assurer la relève, une question de temps et de préparation

On évalue à 690 000 le nombre d'entreprises européennes susceptibles de faire l'objet d'une transmission dans les 10 années à venir, ce qui porte le potentiel de transmission à 30% d’entreprises en Europe. « Au Luxembourg, il est plus difficile d’estimer ce potentiel en l’absence de statistiques précises, mais le nombre réel reste important », soulignait Laurent Koener, Conseiller au Département Création et Développement d’Entreprises de la Chambre de Commerce, au cours d’une table ronde de sensibilisation à la transmission d’entreprise organisée en collaboration avec la LSC le 10 juin dernier.

Pour l’occasion, 80 participants, entrepreneurs, repreneurs potentiels et futurs cédants, étaient présents afin de mieux comprendre les enjeux d’une transmission d’entreprise.
Ainsi qu’exposé en introduction de cette table ronde intitulée « reprendre ou céder une entreprise : comment faire ? », si l’on tient compte du fait que 90% de toutes les entreprises luxembourgeoises comptent moins de 5 salariés et sont moins adaptées à la transmission, on peut estimer que 350 à 500 entreprises commerciales et 100 à 150 entreprises artisanales attendent chaque année un repreneur.

Le taux de transmission à Luxembourg est donc modeste mais s’explique par les nombreux écueils qu’un cédant peut rencontrer dans sa démarche : plan de succession (ou de transmission) inexistant, difficulté à trouver un candidat sérieux et motivé, réticence à confier son entreprise à un autre, difficulté d’installer un dialogue intergénérationnel…preuve en est avec les cas de transmissions intrafamiliales, puisque sur 100 entreprises concernées, et même si l’ actionnariat familial demeure une valeur forte de l’entrepreneuriat à Luxembourg, seulement 5 à 15 restent dans le giron familial et sont encore dirigées par les générations suivantes.

Déficit de popularité et sensibilisation

C’est un fait, la transmission souffre d’un déficit de popularité. La cause ? Trop peu de « candidats entrepreneurs » sont aujourd’hui conscients des avantages d’une reprise…surtout lorsque l’on sait que la création d’entreprise peut s’avérer risquée, seule une entreprise sur deux survivant au terme de cinq années d’existence. « Non seulement il s’agit d’inciter les futurs créateurs d’entreprises à envisager une reprise, mais sachant qu’il n’existe en moyenne qu’une offre de cession pour dix repreneurs potentiels, ce sont en premier lieu les chefs d’entreprises de PME âgés de plus de 50 ans qui doivent être sensibilisés à la transmission » précisait Laurent Koener.
« Recherche de financement complexe, divergences d’opinion entre repreneur et cédant, manque de préparation et d’accompagnement, attachement affectif trop important du cédant… nombreuses sont les barrières au bon déroulement d’une transmission » résumait Yves Karier, conseiller PME et animateur de cette table ronde.
Ainsi que les témoignages l’ont révélé tout au long de la soirée, s’engager dans un processus de transmission demande beaucoup de persévérance, d’envie, des capacités importantes de gestion, ainsi qu’une certaine prise de recul…

C’est donc avant tout pour sensibiliser sur l’ensemble des aspects de la transmission que la Chambre de Commerce a réuni cette table ronde d’experts des domaines juridique, financier et fiscal ainsi qu’un repreneur et un cédant d’entreprises, venus couvrir le volet relationnel de la transmission via leurs témoignages.

Des outils d'accompagnement à la transmission

L’aspect humain et psychologique de la transmission s’est d’ailleurs avéré être un fil rouge tout au long de la soirée, la transmission étant avant tout un échange de savoir, un partage d’idées et un pont intergénérationnel entre deux individus désireux de s’investir dans un projet entrepreneurial qu’ils considèrent comme un véritable projet de vie, ce que Marcel Hetto, repreneur d’un cabinet en ingénierie civile a résumé par l’idée « de préparer son avenir dans la structure existante. »

L’expérience infructueuse de Franky Steichen, restaurateur étoilé n’étant pas parvenu, en 6 ans, à trouver parmi son personnel et même au-delà des frontières un futur successeur/repreneur suffisamment motivé pour reprendre les rênes de son restaurant, nous rappelle une fois de plus combien le facteur « temps » peut jouer un rôle primordial au cours d’un projet de transmission.

Les entrepreneurs cédants/repreneurs ne doivent donc pas hésiter à faire appel aux outils et programmes d’accompagnement à la transmission existants (conseils au sein de l’Espace Entreprises de la Chambre de Commerce, mutualités de cautionnement –MCAC, MAA, bourse d’entreprises, matching personnalisé entre repreneurs et cédants de PME, BusinessMentoring…).
On retiendra, entre autres, la bourse d'entreprises, plateforme informatique qui facilite la reprise d'entreprises en mettant en contact les acquéreurs et les vendeurs, ainsi que le programme BusinessMentoring, qui propose l’accompagnement des cédants et/ou repreneurs d’entreprise par un mentor expérimenté... « le mentorat est une relation dans laquelle une personne expérimentée, le mentor, consacre du temps pour soutenir une autre personne. La relation intervient à un moment de transition dans la vie du « mentoré », sur 12 à 18 mois. Appliqué à la transmission d’entreprise, le mentorat peut s’avérer intéressant puisqu’il permet de créer une passerelle intergénérationnelle entre des dirigeants expérimentés, qui sont eux-mêmes passés par les étapes de la transmission, et des « jeunes » repreneurs qui souhaitent devenir de meilleurs gestionnaires» expliquait Rachel Gaessler, coordinatrice du programme.

Evaluer son entreprise avec justesse

Au gré des questions du public, diverses thématiques telles que les avantages et risques d’une reprise face à une création, la question de la succession intrafamiliale ou encore le financement de la transmission ont ainsi été parcourus. On retiendra particulièrement l’intérêt des participants pour la problématique de la valorisation de son entreprise.
« Effectivement, la valorisation de l'entreprise s’avère être au cœur des préoccupations de tout cédant, car l’attachement affectif à son entreprise, à « son bébé », l’empêche parfois de prendre du recul » notait Laurent Koener.
M. Serge Thurm, expert financier, soulignait quant à lui que « le choix de la forme juridique de la cession, le partage équitable du patrimoine entre les successeurs (dans le cas de successions familiales) et la transmission de la culture managériale sont les trois problématiques les plus courantes qu’un banquier ou un expert financier peut aider à anticiper car toutes trois sont intimement liées à la question de l'évaluation de l'entreprise et de son prix de vente. »

Selon lui, il ne faut pas perdre de vue que « c'est la valeur ajoutée générée par l'entreprise qui doit demeurer l'indicateur de cette valorisation ». Et John Hames, expert fiscaliste, d’ajouter : «le dirigeant qui part a la retraite aurait tord de rester sur ses acquis…car l’évaluation d’une entreprise se fait d’après l’analyse des bilans, des actifs mais aussi du carnet de commandes de l’entreprise qui témoignent du cash-flow futur et des capacités d’auto-financement ».

En somme, il s’agit de maintenir le cap jusqu’au bout et d’évaluer son affaire avec la plus grande objectivité possible afin de « coller » à la réalité du prix estimé le jour de la cession effective.

Cette table ronde a été l’occasion de montrer une nouvelle fois que la reprise peut être une alternative à une création, rien ne remplaçant la plus-value d’une entreprise cessible et saine dont le savoir-faire n’est plus à prouver.

Assistance aux entreprises…quelques repères:

Pour tout renseignement complémentaire, l’équipe du Département Création et Développement des Entreprises de la Chambre de Commerce se tient à votre entière disposition (Tél.: (+352) 42 39 39-330 - E-mail: entreprises@cc.lu)