Restructuration transfrontalière d'entreprises : avancées européennes

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La Chambre de Commerce souhaite revenir sur l’entrée en vigueur, en date du 27 novembre 2019, de la Directive (UE) 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières. Cette directive, qui devra être transposée dans un peu moins de deux ans maintenant, vise à clarifier et systématiser le régime des opérations de restructuration suivantes : scissions, fusions et transformations transfrontalières à l’intérieur de l’UE.

Si différents aspects paneuropéens avaient déjà pu être précisés par le biais de l’abondante jurisprudence de la CJUE et, plus ponctuellement, par certains textes européens pour des formes sociales particulières comme la Société européenne, manquait encore à l’arsenal législatif un texte récapitulatif et systématique prévoyant les différents aspects de la procédure et les conditions de reconnaissance de l’opération par l’autre Etat membre. Il aura ainsi fallu plus de quarante ans pour concrétiser l’engagement des participants à la CEE ancré à l’article 220 du Traité CEE :

« Les Etats membres engageront entre eux, en tant que de besoin, des négociations en vue d’assurer, en faveur de leurs ressortissants :

-          (…)

-          La reconnaissance mutuelle des sociétés au sens de l’article 58 alinéa 2, le maintien de la personnalité juridique en cas de transfert du siège de pays en pays et la possibilité de fusion de sociétés relevant de législations nationales différentes (…). »

La procédure, quelle que soit l’opération visée, se divise en quatre étapes que sont : (i) la documentation préparatoire, (ii) l’approbation de l’opération, (iii) l’obtention du certificat préalable et (iv) l’enregistrement dans l’Etat membre de destination, pour autant que l’opération tombe sous le régime européen. Il reste en effet des restructurations hors champ qui ne sont pas impactées par la Directive 2019/2121, notamment les scissions par absorption, les sociétés où la liquidation a déjà commencé, les fonds d’investissement …

1. Documentation préparatoire
Préliminairement à l’opération, il faut réunir trois documents principaux, à savoir, (i) un projet commun dont le contenu est inspiré du régime des fusions transfrontalières (portant notamment sur les conséquences en termes d’emploi, impact sur les détenteurs de titres et créanciers, …) avec un calendrier prévisionnel, (ii) un rapport de l’organe de direction à l’attention des associés et salariés justifiant l’opération, particulièrement le rapport d’échange,  à mettre à disposition par voie électronique six semaines au moins avant la date de l’assemblée générale[1] et (iii) enfin, un rapport d’expert exclusivement destiné aux associés auquel il est possible de renoncer à l’unanimité ou en cas d’associé unique.

2. Approbation de l’opération
Selon la directive, le projet de restructuration doit être approuvé ou modifié selon des règles de majorité particulières à définir par les Etats membres dans une fourchette qui ne doit être ni supérieure à 90% ni inférieure aux deux tiers des voix attachées aux actions représentées et en tout état de cause pas supérieure au seuil applicable aux fusions transfrontalières[2].

3. Obtention du certificat
Une autorité nationale dans l’Etat membre de départ – probablement le notaire à Luxembourg – devra contrôler la légalité de la procédure et émettre, dans les trois mois, un certificat qui constitue une preuve concluante l’accomplissement correct des procédures et formalités. Ce certificat sera refusé notamment lorsque l’opération est réalisée à des fins abusives ou frauduleuses en violation/contournement du droit national ou européen ou à des fins criminelles. En cas de doutes sérieux, le délai pourra être augmenté de trois mois supplémentaires. La version finale de la Directive2019/2121 ne reprend pas l’exigence initiale de vérifier que le montage n’est pas artificiel dans le but d’obtenir des avantages fiscaux indus ou de porter indûment atteinte aux droits légaux ou contractuels des travailleurs, des créanciers ou des associés minoritaires.

Ce certificat devra être échangé par le système d’interconnexion des registres de commerce (BRIS).

4. Enregistrement dans l’Etat membre de destination
Une fois les modalités de publication effectuées dans les différents registres nationaux, il suffira de procéder à la radiation dans l’Etat d’origine. La date de prise d’effet de l’opération, qui sera nécessairement postérieure aux contrôles, est déterminée, pour les transformations, par la législation de l’Etat membre de destination alors que pour les scissions, elle est déterminée par le droit de l’Etat membre d’origine.

Des règles spécifiques existent en matière de transfert intra-groupe, souvent dans l’intérêt d’une simplification des procédures.

Appréciation :
Le texte européen présente l’avantage de regrouper et de systématiser tous les types de restructuration au sein d’un document unique. Ce faisant, il complexifie pourtant certaines procédures luxembourgeoises auparavant basées sur une approche pragmatique, notamment suite à la nécessité de délivrer un certificat de conformité et l’allongement de certains délais.

Reste à espérer que le législateur, lors de la transposition, prendra les bonnes options pour préserver un maximum de flexibilité. La Chambre de Commerce ne manquera pas de revenir sur le sujet le moment venu.


[1] Il existe néanmoins une possibilité de renonciation de la part des associés et d’exclusion des sociétés à un seul associé. Le caractère de l’information à destination des travailleurs est facultatif s’il n’y a pas d’autres travailleurs que ceux appartenant à l’organe de direction ou d’administration.

[2] Voir article 93 de la e Directive (EU) 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés et les droits nationaux transposant cette disposition.