Start-Up
Pour Lydia Leu-Sarritzu, le véganisme n’est pas qu’une simple tendance, mais un mouvement de transformation qui touche de nombreux aspects de notre société et qui va s’étendre. Lydia Leu-Sarritzu a fondé la société Blanlac en avril 2018 et p

En avril 2018, Lydia Leu-Sarritzu lance sa griffe de chaussures véganes, Blanlac, qui allie style, qualité et  éthique, et prévoit de reverser chaque année une partie des bénéfices de ses ventes à une association de défense des animaux au Grand-Duché. Pour la fondatrice de ces modèles conçus sans produits d’origine animale, l’avenir de la mode sera éthique ou ne sera pas !

Quel est votre parcours et pourquoi avez-vous lancé votre marque de chaussures ?
« Originaire d’Italie, j’ai grandi et étudié en France. Je suis arrivée au Grand-Duché en 2007 pour effectuer un stage dans le cadre d’un master en économie. Je me suis tout de suite sentie intégrée et j’ai eu l’occasion de nouer des amitiés fortes avec de nombreuses personnes, si bien que j’ai décidé de revenir au Grand-Duché une fois mes études terminées. À mes yeux, ce pays multiculturel est toujoursen mouvement et évolue incroyablement vite en matière de nouvelles technologies ! J’ai travaillé pendant huit ans en tant qu’analyste financier, puis aux ressources humaines, par intérêt pour les contacts humains. En 2017, l’idée de devenir indépendante et de créer une activité autour de la chaussure se faisait de plus en plus pressante dans mon esprit. J’ai toujours eu une véritable passion pour les chaussures, mais en tant que végane convaincue, l’idée de porter des chaussures conçues dans le respect de toutes les parties prenantes était un impératif pour moi. Je me voyais mal ne pas appliquer à mes produits les préceptes de ma vie personnelle. Le véganisme est un mode de vie qui cherche à éviter l’exploitation, la souffrance et la cruauté envers les animaux, que ce soit pour se nourrir, se vêtir, etc. En avril 2018, j’ai décidé de franchir le pas et j’ai créé ma société, après avoir cherché pendant un peu plus d’un an à convaincre des artisans de me suivre, alors que ma société n’existait pas encore ! Italienne d’origine et connaissant la qualité et la réputation du travail du cuir en Italie, j’ai trouvé des artisans italiens disposés à travailler avec moi. Tout d’abord amusés, ils m’ont ensuite prise très au sérieux et ont accepté de relever le défi pour mettre leur savoir-faire au profit de matières innovantes, écoresponsables et véganes.

De quelles matières s’agit-il exactement ?
« Depuis ces dernières années, les innovations sont nombreuses pour trouver des alternatives aux peaux naturelles. Il est possible de créer des chaussures véganes à la fois élégantes, de qualité, confortables et éthiques ! Mon choix s’est porté sur l’Eco Alter Nappa, un ‘ cuir végétal ’, mais pour ne pas utiliser un oxymore, parlons plutôt d’‘ éco-cuir ’.
Cette nouvelle matière est réalisée à base de cellulose de blé qui provient des résidus de cette céréale utilisée pour la farine. L’Eco Alter Nappa a été utilisé pour la première fois par la styliste Stella McCartney, considérée comme pionnière de la mode écologique et durable, sans cuir, ni fourrure, ni plumes ou aucun autre tissu animal. Depuis 2013, sa marque cherche à diminuer son empreinte carbone en utilisant exclusivement du cuir de synthèse Eco Alter Nappa labellisé ‘ Peta ’, du nom de l’association éponyme qui milite pour un traitement éthique des animaux et pour la reconnaissance et la protection de leurs droits. Mes modèles de chaussures ont également été validés par l’Apma, la fédération américaine des podologues. Cet ‘ éco-cuir ’ ne comporte aucun solvant et il est coloré avec des pigments naturels. La matière est antibactérienne, respirante et imperméable. La semelle extérieure, quant à elle, est en caoutchouc et en néolite, à base de minéraux. Blanlac s’est donc parfaitement affranchie de toute origine animale.

D’où vient le nom de « Blanlac » ?
« Le nom de ma société, Blanlac, rend hommage à la beauté de la nature, au respect de celle-ci, et fait aussi référence à de beaux souvenirs personnels. Dans le même ordre d’idées, chaque modèle de chaussure porte le nom d’une fleur rare de montagne, souvent une espèce protégée qu’on ne peut acheter.

A-t-il été facile de distribuer votre première collection ?
« Je ne peux pas dire qu’il a été facile de créer et de distribuer mes premiers modèles. Pour débuter, nous avons créé une collection en édition limitée avec des modèles classiques, sans perdre de vue l’essentiel : la qualité. Blanlac offre des chaussures fabriquées avec le plus grand soin, livrées avec un set de talons de rechange et un pochon de voyage en coton organique. Nous remettons également un certificat d’authenticité et les boîtes sont toutes en carton recyclé. La distribution a démarré grâce aux médias sociaux ! Une blogueuse anglaise m’a contactée pour me demander une paire de chaussures sur mesure. Je lui ai offert cette première paire et elle a posté une photo d’elle avec mes chaussures aux pieds et un petit texte. La distribution est partie de là. Une autre blogueuse, norvégienne, a acheté en ligne une paire de chaussure en 41 ½. Elle a posté quelques photos, ce qui a déclenché plusieurs achats de followers en Norvège. Blanlac propose un large choix de pointures allant du 34 au 45, et également des demi-pointures ! J’insiste sur ce point, car très souvent, les demi-pointures ne sont pas disponibles. En 2018, j’ai participé à une foire végane à Gand, en Belgique. J’y ai rencontré une entrepreneuse séduite par des bottines et des chaussures de soirée. Elle a partagé son achat sur les réseaux sociaux, et là encore, d’autres commandes ont suivi.

Avez-vous des concurrents et comment vous démarquez-vous ?
« Certains principes ont la dent dure, comme celui qui nous conditionne à penser qu’une bonne paire de chaussures doit forcément être en cuir. Le tannage de tonnes de peaux d’animaux a des conséquences dramatiques pour l’environnement. Il est très gourmand en eau et nécessite plusieurs traitements chimiques et polluants. Porter des peaux de cadavres, poilues ou épilées, n’est vraiment pas éthique, quand on y pense. Aujourd’hui, il existe de belles alternatives 100 % véganes, parfois réalisées à partir de matières recyclées, mais toutes les sociétés véganes n’utilisent pas les mêmes matières et les prix sont variables. Je me positionne sur le marché par la qualité de l’éco-cuir avec lequel je travaille, des prix abordables et le savoir-faire des artisans, tous sélectionnés pour leurs processus transparents et écoresponsables (recyclage des eaux usées, etc.). Pour l’achat d’une paire de chaussures Blanlac, en stock ou réalisée sur mesure, il faut compter environ 260 euros, et plus ou moins 320 euros pour des bottines.

Avez-vous reçu des aides d’organismes ou avez-vous participé à des projets qui se sont avérés fructueux ?
« J’ai participé au programme ‘ Impuls ’, une initiative portée par nyuko. Il s’agit d’un programme d’accompagnement de projets entrepreneuriaux conciliant viabilité économique et impact social. Cette formation de six mois est à la fois intense et profitable. Lors de la création de ma société, j’ai bénéficié des services de la House of Entrepreneurship, qui m’ont aidée dans mes démarches. Du 17 au 23 décembre 2018, j’ai également pris part à un projet de pop-up store à Paris, en association avec cinq autres créateurs. Cette expérience a été très concluante, et j’ai pu nouer de nombreux contacts et faire connaître la marque Blanlac. La Ville de Luxembourg pourrait développer ce concept de commerces éphémères en mettant en relation candidats et occupants ou propriétaires de biens immobiliers commerciaux situés en centre-ville, afin de développer une nouvelle dynamique et encourager la création d’activités commerciales de nouvelle génération.

Quels sont vos projets d’avenir ?
« Je suis encore en pleine phase de lancement et je recherche actuellement un showroom d’environ 10 m2 pour assurer une permanence en fin de journée et pouvoir exposer les modèles signés Blanlac. J’ai  commencé à élargir ma gamme de produits en proposant des modèles de ceintures réversibles avec une boucle interchangeable. Une nouvelle gamme de chaussures pour homme sera également proposée pour la rentrée. En août 2019, je présenterai ma collection hiver au Bare Fashion Show, le premier défilé de mode ‘100 % végan’, à Londres. Ce sera l’occasion de rencontrer des journalistes et des personnalités issues du milieu de la mode végane. Mon site Internet va subir une refonte complète. Je compte beaucoup sur la vente en ligne, via une plateforme qui sera bientôt opérationnelle.
Blanlac réserve encore quelques surprises pour le mois d’août… Je ne suis pas issue du milieu de la mode et du stylisme et je dois encore apprendre à vivre au rythme des collections été-hiver. En septembre, je me rendrai à la foire internationale de la chaussure, Micam Milano, qui a lieu deux fois par an à Milan. Ce salon est l’un des plus importants du genre dans le monde, et il présente les dernières tendances et collections de chaussures.
D’ici quelques années, j’espère former une équipe pour pouvoir continuer à développer Blanlac. Je reste aussi persuadée que les produits écoresponsables deviendront la normalité. Et pour poursuivre dans cette voie, une partie de mes bénéfices continuera d’être reversée à une association luxembourgeoise de défense des animaux.

Auriez-vous un conseil à donner à quelqu’un qui rêve de créer son entreprise ?
« Il faut rester cohérent avec ses convictions, être opiniâtre dans son travail et faire preuve d’une certaine rigueur. Il faut aussi sans cesse se renouveler, rester créatif et se tenir informé des tendances. »

www.blanlac.com

 

Texte : Marie-Hélène Trouillez - Photos : Matthieu Freund