Réforme du Fonds du Logement : agir vite et mieux !

Avis de la Chambre de Commerce

La Chambre de Commerce vient d’aviser le projet de loi portant réforme du Fonds du Logement. Il s’agit principalement de créer un cadre législatif et de réorganiser  l’établissement public qu’est le Fonds, avec comme objectif d’augmenter l'offre de logements et réduire le coût du foncier et de l'habitat. Le Fonds du Logement, dont le Comité directeur est composé de représentants de l'Etat, des principales organisations syndicales et des chambres professionnelles patronales, est chargé depuis bientôt quatre décennies, d’acquérir et d’aménager des terrains à bâtir et d’y faire construire en étroite collaboration avec les autorités communales, des logements à coût modéré destinés tant à la vente qu’à la location.


Marché du logement : à la recherche de l’équilibre perdu

Alors que les problématiques inhérentes au marché du logement luxembourgeois ont été  identifiées et semblent largement partagées, les solutions pour y remédier sont encore largement débattues. Les mesures prises à l’heure actuelle agissent le plus souvent sur le soutien de la demande, sans garantie que l’offre de terrains à bâtir et de logements suive le rythme, avec pour conséquence une hausse continue des prix qui ont déjà doublé en 15 ans[1]. Cette situation du marché du logement exerce une pression énorme sur les salaires et affecte ainsi la compétitivité de l’économie.

Le logement subventionné ne fait pas exception à la règle et ce, malgré l’intervention des pouvoirs publics à travers notamment le Fonds du Logement, raison pour laquelle, entre autres, le Gouvernement réorganise cet établissement public qui n’a jamais fait l’objet de réformes en profondeur depuis sa création en 1979.

La Chambre de Commerce estime que la mise à disposition de logements par le biais de promoteurs publics - à un prix/loyer juste - aux ménages à revenu modeste, devrait viser à réduire l’écart entre l’offre et la demande. Le parc locatif social joue un rôle significatif à cet égard, comme l’a d’ailleurs rappelé le Premier Ministre dans son discours sur l’état de la nation du 26 avril 2016. Dans ses recommandations au Luxembourg dans le cadre du semestre européen, la Commission européenne estime également que la problématique du marché du logement doit être traitée au plus vite


Un projet de loi visant une révision globale de la législation actuelle

La révision du cadre législatif et la réorganisation interne du Fonds du Logement visent à accroître les activités des promoteurs publics pour offrir davantage de logements. Les nouvelles dispositions auront un impact sur les recettes et les dépenses de l’Etat et engendreront un accroissement des activités du Fonds. Le coût de fonctionnement et les aides étant fonction de l’ampleur des activités, le résultat global est par conséquent, difficilement appréhendable.


Position de la Chambre de Commerce : « Oui, mais … »

Si elle partage la vue du Gouvernement quant à la nécessité de réformer le Fonds du Logement et de rétablir la situation tendue sur le marché du logement (locatif social et au-delà), la Chambre de Commerce émet certaines réserves quant à la réorganisation envisagée et sa mise en œuvre.


Des efforts à poursuivre, voire à accélérer

Il est nécessaire de résorber durablement l’écart entre l’offre et la demande sur le marché du logement. Dans cette perspective, la Chambre de Commerce souhaite une collaboration accrue entre le secteur privé et la Société Nationale des Habitations à Bon Marché (SNHBM).

Une fusion entre le Fonds du Logement et la SNHBM avait par ailleurs été envisagée en 2012, mais le projet de loi a toutefois été retiré.


Des cibles clairement définies pour des objectifs précis

La réforme prévoit le recentrage des missions du Fonds du Logement sur la mise en location de logements sociaux et la cession de logements aux personnes remplissant les conditions pour bénéficier des aides individuelles au logement. Avant de pouvoir entreprendre des actions ciblées et concrètes, la Chambre de Commerce estime que la notion de logement « social » doit être clairement définie, ce qui n’est pas le cas actuellement. Les besoins en logements locatifs subventionnés doivent également être mieux chiffrés.

Afin de garantir une certaine mixité sociale, le Fonds du Logement peut - « à titre accessoire » -  réaliser d’autres activités. La Chambre de Commerce regrette que le projet de loi ne comporte aucune précision sur ce qu'il faut entendre par « à titre accessoire ».


Nouvelle gouvernance du Fonds : « Peut mieux faire »

Le Fonds du Logement sera géré par un directeur et deux directeurs-adjoints. L’actuel comité-directeur sera transformé en un Conseil d’administration, composé de 13 membres, dont un représentant du Syndicat des Villes et Communes Luxembourgeoises (Syvicol). La Chambre de Commerce salue cette nouveauté qui facilitera les échanges avec les administrations locales et accélérera les procédures administratives.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit la désignation d’un commissaire du Gouvernement par le ministre en charge du logement. Le commissaire disposera d’un droit d’information et de contrôle sur la gestion de l’établissement public et veillera au respect de la législation et des conventions conclues avec l’Etat. La Chambre de Commerce juge le principe superflu au vu des contrôles déjà prévus, telle que la soumission de certaines décisions du Conseil d’administration à l’approbation du ministre.

La Chambre de Commerce s’interroge par ailleurs quant à la réelle « autonomie administrative », invoquée dans le projet de loi, dont disposerait le Fonds du Logement et craint que ces supervisions démultipliées ne constituent un frein à ses activités.  


Un manque d’objectifs à tenir pour une efficacité optimisée

Afin que le financement du Fonds du Logement par l’Etat soit conforme aux règles européennes en matière d’aides d’Etat, ce dernier versera au Fonds une « compensation de service public » en deux parties, à savoir, des dotations couvrant une partie du prix en cas d’acquisition ou d’échange de terrains, d’une part et une compensation des déficits d’exploitation des activités de vente et de location sociale, d’autre part. 

Le Fonds du Logement tiendra dès lors des comptes séparés pour l’activité subventionnée et l’activité non subventionnée, qui, à leur tour, doivent être séparés pour l’activité de location et pour l’activité de vente, ce dont la Chambre de Commerce se réjouit.

La Chambre de Commerce s’inquiète toutefois de l’absence de mécanismes incitant le Fonds du Logement à atteindre certains objectifs ou à viser une plus grande efficience opérationnelle, puisque les déficits seront compensés intégralement et de manière inconditionnelle.


Des droits spéciaux et exclusifs revus

La réforme prévoit l’abolition, pour le Fonds du Logement uniquement, de l'exemption des droits de timbre, d'enregistrement, d'hypothèque et d’impôts dont bénéficient actuellement tous les promoteurs publics qui effectuent des acquisitions immobilières. Selon la Chambre de Commerce, cette différence de traitement entre les promoteurs publics n’est pas justifiée.

Pour ce qui est de son droit de préemption, et afin de contrer toute velléité de plus-values ou de spéculation immobilière dans le cas de la revente de logements subventionnés, la Chambre de Commerce recommande que les modalités du calcul du prix de rachat soient convenues dans l’acte de vente avec emphytéose conclu avec le propriétaire.

En synthèse, la Chambre de Commerce salue le projet du Gouvernement de réorganiser cet établissement public qui n’a jamais vraiment bénéficié de réformes en profondeur depuis 1979, mais demande néanmoins plus de clarté et de précision, avec une définition claire des objectifs, afin de prendre les mesures adéquates pour une meilleure efficacité et plus de transparence.

Le texte intégral de l’avis de la Chambre de Commerce est disponible ici.


[1] Source : Commission européenne, Commission Staff Working document, Country Report Luxembourg 2016, février 2016.