. En fait cela résume assez bien ma façon de fonctionner. Je me prépare sans cesse au coup d’après, j’ai une grande soif d’apprendre. A l’issue de mes études d’art,  j’ai intégré le studio parisien Ex Machina, très réputé à l’époque pour la production d'images de synthèse. En dehors du travail je faisais des projets pour moi et j’apprenais le métier d’auteur-réalisateur.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer votre propre structure ?
Je suis revenu en Lorraine au début des années 2000, au moment où plusieurs studios d’animation étaient en train de se monter au Luxembourg. J’ai pu participer à des projets d’animation 3D mais j’avais aussi mes propres idées, qui n’étaient pas toujours en phase avec celles de ceux qui m’employaient. Or pour pouvoir monter ses propres projets il faut des moyens, c’est pour cela que j’ai d’abord créé une société de production,  pour trouver les ressources financières qui m’étaient nécessaires.

Pourquoi avez-vous créé cette société au Luxembourg ?
Le Luxembourg est un territoire que je connais bien depuis toujours. Cela s’est fait naturellement. Pour un entrepreneur, ce n’est pas la création de l’entreprise qui est le plus compliqué. Cette étape est très momentanée dans la vie de la société et les démarches sont relativement équivalentes partout. Ce qui est plus compliqué est de faire tourner l’entreprise et de la pérenniser. Or, au Luxembourg, au début des années 2000, le cinéma était en train de se développer et il y avait une vraie volonté publique de soutenir le secteur.

Qu'est-ce que vous préférez dans votre métier ?
Sans hésiter, la dimension créative. C’est-à-dire faire travailler mon imagination, dans le domaine de la conception artistique mais aussi dans toutes les autres dimensions de l’entreprise : le modèle économique, la manière de toucher le public, d’utiliser de nouveaux médias,  la façon de faire vivre un projet, la stratégie de l’entreprise…

Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?
C’est la soirée des Oscars 2014 où mon film Mr. Hublot a remporté la fameuse statuette dans la catégorie court-métrage d’animation. Pour faire partie des « oscarisables » il faut que le film soit repéré et pour cela il faut le montrer le plus possible en festivals et qu’il remporte des prix. Cette soirée clôturait une période très intense de promotion, véritable marathon au cours duquel j’ai énormément voyagé et donné de ma personne.  J’ai vécu la soirée des oscars comme un moment vraiment unique, une récompense venant couronner un travail très dur de plusieurs années. En fait on vise l’excellence avec acharnement pendant la réalisation mais dès que le film est fini, on repart dans un autre combat.

Comment votre rôle a-t-il évolué au sein de Zeilt ?
Je me concentre de plus en plus sur la partie créative au sens large,  c’est à dire sur l’innovation et le développement stratégique ainsi que les projets à l’international.

Au tout début j’étais très impliqué dans la fabrication des projets, maintenant je fais faire. C’est difficile de lâcher l’opérationnel, cela s’apprend. Je n’interviens que lorsque la qualité n’est pas à la hauteur de mes attentes. En revanche, si le résultat final est simplement différent de ce que j’avais imaginé, tout en étant de bonne qualité, ça me va. Dans notre métier, recruter des supers talents est compliqué et ça le sera toujours. En même temps il faut pouvoir former et créer soi-même des talents. Nous repérons des écoles, nous embauchons des jeunes et nous prenons le temps de les former. Je m’implique personnellement dans ce processus. Je tâche de transmettre ma philosophie de l’excellence du travail.

Vous-même avez souhaité bénéficier d’un mentorat en 2011. Qu’est-ce que cela vous a apporté ?
On ne sait jamais assez de choses et il y a beaucoup à apprendre du partage avec une personne ayant un angle de vue très différent du vôtre. Mon mentor était Pierandrea Amedeo, administrateur délégué de Met-Lux (métallisation sous vide de divers matériaux flexibles- ndlr). Il m’a beaucoup apporté sur l’aspect ‘conduite de l’entreprise’. Je n’attendais pas qu’on me dise ce que je devais faire mais je souhaitais être confronté à une perception différente de la mienne sur la situation de mon entreprise.

Une partie de vos réalisations sont des campagnes de publicité. Ces commandes sont-elles le résultat d'une prospection ?
Pour le projet ‘Long Live New York’ c’est l’agence Young & Rubicam New York qui est venue nous chercher ; pour la campagne A.I.M.E (Récompensée de deux Lions de bronze au festival international de la créativité, ndlr), c’est Saatchi & Saatchi Sydney qui a fait appel à nous. Ces grandes agences viennent chercher mon style et donc celui de Zeilt, c’est à dire une certaine touche émotionnelle. Les campagnes destinées à soutenir de grandes causes m’enthousiasment particulièrement. Mais nous ne sommes pas spécialisés dans ces domaines.  A l’international nos réalisations ont la réputation d’être à la fois qualitatives et compétitives. Nos films sont beaucoup montrés en festivals, ils gagnent des prix et cela rassure beaucoup les clients.

Mais ces grands projets qui assurent notre visibilité et notre notoriété ne doivent pas occulter le fait qu'il nous arrive d'accepter de très petits projets sur un coup de cœur ou parce que nous avons de la disponibilité au planning ou parce qu’il y a une complexité qui nous intéresse ou parce que nous avons une réelle plus-value à apporter. Nous ne voulons pas être enfermés dans un type de réalisation. Tout ce qui représente un challenge artistique nous intéresse. Les projets publicitaires nous permettent de mettre nos talents au service d’un client, de tester notre créativité et surtout de continuer à apprendre. Cette activité est indispensable pour avoir des moyens supplémentaires pour nos autres projets.

En ce moment, nous sommes sur beaucoup de terrains à la fois, des créations originales, des projets d’innovation, des prestations pour des clients et des projets internationaux. C’est compliqué de mener tout en même temps. Nous devons faire des choix. Nous sommes donc moins proactifs sur la prospection.

Comment voyez-vous l'avenir du secteur audio-visuel au Luxembourg ?
Je pense qu’il est dans une phase de maturité. Les acteurs luxembourgeois du secteur ont beaucoup appris, notamment au travers des co-productions. L’étape d’après est d’être capable de voler de ses propres ailes, d’être à l’avant du train en initiant plus encore de projets depuis le Luxembourg. En tout cas, c’est ce que nous voulons à l’échelle de Zeilt. C’est une question d’indépendance, de rayonnement et de propriété intellectuelle.

Et celui de Zeilt production ?
Notre avenir passe par l’international, la qualité artistique et par l’innovation, c’est évident. D’où la nécessité d’avoir suffisamment de moyens pour passer dans une autre cour. Cela implique de notre part proactivité, énergie, beaucoup d’investissement en temps et aussi financier. Nous devons penser nos investissements de manière à pouvoir changer de braquet. Le challenge est de faire tout cela depuis le Luxembourg. Il nous arrive de participer à des missions économiques. Nous sommes allés au Japon, au Qatar et à Paris avec le Film Fund  ou la Chambre de Commerce. Nous participons régulièrement au festival d’Annecy. C’est par ce biais que nous avons pu travailler sur une co-production avec le Canada. Le plus souvent possible, nous essayons de faire des projets en synergie avec des acteurs locaux. Dans nos métiers la confiance est très importante. Quand elle s’installe, quand cela se passe bien avec quelqu’un on retravaille avec lui.

Pour l’innovation nous avons recruté un jeune diplômé d’une grande école d’ingénieur spécialisé en machine learning et en deep learning. Il a pour mission de structurer nos démarches d’innovation, pas seulement pour la fabrication mais aussi, pour le suivi de projet et la  manière de diffuser des programmes. Cela peut avoir un gros effet de levier à long terme.  L’une des difficultés est d’être raisonnable et de ne pas courir trop de lièvres à la fois. Il faut y aller par étape et choisir soigneusement nos prochains marchés.

Beaucoup de vos film sont sans paroles, est-ce pour pouvoir les exporter facilement ?
Il est vrai que le langage de l’image est très universel et qu’il s’exporte bien. Le projet Barababor sur lequel nous travaillons pour l’instant (52 épisodes de 2 minutes en partenariat avec RTL, ndlr) va s’exporter très bien car il est sans paroles. Mais en même temps nous sommes de plus en plus sollicités pour des projets avec dialogues.

La musique aussi est un langage universel. Dans la plupart de nos projets, il s’agit de musique originale créée au Luxembourg ou dans la grande région.

Quelle est votre définition du succès ?
Pour moi c’est très relatif, très subjectif et c’est aussi une photographie à un instant T. C’est quelque chose que l’on vise sans jamais vraiment l’atteindre. Le travail est devant nous, pour continuer à avancer et aller plus loin.

 

Faits et chiffres :

  • Des centaines de personnages créés.
  • L’équipe varie de 10 à 30 personnes, selon l’envergure des projets.
  • Il faut 2 à 3 ans pour réaliser une production originale,
  • Pour une commande, il faut compter 2 à 6 mois.
  • Le plus long « métrage » de Zeilt est est Barabor avec 52 épisodes de 2 minutes, soit 104 minutes.
  • Plus de 1 milliard et demi de vues sur internet pour les productions Zeilt, dont certaines totalisent plus de 200 millions de vues.

www.zeiltproductions.com

 

Texte : Catherine Moisy - Photos : Emmanuel Claude / Focalize