Droit de la faillite: une réforme peu propice à l’entrepreneuriat

Avis complémentaire de la Chambre de Commerce

La Chambre de Commerce a rendu son avis sur le projet de loi relatif à la préservation des entreprises, visant à moderniser le droit des faillites et sur les amendements parlementaires qui complètent le projet de loi initial. L’institution salue la volonté de réforme et la plupart des amendements proposés. Elle est en revanche très critique sur certaines dispositions, notamment en ce qui concerne la faiblesse du volet préventif et la trop grande sévérité du volet répressif qui, entre autres, ne fait pas de distinction entre entrepreneurs honnête et malhonnête, en réservant les mêmes sanctions à tous.

Depuis longtemps, la Chambre de Commerce appelle de ses vœux une réforme en profondeur du droit des faillites. Ainsi, elle salue la majorité des amendements qui dans l’ensemble apportent une modernisation bienvenue à la loi initiale, mais elle estime que le projet de loi et ses amendements ne répondent pas encore suffisamment aux besoins des entreprises et de l’économie du Luxembourg.

Le principal défaut du texte est de ne pas tenir assez compte de la réalité vécue par les PME et TPE. Or ces entreprises représentent 99% du tissu économique du pays et elles contribuent davantage à la création de valeur que dans bien d’autres pays. Il ne faut donc surtout pas les oublier. La Chambre de Commerce souhaite insister notamment sur le volet préventif des faillites, qui n’est pas du tout assez développé. Une simple détection des entreprises en difficulté n’est en effet pas suffisante pour réellement prévenir la faillite.

La Chambre de Commerce préconise donc de mener une analyse approfondie des causes des difficultés rencontrées. La solution pourrait être de mettre des personnes qualifiées à disposition de ces entreprises afin de les aider à identifier l’origine de la passe difficile qu'ils sont en train de vivre, ainsi que les moyens d’action à mettre en œuvre pour surmonter les difficultés, sachant que celles-ci peuvent survenir à tout moment dans la vie d'une entreprise.

A cet égard, la Chambre de Commerce souligne qu’elle a mis en place, de sa propre initiative et à l’instar de ce qui existe déjà en France et en Belgique, l’offre de services « one-stop shop to prevent » destinée à aider les indépendants et dirigeants d’entreprises à faire le point sur leur situation professionnelle et à trouver les bonnes pistes de redéploiement et pérennisation de leur entreprise, grâce à une offre composée de formations, de coaching et de conseil personnalisé.

En ce qui concerne le volet répressif de la loi, la Chambre de Commerce regrette que le législateur ait pris la décision d’aggraver encore la responsabilité du dirigeant en cas de faillite.

En effet, en l’état actuel,  les dispositions prévoient de condamner d’office pour banqueroute simple tout dirigeant de droit ou de fait qui n’a pas fait aveu de la cessation de ses paiements dans le délai d’un mois prévu par la loi. Le juge se voit ainsi privé de la possibilité d’analyser la situation réelle de l’entrepreneur et est donc contraint de prononcer une condamnation pénale sur base du simple non-respect d’un délai.

Dans le même ordre d’idées, la Chambre de Commerce ne peut approuver les nouvelles conditions de mise en œuvre de l’interdiction d’exercer (article 444-1) et de l’action en comblement de passif (article 495-1). En effet, alors qu’actuellement le législateur sanctionne le dirigeant ayant commis une faute grave et caractérisée ayant contribué à la faillite, les auteurs des amendements ont drastiquement amendé ce régime non seulement en supprimant la notion de faute caractérisée, mais également en sanctionnant toute faute grave « commise dans le cadre de la faillite ».

Par ailleurs, et malgré l’opposition ferme de la Chambre de Commerce, le nouvel article 97 du projet de loi conserve certaines dispositions de l’Abgabenordnung qui prévoient que sous certaines conditions le dirigeant de société peut être tenu vis-à-vis de l’administration fiscale des dettes de la société faillie. Or, dans le même temps, le nouveau texte supprime la notion de faute (« Schuld »). Cette suppression a pour effet de renforcer la responsabilité du dirigeant vis à vis de l’administration fiscale, ce que la Chambre de Commerce ne peut admettre. Cette modification prive en effet l’administration fiscale et les juridictions administratives de toute faculté d’appréciation des circonstances de chaque faillite.

La Chambre de Commerce rappelle l’importance de distinguer le chef d’entreprise malheureux et de bonne foi de l’entrepreneur malhonnête ayant abusé de son entreprise et de ses créanciers pour en tirer profit.

La Chambre de Commerce s’oppose par conséquent fortement à ces dispositions qui risquent de peser lourdement sur la capacité du pays à faire naître des vocations d’entrepreneurs et est de nature à porter préjudice à l’attractivité même du Grand-Duché en tant que terre d’accueil pour startups. Les mesures répressives dont il est question sont en totale contradiction avec l’idée d’accorder une seconde chance aux entrepreneurs, alors même que cette idée figure en bonne place dans les intentions du 5ème plan PME, dont le lancement a été récemment annoncé par le ministre Lex Delles. Lorsque l’on sait que 18% des entrepreneurs de l’Union Européenne qui réussissent ont d’abord échoué lors de la création d’une première activité, et que les entreprises qu’ils créent grandissent plus vite que les autres, on ne peut que conclure aux vertus d’enseignement de terrain que recèle une première expérience d’entrepreneur, fut elle conclue par un échec. La Chambre de Commerce considère qu’il faut en finir avec la honte de l’échec entrepreneurial et la stigmatisation des entrepreneurs faillis.

Pour en savoir plus sur l'initiative « one-stop shop to prevent » : www.houseofentrepreneurship.lu/nos-services/

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