Si le Luxembourg veut renforcer sa compétitivité, il faut courir encore au moins deux fois plus vite

Affaires économiques

IMD World Competitiveness Yearbook 2018

Si le Luxembourg veut renforcer sa compétitivité, il faut courir encore au moins deux fois plus vite.[1]

L’édition 2018 du World Competitiveness Yearbook (WCY) de l’institut suisse IMD[2] vient de paraitre, dévoilant la nouvelle place de l’économie luxembourgeoise dans ce palmarès attendu des économies les plus performantes. Avec le 11ème rang, le Luxembourg confirme faire partie « toutes catégories confondues » des économies les plus compétitives parmi 63 pays. Par rapport à l’an passé, le Luxembourg perd toutefois trois positions et sort du top 10 pour retrouver le même rang qu’en 2016. La compétition entre les nations ne cesse en effet de s’intensifier alors que l’innovation, technologique mais pas que, l’aptitude à produire et attirer les talents, et la compétitivité-coût sont au cœur de la capacité des économies à renforcer leur compétitivité et in fine le bien-être et la cohésion sociale.

L’évolution du classement général du WCY en un clin d’œil
La progression de 2017, passage du 11ème rang au 8ème, n’aura donc été qu’éphémère. Le Luxembourg profite de sa dynamique économique pour maintenir son leadership en termes d’exportation des services, d’investissements directs internationaux ou de richesse par habitant, et pour améliorer ses performances quant à la croissance de la force de travail ou encore le chômage des jeunes. Mais cette croissance, essentiellement quantitative, a le double effet de ne pas élever nécessairement le bien-être moyen des résidents, le pays étant même en légère décrue en ce qui concerne le PIB par habitant (avec toutes les limites connues de cet indicateur), et de générer des effets négatifs : situation critique du marché du logement, congestion sur les réseaux de transport, tensions sur le niveau des salaires, etc.

Les atouts nécessaires à une croissance qualitative se mettent en place, mais le rythme de cette transition continue à interroger face au très fort dynamisme d’autres économies de par le monde. C’est ainsi que le Luxembourg perd des places quant à sa capacité à attirer les talents, l’attractivité de son environnement fiscal, la digitalisation de son économie et l’évolution de sa productivité, ce qui est à la fois démontré par les indicateurs statistiques utilisés dans l’étude de l’IMD et ceux de perception collectés auprès des chefs d’entreprises luxembourgeoises à travers l’enquête mise en œuvre dans le cadre de l’étude.

Les Etats-Unis retrouvent la tête du classement d’IMD en 2018, Hong-Kong et Singapour complétant le podium. Suivent dans le top 10, les Pays-Bas, la Suisse (qui sort du podium), le Danemark, les Emirats Arabes Unis et la Norvège (tous deux en progression de trois places), la Suède et le Canada qui dépassent ainsi le Luxembourg. Le Grand-duché est 7ème d’un classement européen dominé par les Pays-Bas (et 4ème Etat membre de l’UE). La création d’un classement des pays de moins de 20 millions d’habitants permet de situer le Luxembourg à la 9ème position hors pays de grande taille.

Du côté des principaux piliers de compétitivité, les performances économiques du Luxembourg demeurent solides, avec une 4ème place en 2018, en baisse néanmoins d’une place par rapport à 2017. Le «  commerce international » et les « investissements internationaux » sont deux atouts sur lequel le Luxembourg - pays ouvert par excellence et compétitif dans les échanges de services commerciaux - s’appuie pour obtenir un tel classement. L’« emploi » a tendance à s’améliorer au niveau conjoncturel mais il se développe des difficultés structurelles, la plus symptomatique étant toutefois la baisse du PIB par habitant en 2018, qui symbolise une « économie nationale » intrinsèquement en perte de vitesse. Le positionnement du Luxembourg en termes « prix » se dégrade, sous l’effet du retour de l’inflation et du niveau élevé des loyers, à l’habitat et de bureau.

L’efficacité des pouvoirs publics se détériore pour la seconde année consécutive. En l’absence de chocs majeurs, le recul des performances des finances publics n’inquiète que modérément à court terme, même s’il est crucial de garder l’œil sur un système de pensions fragile à long terme. C’est davantage la fiscalité, des entreprises notamment, qui peut porter préjudice à la compétitivité immédiate du Grand-duché. Alors que la compétition fiscale entre les pays se renforce et que la politique fiscale est un facteur prépondérant de compétitivité-coût des entreprises résidentes et d’attractivité pour les investisseurs, le Luxembourg n’est positionné qu’au 44ème rang de ce classement, avec notamment un taux d’imposition des profits supérieur à la moyenne. Le cadre institutionnel et législatif est dans l’ensemble considéré pro-business. Des efforts sont cependant nécessaires en faveur de l’entrepreneuriat.

Le Luxembourg a perdu deux places en termes d’environnement des affaires, rétrogradant à la 8ème position en 2018. L’économie dans son ensemble demeure particulièrement productive mais cette productivité stagne, ce qui permet à d’autres économies de rapprocher leur performance à celle du Luxembourg. Le Grand-duché a perdu cinq rangs pour le sous-pilier « productivité et efficience » par rapport à l’an dernier, passant de la 3ème à la 8ème place en 2018. Un retard et des difficultés en matière de mise en œuvre de la digitalisation et de manque de main-d’œuvre qualifiée peuvent freiner l’évolution positive de la productivité. Les entreprises, de par leurs pratiques de gestion et de ressources humaines ont la volonté de pallier ce manque, par la formation notamment. Le secteur financier continue, lui, à tirer vers le haut une économie où le coût de la main d’œuvre pourrait devenir l’un des principaux enjeux en termes de compétitivité.

Les infrastructures, principalement dans les domaines de la technologie (32ème) et scientifique (23ème), apparaissent encore insuffisantes. Les véritables réussites que sont les dépôts de brevets et le développement d’un écosystème de recherche et d’innovation luxembourgeois coexistent avec des difficultés importantes pour le recrutement des compétences digitales, les coopérations technologiques et l’éducation aux sciences. La réduction de son empreinte écologique demeure également un défi de premier ordre pour le Grand-duché.

Les quatre premiers « key attractivness indicators » du Luxembourg répertoriés par l’étude IMD changent peu par rapport à 2017 pour les entrepreneurs interrogés. Il s’agit dans l’ordre de « Policy stability & predictability », « Dynamism of the economy », « Business-friendly environment» et « Competitive tax regime». Le facteur « Effective legal environment » est 5ème au détriment d’un « Access to financing » plus délicat.


[1] « Ici, voyez-vous, il faut courir aussi fort qu'on le peut simplement pour rester au même endroit. Si on veut se rendre ailleurs, il faut courir encore au moins deux fois plus vite. » Lewis Caroll, De l'autre côté du miroir.

[2] Depuis 1989, l’institut suisse IMD (International Institute for Management Development) analyse la compétitivité de plus de 60 pays. Le classement est basé tant sur des indicateurs statistiques (hard data) que sur l’opinion des décideurs économiques et des dirigeants d’entreprises, enquête coordonnée par la Chambre de Commerce pour le volet luxembourgeois. Plus précisément, l’enquête IMD repose sur l’examen de 260 indicateurs rassemblés sous quatre piliers, à savoir les performances économiques, l’efficacité des pouvoirs publics, l’environnement des affaires et la qualité des infrastructures.