Start-Up
« Comme pour un Tamagotchi, vous prenez soin de votre plantequi devient en quelque sorte votre animal de compagnie. » Vivien Muller, fondateur de Mu Design, a fait de son chien Maki, un Shiba Inu originaire du Japon, la mascotte de sa société.

Hébergée au Technoport d’Esch-sur-Alzette, Mu Design a été fondée en 2015 par Vivien Muller,  designer industriel. La startup luxembourgeoise développe des petits compagnons fonctionnels et connectés, inspirés de l’emotive tech, à l’intérieur desquels cohabitent émotions et technologie pour interagir avec l’utilisateur.

Comment avez-vous eu l’idée de créer ces objets connectés ?
J’ai une formation de designer industriel et j’ai fait le constat que les objets connectés étaient de plus en plus nombreux dans notre quotidien. Mais rares étaient ceux qui savaient créer un lien émotionnel avec les usagers. C’est de ce constat qu’est née ma société. Mu Design propose des objets ludiques, aptes à établir une relation personnalisée avec l’utilisateur.

Quelle histoire se cache derrière Ulo, la petite chouette qui vous a révélé ?
Ulo est ma troisième création. À la fin de mes études, j’ai travaillé en tant qu’architecte d’intérieur pendant près de neuf ans, avant de lancer un premier produit en 2008, bien avant la création de ma société. Il s’agissait d’Electree, un bonsaï artificiel de 40 centimètres de haut et comportant 42 petits panneaux photovoltaïques destinés à recharger un portable. J’ai lancé une campagne de crowdfunding pour financer la fabrication de 300 bonsaïs, avant de confier la production de cet objet à une usine en Chine. Malheureusement, j’ai été confronté à d’importants problèmes de qualité et Electree n’a jamais pu être commercialisé. Il m’a fallu du temps pour me remettre de cette défaite. En juillet 2015, j’ai créé WatchMe, une borne de recharge en forme de monstre pour Apple Watch. Le produit a séduit beaucoup d’internautes, mais il a été imaginé à une époque où trop peu de personnes disposaient d’une montre connectée. J’étais un peu en avance sur mon temps. De ce fait, la campagne de financement participatif pour ce deuxième projet n’a pas atteint ses objectifs… Fin 2015, l’idée d’un troisième objet m’est venue au détour d’une visite à Dijon en France. Une sculpture de chouette vue chez un antiquaire a été la révélation.
J’ai eu l’idée de placer deux écrans intégrant des capteurs d’images à la place des yeux pour créer une caméra connectée par laquelle l’appareil établit un contact visuel avec son environnement. Lorsqu’elle est en mode surveillance, la caméra envoie des alertes avec un extrait vidéo dès qu’elle détecte une activité. Il est possible de visionner la vidéo en direct depuis son smartphone. Le concept a tout de suite plu. Alors que l’objectif était de 200.000 euros, j’ai récolté plus de 1,6 million d’euros auprès de 8.330 contributeurs lors de la campagne de financement participatif pour Ulo ! En tant qu’architecte d’intérieur indépendant résidant à Metz, je n’avais pas la structure pour gérer un tel montant. Je me suis fait conseiller avant d’être orienté vers le Luxembourg pour créer une société le plus rapidement possible. C’est ainsi que Mu Design a vu le jour en décembre 2015.

A-t-il été facile de commercialiser Ulo, après la réussite de cette campagne de financement participatif ?
La fabrication d’Ulo ne s’est pas faite sans difficulté et remise en cause. J’avais un an pour développer concrètement Ulo et la livrer aux premiers utilisateurs. Dans un premier temps, je me suis adressé à un sous-traitant en France. Mais la BOM (Bill of Materials, ndlr) était supérieure au prix de vente. En d’autres termes, quand vous aviez regroupé l’ensemble des composants nécessaires à la fabrication du produit, la facture était plus élevée que le prix que vous pouviez en retirer à la vente. Sans compter le prix à payer pour l’assemblage – Ulo se compose d’une centaine d’éléments qui interagissent entre eux - le moule pour produire les pièces, l’outillage pour les cartes électroniques, la main-d’oeuvre, les tests en fin de chaîne et les certifications à mener en parallèle pour pouvoir écouler le produit dans les différents pays en respectant les règlementations…
J’ai perdu six mois avant de trouver un autre prestataire en Inde, partageant une même exigence de qualité et parlant anglais. J’ai également reçu une proposition d’aide sur une partie du développement hardware. Nous avons signé un accord de partenariat et malgré quelques problèmes de délais, 13.500 exemplaires d’Ulo ont pu être vendus au prix de 199 euros, pour un tiers en Europe, un autre tiers sur le marché américain et le dernier tiers dans le reste du monde. À ce jour, Ulo a été livrée dans 96 pays. Grâce à la campagne de financement et à la commercialisation des premiers produits, Ulo a gagné en notoriété et reçu près de 2.000 demandes émanant de boutiques de design ou de gros revendeurs, prêts à assurer la distribution du produit. Aujourd’hui, Ulo est distribuée partout dans le monde avec succès auprès d’enseignes telles que Boulanger, Auchan, Fnac, Darty, Costco ou encore Walmart.

Avez-vous d’autres projets en cours de développement ?
Nous venons de lever des fonds pour financer un nouveau produit, Lua. Il s’agit d’un pot de fleurs connecté qui utilise les technologies de l’émotion. L’idée, toujours inspirée de l’emotive tech, est de transformer une plante en ‘animal de compagnie’. Après treize mois de développement, le prototype de Lua fonctionne à merveille et son mode d’utilisation est très convivial. Une fois connectée, Lua permet de rechercher le nom de votre plante parmi 7.000 espèces ou de sélectionner une famille de plantes (cactées, à fleurs, arbustives, etc.).
Puis il suffit de scanner un QR code avec votre smartphone pour activer la configuration, qui détermine les critères de bienêtre de la plante. L’application fonctionne en anglais et en français. Notre nouvelle campagne de financement participatif s’est terminée le 3 août 2019. Nous avons dépassé notre objectif de réunir 30.000 euros et terminé avec un montant de 109.969 euros pour 860 contributeurs. Par ailleurs, nous cherchons à lever des fonds pour 1 million d’euros auprès d’investisseurs. Nous sommes très heureux de pouvoir lancer la production des 1.200 pots Lua prévus avec les mêmes partenaires que pour Ulo. La livraison est programmée pour décembre 2019. En parallèle, nous préparons Ulo 2 avec une interface simplifiée, pour un lancement fin 2020. Côté médias sociaux, nous totalisons 65 millions de vues pour Ulo et 10 millions pour Lua, rien que sur Facebook. Nous avons également comptabilisé 9 millions de vues pour Bearbot, un petit ours tout rond et ludique, capable de reconnaître vos gestes et de les convertir en commandes pour tous vos appareils. Bearbot est encore au stade de prototype, mais suscite déjà beaucoup d’intérêt. Les médias sociaux dans leur ensemble (Facebook, Pinterest, Instagram, Twitter, LinkedIn, Google+, Youtube…) ont joué un rôle décisif dans nos campagnes de financement.

Ne craignez-vous pas que vos produits soient copiés ?
Plusieurs tentatives de copies ont échoué. Nos produits ont fait l’objet d’un dépôt de marque et d’un dépôt de modèle. De plus, les fonds récoltés seront investis en partie dans l’amélioration des produits existants. La recherche et développement (R&D) est primordiale pour maintenir notre gamme de produits au niveau des exigences du marché. L’innovation et la qualité sont les seuls moyens de lutter contre la copie et la concurrence et de nous permettre de nous développer.

Avez-vous reçu des aides ou participé à des concours qui vous ont aidé dans votre développement ?
Nous avons reçu une aide de 2.500 euros de l’ODL - Luxembourg Export Credit Agency, pour financer un stand à l’international. Nous avons également participé à plusieurs événements dédiés aux startups et à l’innovation, comme la Startup World Cup, l’Arch Summit, l’ICT Spring, Pitch Your Startup ou encore EBN Congress. En mai 2018, nous avons remporté le prix du meilleur pitch lors des concours Startup World Cup et Pitch Your Startup. Ces victoires nous ont conféré une belle visibilité. Nous avons aussi remporté le prix Uncle Sam de Luxfactory, et nous avons eu la chance d’avoir un stand sur le Luxembourg Village du CES (Consumer Electronics Show) qui s’est tenu début janvier 2019 à Las Vegas. Ce prix a été une excellente opportunité pour l’entreprise.

Comment voyez-vous Mu Design évoluer ?
Nous souhaitons étendre nos produits IoT (Internet of Things ou Internet des objets) à la robotique. Le marché de l’IoT ne cesse de se développer et le taux d’adoption de la robotique s’inscrit dans une dynamique de croissance, avec des robots toujours plus intelligents et mobiles. Aujourd’hui, la robotique coûte encore trop cher, notamment les composants électroniques. Mais l’accroissement de la demande, en particulier pour les applications grand public, devrait contribuer à faire baisser les prix. Je l’espère, car Mu Design fourmille d’idées pour l’avenir.

www.mu-design.lu

Texte : Marie-Hélène Trouillez - Photos : Matthieu Freund-Priacel / Primatt Photography