« Quo vadis libre-échange ? Garder le cap face au risque de repli »

Affaires économiques

Actualité & tendances n°19

Lynn Zoenen, conseillère, Affaires économiques de gauche à droite: Marc Wagener, directeur Affaires économiques, Lynn Zoenen, économiste et Carlo Thelen, directeur général de la Chambre de Commerce

L’édition n°19 du bulletin économique « Actualité & tendances » de la Chambre de Commerce est consacrée au libre-échange. Le message principal que la Chambre de Commerce souhaite adresser aux entreprises, aux décideurs politiques ainsi qu’à toute autre partie prenante qui s’intéresse à la libéralisation des échanges commerciaux internationaux se trouve dans le titre de la publication : « Garder le cap face au risque de repli ».

Ce propos intervient à un moment propice, le libre-échange ayant été fortement médiatisé ces dernières années dans le cadre notamment de plusieurs projets d’accords commerciaux internationaux et, par ailleurs plus récemment, dans le contexte du Brexit, des récents commentaires américains à l’égard du système multilatéral en matière de libéralisation des échanges  et des élections présidentielles en France.

Démystifier, sensibiliser et encourager - tels sont les objectifs de l’Actualité & tendances n°19, qui rappelle les bienfaits de l’ouverture commerciale et de la libéralisation des échanges commerciaux, en général et plus particulièrement pour les petites économies matures et ouvertes comme le Grand-Duché. De même, l’auteur va au fond des malaises qui sont de plus en plus souvent ressentis notamment par les classes moyennes des pays occidentaux. Quels sont les motifs derrière l’opposition croissante au libre-échange et comment calmer les esprits échauffés en apportant des solutions « win-win » ? La question de la répartition des « fruits » de la mondialisation, qui est abordée dans la publication de la Chambre de Commerce, se pose plus que jamais et l’acceptation de la mondialisation par la société est une fonction directe de sa capacité à contribuer au bien-être de la population.

Le libre-échange n’étant ni une fin en soi, ni une pure considération économique,  l’impact social et sociétal du libre-échange doit être dûment appréhendé. Fil rouge dans l’histoire socio-économique du Luxembourg, le libre-échange constitue, notamment depuis les premières étapes de l’intégration européenne, la fondation de la croissance économique luxembourgeoise et la force motrice des entreprises du pays. Contribuant à accroître la richesse nationale, il a permis de bâtir l’Etat-providence généreux dont jouit la société luxembourgeoise aujourd’hui. Si le Grand-Duché, 2e pays le plus inclusif au monde, selon l’ « Inclusive Development Index » du Forum économique mondial, et économie performante qui compte sur une forte cohésion sociale, est largement plus convaincu des bienfaits de l’ouverture commerciale que d’autres pays, qui ne peuvent s’appuyer sur un consensus social aussi solide, il a tout intérêt à continuer à défendre les valeurs d’ouverture et de coopération et à les promouvoir tout particulièrement au niveau européen, sachant qu’avec le départ du Royaume-Uni, l’Europe perdra un ambassadeur engagé et naturel des échanges transfrontaliers.

L’importance de ces derniers pour le Grand-Duché se reflète dans le fait que chaque Euro gagné sur les marchés étrangers revient en partie au pays sous forme de revenus et d’impôts, tout en requérant le cas échéant des investissements moins lourds en termes d’infrastructures. Ainsi, le commerce extérieur peut être un important moteur de la croissance qualitative.

Ce n’est toutefois pas en le promouvant « aveuglément » que le libre-échange continuera à porter des fruits pour le Grand-Duché. Force est de constater que de nombreux chantiers de longue date devront être achevés, non seulement au niveau international, mais également au niveau communautaire : si la création du marché unique européen marque sans doute l’étape la plus importante de la construction européenne pour les entreprises luxembourgeoises, il s’avère que le potentiel du marché unique reste encore largement sous-exploité. La Chambre de Commerce concentre son analyse sur cinq domaines qui revêtent une importance particulière pour les entreprises luxembourgeoises : les services, le principe de la reconnaissance mutuelle, le blocage géographique, les marchés publics et la mobilité des travailleurs.

Force de proposition, la Chambre de Commerce énonce, en fin de publication, 10 pistes qui permettraient à ses yeux d’optimiser les gains du libre-échange pour l’Union européenne et le Luxembourg en particulier. Ces conditions-cadres s’inscrivent dans quatre domaines d’importance capitale pour le Grand-Duché : la politique commerciale, la promotion de l’internationalisation des PME, la diversification géographique et industrielle et le marché unique européen.

 

LES 10 INDISPENSABLES D’UN ÉCHANGE INTERNATIONAL REVIGORÉ


Assurer la viabilité de la politique commerciale européenne

N°1 Revoir la gouvernance de la politique commerciale européenne pour éviter une reproduction du scénario wallon dans le cadre du CETA, c’est-à-dire un blocage de la signature d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et un pays tiers, car une telle situation ne retarde non seulement  la survenance des retombées positives des accords commerciaux, mais risque également de décrédibiliser l’Union par rapport à d’autres partenaires commerciaux potentiels.

N°2 Œuvrer en faveur d’un libre-échange plus inclusif en identifiant l’origine des « douleurs » et en soutenant les perdants du libre-échange moyennant une véritable politique de redistribution qui, au lieu de créer des pièges à l’emploi, propose des mesures qui renforcent leur employabilité et la cohésion sociale.

N°3 Définir une réelle stratégie pour assurer un « level playing field » et la réciprocité des engagements notamment en matière de marchés publics, tout en maintenant une position ferme vis-à-vis des pratiques commerciales discriminatoires pernicieuses.

N° 4 Piloter le libre-échange, c’est maîtriser la globalisation ! A cet égard, le Luxembourg doit jouer son rôle naturel de fervent défenseur de l’intégration européenne et d’un pays qui aide à façonner le développement de l’Union. Le Grand-Duché peut donc faire des contributions très importantes, disproportionnées à sa petite taille, pour influencer les règles de la politique commerciale européenne ainsi que la fixation de standards élevés tout en assurant le respect du level playing field.  Par ailleurs, il importe en ce moment de soutenir l’Union européenne, sachant que son poids dans le commerce mondial est amené à diminuer à l’avenir en faveur notamment des pays émergents.


Promouvoir l’internationalisation des entreprises luxembourgeoises

N°5  S’assurer que la récente réforme de la promotion économique puisse clarifier le rôle de chaque partenaire engagé, de sorte que les entreprises luxembourgeoises pourront clairement identifier les acteurs en charge de l’organisation des initiatives de promotion du commerce extérieur et d’assistance en la matière. Tout doublon et manque de coordination sont à éviter dans ce contexte. La Chambre de Commerce continue à s’engager pour la réussite de cette réforme et à jouer son rôle historique de cheville ouvrière et de partenaire privilégié des entreprises dans la promotion du commerce extérieur et de l’internationalisation des PME de tous les secteurs d’activité dont elle est la représentante.

N°6 Explorer l’introduction d’un crédit d’impôt à l’exportation pour les PME afin de les aider à développer leur activité internationale, à l’instar des instruments disponibles aux États-Unis et en France.

N°7  Promouvoir la sous-traitance et la formation d’experts en exportation parce que le transfert de la gestion des questions fiscales et juridiques , entre autres,  à un expert permettrait aux petites structures de se concentrer sur leurs activités de base, stimulerait leur intérêt à s’engager dans une stratégie d’internationalisation. La formation d’experts en exportation pourrait s’inscrire dans un programme de formation tertiaire professionnalisante.


Favoriser davantage la diversification géographique et industrielle

N°8 Diversifier le carnet d’adresses à l’exportation et à l’importation afin de mieux répartir le risque lié à une concentration trop importante sur quelques pays partenaires.

N°9 Diversifier davantage la base industrielle luxembourgeoise pour participer aux chaînes de valeur internationales en augmentant le nombre de diplômes STEM (Science, technology, engineering, mathematics), en adaptant l’offre de formation pour les travailleurs faiblement qualifiés, et en se dotant des infrastructures nécessaires au développement de nouvelles niches industrielles à haute valeur ajoutée, sous forme de plateformes communes permettant de réduire les coûts de recherche et de développement par le partage des ressources humaines et infrastructurelles et de bâtir des ponts entre la recherche fondamentale et appliquée.


De l’importance des « devoirs à domicile »

N°10 Assurer la viabilité de la politique européenne. C’est seulement par la prise de responsabilité de tous les Etats membres de l’Union qu’une amélioration d’envergure de la coopération européenne pourra être atteinte. Afin de rendre plus performant le marché unique européen, le Luxembourg devrait, pour sa part, entretenir des contacts réguliers avec les administrations compétentes en matière de reconnaissance mutuelle, organiser des séances d’informations pour tenir les entreprises au courant des dernières évolutions des exigences en matière de commerce électronique, encourager les entreprises luxembourgeoises de manière proactive à participer aux appels d’offres publics européens et s’atteler aux dysfonctionnements en termes de mobilité et de logement pour inciter la mobilité du travail et continuer à attirer des travailleurs hautement qualifiés.

 

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